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L’UX du luxe

L’UX du luxe 2560 1252 Wedo studios

2020. Dans le monde entier, de multiples gouvernements ferment les frontières, instaurent des confinements et imposent la suspension des activités de vente dites “non essentielles”.

Le luxe est par définition coûteux, rare, somptueux… Et non essentiel.

Si le secteur subit d’ordinaire peu les conséquences des crises économiques, la pandémie a changé la donne lorsque les flux de touristes sont stoppés net et les grands magasins forcés de fermer leurs portes.

Plusieurs groupes comme Kering (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga) ou LVMH connaissent une chute de chiffre d’affaires ou un recul de leurs ventes au premier trimestre 2020.

Le numérique s’impose assez naturellement comme une alternative d’expérience client satisfaisante dans de nombreux secteurs. Le luxe se tourne donc également vers l’e-commerce (dès l’été 2020, celui-ci représentait 23% des ventes de produits de luxe, soit une augmentation de 50% par rapport à 2019).

Il s’agit cependant d’un réel challenge pour le secteur de luxe où la spécificité du parcours client est à la fois hautement expérientielle (travail sensoriel, matériaux exceptionnels, direction artistique pointue, savoir-faire uniques) et étroitement liée à son exclusivité, entre défilés de mode à huis clos, boutiques prestigieuses et services haut de gamme.

Le secteur doit donc à la fois restituer ses codes et son ADN, tout en se réinventant à travers une expérience numérique. C’est aussi l’occasion de se rapprocher d’une nouvelle génération, plus connectée mais surtout plus exigeante et plus critique.

Pour prendre le tournant du numérique, certaines marques de luxe se sont associées à des plateformes.

Par exemple, le géant chinois Alibaba s’est associé au groupe suisse Richemont (Cartier, Chloé, Piaget) et a lancé le Luxury Pavilion, une plateforme spécialisée dans le luxe à destination du marché chinois et qui propose pas moins de 220 marques comme Prada, Balmain, Montblanc, etc.

Face à cette montée en flèche du e-commerce, le défi majeur pour les marques de luxe est de recréer une expérience client en ligne aussi prestigieuse qu’en magasin.

Les sites de luxe sont de véritables fenêtres sur l’univers de leur marque : une rédaction travaillée, un annuaire des points de vente physiques, une carte des services disponibles, une identité visuelle, sonore, animée aux détails soignés, etc.

Chaque élément doit refléter l’esprit et l’héritage de la marque. En faisant le tour des UIs du luxe, nous avons listé quelques aspects essentiels de ces espaces numériques exclusifs.

Le lien avec le réel 

Les sites des marques de luxe ne sont pas uniquement destinés à faire du shopping. Certains comme Rolex ou Hennessy ne proposent même pas d’option de vente, un signe que si l’expérience du luxe peut être partiellement numérique, elle est forcément hybride et aussi liée à une expérience physique, matérielle, incarnée.

C’est aussi ce que montre, avec un parti-pris différent, la marque Dior quand elle s’associe à la startup Obsess pour créer une visite virtuelle de sa boutique des Champs-Elysées.

Visite virtuelle de la boutique Dior des Champs-Elysées
Visite virtuelle de la boutique Dior des Champs-Elysées

En un clic on peut obtenir des informations sur le produit sélectionné et être ensuite redirigé vers la boutique en ligne de Dior.

Le Gucci Garden, le musée de la maison italienne situé dans le Palazzo della Mercanzia à Florence, a également mis en place sa visite virtuelle.

Visite virtuelle du Gucci Garden
Visite virtuelle de la boutique du Gucci Garden
Visite virtuelle de la boutique du Gucci Garden

Il est aussi possible d’accéder à la boutique du musée et d’effectuer des achats en contactant la marque par mail.

Enfin, la technologie try-on (ou essayage virtuel) permet aux client·e·s d’essayer un produit (vêtements, accessoires, maquillage, etc) simplement avec la caméra de leurs devices.

La réalité augmentée permet ainsi de visualiser le produit à taille réelle, de le tester sous différents angles et de confirmer le choix de la couleur, de la coupe ou de la taille avant de passer à l’achat.

Ainsi Yves Saint-Laurent propose à ses client-e-s d’essayer ses produits de beauté (rouge à lèvres, mascaras, etc) directement sur le site. La marque de haute joaillerie Bulgari a lancé son application Bulgari Creations (uniquement accessible sur invitation) qui permet de découvrir et d’essayer les nouvelles collections.

Les marques de luxe font des partenariats avec d’autres acteurs pour promouvoir leurs nouvelles collections et créer un réel effet de mode.

C’est le cas de Gucci et de Dior qui se sont plusieurs fois associés à Snapchat pour permettre aux 306 millions d’utilisateurs de l’application d’essayer leurs nouvelles sneakers.

Filtre try-on Dior sur Snapchat
Filtre try-on Gucci sur Snapchat

Un bouton « acheter » permet aux snapchatters d’être redirigés vers le site des marques.

Un regard artistique

Le luxe est avant tout une industrie créative et s’inscrit dans une longue tradition artistique et culturelle.

Ses contenus numériques reflètent cet héritage à travers des copies et microscopies poétiques ou philosophiques, à l’instar du site Hermès ou celui de Cartier.

Page d'accueil Hermès
Page d'accueil Cartier

De plus, lorsque les marques se mettent en scène numériquement, elles restituent les codes du défilé de mode, notamment en vidéo, en les agrémentant d’éléments rendus possibles par ce format comme un fort aspect narratif (défilé automne-hiver 2022 Louis Vuitton) ou un point de vue “coulisse” sur les shootings (comme sur le site de Prada).

Page d'accueil Prada
Un héritage

Le luxe tire un certain prestige de son inscription dans l’histoire, synonyme de son intemporalité et d’une qualité suffisante pour traverser les époques.

Aussi les marques mettent en avant leur passé et les origines de leur savoir-faire, soit simplement en mentionnant leur date (de préférence lointaine) de fondation (“Hermès, artisan contemporain depuis 1837”), soit en les rendant visibles sur une chronologie, notamment au moyen du scrollytelling (comme Chloé et Jacquemus), une pratique UX actuellement très populaire dans les UIs.

Page histoire du site Chloé
Page histoire du site Chloé
Page créateur Jacquemus
Un parti-pris “less is more”

Comme dans les boutiques physiques très épurées, les sites de luxe mettent globalement l’accent sur le minimalisme : très peu de texte, de très grandes images de très haute qualité, une gestion aérée du blanc. Ce parti-pris se retrouve jusque dans la profondeur des sites (le nombre de clics nécessaires pour atteindre une page depuis la page d’accueil), qui est plutôt faible (exemples : JacquemusHermès).

Page d'accueil Jacquemus
Page produit Jacquemus
Le service personnalisé

En écho à la pratique IRL du sur-mesure, certaines marques utilisent les opportunités de personnalisation du numérique pour être au plus prêt des utilisateur·trice·s.

Ainsi, elles optent pour le développement de services comme des personal shoppers en ligne via WhatsApp ou WeChat (agnès b., les grands magasins Harrods). La marque italienne Gucci a même mis en place Gucci Liveun service de shopping en visioconférence permettant aux client-e-s d’échanger directement avec un-e conseiller-ère situé-e dans une réplique de magasin.

En plus de diversifier le parcours client et de faire face à la crise sanitaire, l’utilisation des nouvelles technologies témoignent de la volonté du luxe à toucher un public plus large et surtout plus jeune.

La génération Z (ou “genZ”), ce sont celles et ceux qui sont né·e·s entre la fin des années 90 et 2010. Cette génération a aujourd’hui entre 12 et 25 ans et a toujours connu les smartphones et internet.

Elle représente un tiers de la population mondiale et dépense chaque année pas moins de 3 000 milliards d’euros au niveau mondial.

La genZ ne regarde pas la télévision mais utilise les plateformes de streaming. Elle passe une grande partie de son temps sur son smartphone (où elle effectue la majorité de ses achats) et sur les réseaux sociaux.

Sa durée d’attention est de 8 secondes contre 12 pour les millenials. Elle est aussi adepte des ad-blockers (logiciels ou extensions qui permettent de bloquer les bandeaux et formats publicitaires des sites) et fait confiance aux influenceurs-euses pour la guider dans ses achats.

Pour atteindre cette nouvelle cible aux usages différents, les marques de luxe doivent trouver de nouveaux canaux et de nouveaux angles.

Les réseaux sociaux 

 

“Avec la réalité augmentée, les marques
de luxe ont trouvé un terrain de jeu quasi infini
qui leur permet d’exprimer leur créativité.”

Geoffrey Perez, Head of Luxury chez Snapchat

Avec 58% d’utilisateurs de moins de 24 ans, Snapchat représente une plateforme essentielle pour les marques désireuses d’atteindre un jeune public. D’ailleurs, la fonctionnalité try-on de l’application (inaugurée en 2020 par Gucci) continue de se développer et est déjà utilisée par des marques haut de gamme comme Prada et les montres Piaget.

TikTok n’est pas en reste : de plus en plus de marques y créent leurs comptes, partagent défilés ou coulisses de photoshoot et diffusent des publicités pour promouvoir leurs collections.

Publicité Saint-Laurent sur TikTok

Publicité de Saint-Laurent sur TikTok : le bouton “Learn more” redirige l’utilisateur vers les pages des produits présents dans la vidéo.

La plateforme a d’ailleurs lancé son #TikTokFashionMonth, en collaboration avec Balmain, Louis Vuitton ou encore Saint-Laurent, où les utilisateurs de l’application ont la possibilité de suivre en direct certains défilés de la Fashion week, échanger avec des invités prestigieux et essayer de nouveaux filtres.

Jeu vidéo et métaverse

Les marques de luxe investissent les espaces virtuels immersifs et interactifs grâce à des collaborations (Valentino et Marc Jacobs dans Animal CrossingGucci dans les Sims 4), voire créent leur propre jeu vidéo (B Bounce de Burberry).

Comme de nombreuses marques, elles investissent dans les fameux metaverses. C’est le cas de la marque Balenciaga qui a déjà collaboré plusieurs fois avec le studio américain Epic Games (Fortnite), d’abord dans la création du jeu Afterworld : The Age of Tomorrow pour présenter sa collection automne 2021, puis avec Balenciaga x Fortniteune collection virtuelle destinée aux avatars du metaverse.

NFT et Internet culture

Balmain a récemment collaboré avec Barbie dans la création d’une collection en édition limitée. Disponible sur le site de la marque, la collection a également été mise aux enchères sous forme de NFT ( jetons non-fongibles).

Ces objets numériques s’avèrent très rentables pour les marques de luxe, parfois même plus que leurs pièces physiques, même si elles peuvent engendrer des débats de propriété intellectuelle. Ainsi Hermès attaque un artiste américain qui vend des MetaBirkins.

Responsabilité sociales des marques

La genZ est aussi une génération plus informée et surtout plus engagée que ses aîné·e·s.

Elle est soucieuse de l’environnement, des conditions de travail et de production, de l’inclusion et de la diversité.

Aussi cette génération attend-elle des marques qu’elles soient elles-mêmes plus engagées, plus transparentes et plus éthiques. Et avec la viralité des réseaux sociaux, un faux pas d’une marque peut tout changer.

Certaines en ont déjà fait les frais comme les marques Versace, Givenchy et Coach qui ont dû s’excuser auprès de leur public chinois après avoir commercialisé des t-shirts qui reconnaissaient les territoires de Hong Kong et de Macao comme des pays.

Gucci s’est également retrouvé face à un scandale suite à la commercialisation d’un pull jugé raciste, qu’ils ont finalement retiré de la vente.

T-shirt controversé Versace

Le t-shirt controversé de Versace

Excuses de Gucci via leurs réseaux sociaux

Lex excuses de Gucci via ses réseaux sociaux

La maison italienne a cependant réussi à retourner la situation en accueillant sa première directrice monde de la diversité, de l’équité et de l’inclusivité, quelques mois après la controverse, afin de “concevoir, développer et mettre en œuvre une stratégie mondiale pour favoriser l’inclusion et l’équité dans l’entreprise, tout en augmentant la diversité des effectifs en lien avec les initiatives de Gucci”.

Pour la genZ, ces questions sont très importantes. Elle rejette le côté élitiste et exclusif du luxe, exige de voir des personnes qui lui ressemblent sur les podiums et dans les publicités des marques, et n’hésite pas à boycotter celles qui font de la résistance.

Ainsi, en 2018, suite à une interview dans laquelle le directeur marketing de la marque de lingerie Victoria’s Secret refusait l’inclusion de mannequins transgenres et plus-size, la marque a vu son chiffre d’affaires diminuer, a été contrainte de fermer 53 de ses boutiques et a même dû annuler son légendaire défilé annuel.

Engagement écologique

La nouvelle génération exige aussi davantage de responsabilité environnementale, elle veut plus de transparence, de qualité et de durabilité de la part des marques. La qualité intrinsèquement liée au luxe a donc un vrai pouvoir d’attractivité.

La genZ se tourne de plus en plus vers la seconde main de qualité, comme en témoigne le succès de la plateforme Vestiaire Collective, spécialisée dans les produits de luxe. La marque Ralph Lauren s’est, elle, associée à la plateforme d’occasion Depop dans une campagne de valorisation de ses pièces vintage.

De son côté, Gucci a lancé Gucci Equilibriumun site dédié à l’environnement et à la durabilité, et Off The Gridsa première collection durable conçue à partir de “matériaux recyclés, biologiques, issus de végétaux et de sources d’approvisionnement durables.”

Avec Petit h, Hermès aussi se dote d’une ligne de vêtements fabriqués à partir de matières recyclées provenant directement de leurs ateliers et l’enseigne de joaillerie Kimaï propose de redonner vie aux pièces non portées des boîtes à bijoux.

Ainsi, ce n’est plus l’exclusivité qui est de mise mais au contraire l’inclusion, la diversité, l’éthique. Pour continuer à être pertinentes et iconiques auprès de leur nouvelle(s) cible(s), les marques doivent mettre en avant leur valeur ajoutée historique de production qualitative tout en s’inscrivant dans les usages contemporains (importance du numérique et des nouvelles technologies) et en se positionnant comme des acteurs soucieux de leur impact socio-environnemental (manières de produire, de vendre et de communiquer).

Un regard UX sur les applis de rencontre

Un regard UX sur les applis de rencontre 2560 1439 Wedo studios

Adopte, Badoo, Bumble, Happn, Hinge, Meetic… Vous prétendez ne pas les connaître ? Pourtant, il suffit d’ouvrir n’importe quel app store : les applications de rencontre se multiplient.

Il suffit d’ouvrir n’importe quel app store pour constater la vertigineuse diversité des applications de rencontre disponibles en un clic.

Disclaimer : cet article n’est pas un palmarès des meilleures applications de rencontre, ni une critique de leurs promesses (premiers rendez-vous, folles rencontres ou, pourquoi pas, le coup de foudre).

On ne vous parlera pas non plus du caractère discriminant des algorithmes ou de la marchandisation de l’amour.

Et on vous épargne le couplet sur le naufrage de la sérendipité et la mort du romantisme Ces sujets ont déjà fait couler beaucoup d’encre, et on n’est pas une agence matrimoniale.

Non, ce qu’on vous propose pour la Saint Valentin, c’est un compte-rendu d’enquête UX. Minutieusement menée et documentée par nos researchers et nos designers, cette petite étude explore la spécificité de l’expérience que proposent ces auxiliaires numériques à leurs utilisateur·rice·s.

On a donc décortiqué pour vous  la manière dont ces applications fonctionnent concrètement, leurs parcours, leurs écrans, bref, le mille-feuille de fonctionnalités qu’elles superposent.

Et pour avoir un panorama des manières par lesquelles les applications de rencontre accompagnent, configurent et conditionnent les possibilités de l’échange et de la rencontre entre leurs utilisateur·rice·s, on a choisi de s’intéresser plus spécifiquement à Adopte, Bumble, Hinge, Happn, Fruitz, Once, Tinder, Veggly et We

L’onboarding

Un schéma fonctionnel récurrent

Une fois téléchargées, l’ensemble des applications étudiées suivent une série d’étapes plus ou moins standardisées.

Fruitz, Tinder, Adopte, Veggy, We, Bumble, Happn et Once.

Après un écran interstitiel (qui renouvelle la promesse générale de l’application), l’utilisateur·ice est inévitablement invité·e à :

1. Composer son profil en renseignant différents types d’informations

Définir son profil en suivant les étapes indiquées : Happn, Tinder, We.

2. Suivre un court tutoriel sur les fonctionnalités propres à l’application

Tutoriel : Fruitz, Tinder, Happn et Bumble.

3. Faire défiler les profils qui lui sont présentés

Défilement des profils : Tinder, We, Fruitz.

4. Faire l’expérience (exaltante mais fugace) d’une affinité réciproque : premier match (Tinder), smoothie (Fruitz), crush (Happn), etc

L’affinité réciproque sanctionnée par l’application : Bumble, Happn, Tinder.

5. Engager une conversation avec l’heureux·se élu·e (et mettre cette affinité à l’épreuve d’un échange écrit… plus ou moins laborieux)

Engager la conversation : We, Veggy et Adopte.

Mais ces applications lui donnent également accès à certaines fonctionnalités.

Un espace tableau de bord :

Il ou elle peut y gérer les paramètres relatifs à son profil ou à son compte.

Définir ses préférences et modérer son profil : We, Adopte, Hinge.

Une panoplie de fonctionnalités payantes :

Elles lui permettent de contourner certaines contraintes imposées par l’application. Ces fonctionnalités autorisent par exemple l’utilisateur·ice :

  • à augmenter le nombre de profils accessibles quotidiennement (Tinder, Happn) ;
  • à prolonger la période pendant laquelle il est possible d’entamer une conversation (Bumble) ;
  • à découvrir qui a liké son profil avant que le match ne soit effectivement sanctionné (Tinder, Happn, Bumble, etc.) ;
  • à contacter directement l’utilisateur.ice de son choix indépendamment de toute affinité déclarée (Tinder, Once, etc.) ;
  • à filtrer les profils affichés selon des variables déclaratives spécifiques (Happn, Fruitz) ;
  • à contrôler les informations visibles par les autres utilisateur·rice·s (Tinder, Happn) ;
  • à supprimer les encarts publicitaires disséminés dans la pile de profils (Tinder, Happn).

Fonctionnalités payantes : Fruitz, Happn, Tinder, Once.

Diverses fonctionnalités locales:  

Propres à chaque application, elles vont des modalités de signalement des profils frauduleux à la possibilité de tester les talents de dessinateur·rice de son interlocuteur·rice.

Possibilités : signaler sur Once, commencer une conversation par un challenge “dessin” sur We et d’ajouter sa voix sur Hinge.

Le parcours détaillé

1. Le choix de l’application
La cristallisation d’une promesse

Car l’expérience commence en dehors des applications : sur un store. En dehors des publicités extérieures, c’est le premier touchpoint, le premier contact avec l’utilisateur·rice.

Le choix de telle ou telle application est évidemment un enjeu important pour gagner des parts de marché, les applications se mettent donc en scène à travers un UX writing et des illustrations choisis.

C’est ainsi qu’elles annoncent la couleur et circonscrivent l’horizon d’attente de l’expérience qu’elles proposent.

Le nom de l’application, le discours descriptif ainsi que les visuels choisis permettent aux utilisateurs de faire leur choix.

2. L’inscription
Créer un profil satisfaisant pour soi et les autres

Après avoir au moins donné une adresse e-mail ou un numéro de téléphone valide, l’application demande invariablement :

  • Le genre, parmi une liste variable d’alternatives, avec parfois une binarité imposée.

Binarité imposée : Happn, Adopte, Fruitz et Once.

Pour celles qui permettent la non-binarité de l’utilisateur·rice, on note plusieurs stratégies : l’indétermination de l’Autre (Veggly) ou du Non-Binaire (We), ou la spécialisation des listes alternatives (Hinge, Bumble, Tinder).

Choix du genre correspondant au mieux à l’utilisateur avec Veggy, We et Hinge.

  • Renseigner la nature de la recherche : des hommes, des femmes, ou des femmes et des hommes. Mais, cette-fois, y compris pour les applications qui permettent de créer un profil non-binaire, exit la possibilité de recherche un partenaire non-binaire…
  • Certaines applications proposent de qualifier la nature de la relation recherchée (Bumble : Une relation sérieuse, Rien de trop sérieux, etc.).

Qualifier la nature de la relation recherchée : Bumble et Fruitz.

  • Ensuite, l’utilisateur·rice est guidé·e à travers un menu d’options à sélectionner ou de cases à renseigner sur elle-même ou lui-même. Cela peut prendre différentes formes :  des questions (Happn), une mosaïque de pictogrammes (Once) ou de bulles cliquables, qui permettent à l’utilisateur·ice d’élaborer sans avoir forcément à rédiger.
  • Pour préciser le profil, il existe différents formats pour détailler davantage, avec des renseignements divers pouvant aller des goûts du quotidien aux marqueurs identitaires : préférences alimentaires, pratiques sportives, orientations politiques et religieuses, destinations touristiques favorites, rapport à la parentalité, valeurs privilégiées chez le ou la partenaire idéal·e, etc.
  • Enfin, il faut ajouter sa ou ses photos. Selon les applications, le nombre de photos requises varie. L’option Smart photos de Tinder propose même de les tester pour trouver la meilleure et réviser l’ordre dans lequel elles sont affichées.
3. Le tutoriel
Swipe or not swipe ?

Comme pour beaucoup d’outils numériques, il est proposé à l’utilisateur·rice un tutoriel à travers lequel l’application dit : voilà ce que je peux faire (fonctionnalités valorisées), et voilà comment me le faire faire (gestuelle prescrite).

Le tutoriel de Fruitz se distingue par la particularité de moins expliciter les fonctionnalités de l’application que son vocabulaire. L’univers de Fruitz étant, comme son nom l’indique, décliné autour des fruits, il a son propre codage (Pastèque, Pêche, Raisin, Cerise) qui correspondent à des intentions et des attentes de ses utilisateur·rices.

Ainsi, dans le tutoriel, on apprend d’entrée de jeu qu’un·e utilisateur·trice qui affiche une cerise sur sa photo de profil  est “à la recherche de sa moitié” alors que celui ou celle qui arbore une pastèque cherche prioritairement “des câlins récurrents sans pépins”.

Les autres applications proposent plutôt l’explicitation d’un geste devenu quasi-standard : le swipe.

Quoique… Dans les cas d’Happn, Bumble et Once, ces tutoriels visent en fait plutôt à véhiculer un positionnement sur leur approche de la navigation de leur catalogue de profils. Car, si elles fournissent un large choix de profils, elles ne tiennent pas toutes à présenter une logique d’abondance.

En effet, si le swipe favorise une consommation cathartique des profils affichés, les gestes concurrents encouragent – intentionnellement ou non – les utilisateurs à consacrer davantage de temps sur chaque profil et à peser plus sérieusement les conséquences de leur geste.

Ainsi le geste imposé par l’application assigne une posture à l’utilisateur·rice et lui suggère une certaine manière d’envisager le processus de recherche auquel il participe.

4. Le tableau de bord
Au-delà de l’expérience utilisateur, la stratégie

Comme dans la plupart des espaces personnels numériques, le tableau de bord des applications de rencontre permet à l’utilisateur·ice de revenir sur son profil et d’éditer les différentes informations.

Toutes les informations ne peuvent toutefois pas être amendées de la même manière. Sur Tinder par exemple, l’âge et le nom définis dans les étapes précédentes sont, pour ainsi dire, intouchables dans la mesure où ces variables qualitatives sont étroitement liées à la manière dont le profil de l’utilisateur·rice est exposé aux autres utilisateur·rices.

Les clichés sélectionnés et la description autobiographique peuvent en revanche être revisités à tout moment – notamment lorsque l’utilisateur·rice, ayant saisi les usages implicites de l’application, décide d’ajuster sa stratégie d’utilisation.

Sur Fruitz, par exemple, si la description du profil peut être laissée vierge pour un temps, elle peut rétrospectivement être réinvestie par l’utilisateur·rice de manière à expliciter l’envie qui motive sa recherche (Cerise, Raisin, Pastèque ou Pêche) et, ce faisant, contourner l’une des fonctionnalités payantes de l’application.

Fruitz : Le fruit correspondant au type de relation recherchée est directement affiché par l’utilisateur.ice dans la description de son profil.

Selon les applications, le tableau de bord permet également à l’utilisateur·ice d’éditer les divers Modes de vie (Tinder), Lifestyle, Goûts et Atouts (Adopte), sa taille, sa pratique sportive, son signe astrologique ou son régime alimentaire (Veggly), etc.

Mais, surtout, le tableau de bord de la plupart de ces applications permet de paramétrer la géolocalisation de la recherche ainsi que de régler la tranche d’âge des profils auquel l’utilisateur·ice souhaite être exposé.e.

C’est aussi là que se produit le réglage des fonctionnalités payantes auxquelles l’utilisateur·rice décide d’accéder. C’est donc aussi l’occasion, pour les applications, de proposer (moyennant un investissement) de lever certaines restrictions délibérément conçues et d’élargir son champ d’usage.

5. Le match et les ice-breakers
Salut, ça va ?

Occasionnellement, le parcours d’utilisation et le défilement des profils pourra être interrompu par un match (Tinder), un crush (Happn), un veg match (Veggly) ou un smoothie (Fruitz), soit un intérêt partagé.

Le design de ces écrans joue un rôle crucial dans la satisfaction des utilisateur·rice·s.
Si la conversation galante et la rencontre amoureuse sont les véritables fins de l’usage de ces applications, ils événementialisent la réciprocité de l’affinité et ouvrent l’espace d’une conversation possible.

Outre l’animation de ces écrans, les éléments de langage retenus dans leur conception intéressent dans la mesure où – Vous plaisez à X (Tinder et Happn), X aime ton profil (Once) – ils flattent l’utilisateur·ice, confirment sa démarche et le potentiel de séduction du profil qu’il ou elle s’est constitué lors des étapes précédentes.

L’enjeu majeur à ce stade est d’entamer une conversation avec votre destinataire tout en se démarquant de ses autres admirateur·rice·s. Commencer une phrase par “Salut, ça va” est rédhibitoire pour certains profils qui en font un critère de sélection.

Pour fluidifier l’interaction, certaines applications (Happn, Bumble, Fruitz) proposent dès ce stade des suggestions de début de conversation, des ice-breakers.

Il est par exemple demandé aux utilisateur·rice·s de liker une partie du profil (photos, réponse à une question de présentation, choix musicaux ou bien l’échantillon du timbre de voix) comme par exemple sur Happn ou Hinge qui propose au passage de commenter la “zone” aimée.

Entamer une conversation autour d’un sujet en “likant” une partie du profil survolé.

D’autres applications misent sur le côté ludique et proposent de casser la glace en proposant des quizz, ou des mini challenge dès l’introduction de la conversation (Fruitz – We – Bumble).

L’interface d’échange ressemble à une messagerie standard tel que Messenger ou Whatsapp. Il n’est que très rarement possible, de façon gratuite, de voir si un message a été lu ou ouvert.

Au niveau des contenus, Happn se démarque en proposant un large éventail de possibilités, du simple message, à l’échange de musique, en passant par la possibilité d’un appel en visio.

Certaines applications se montrent réticentes au partage de photos ou vidéo (notamment pour lutter contre le harcèlement) comme Tinder, Adopte ou bien Veggy. D’autres estiment que la possibilité de voir leur prochain date avant la rencontre IRL rassure les utilisateur·rice·s.

6. La sécurité
Surveillez-vous les uns les autres

Il existe un grand nombre de faux profils sur les applications de rencontre. Ceux-ci ont été créés afin d’exploiter la disposition à espérer des utilisateur.ices et de leurrer les plus crédules. Les modalités de ce leurre sont obscures et vont de la promotion de services payants à l’extorsion en bonne et due forme. Récemment, The Tinder Swindler a levé le voile sur les ressorts d’une arnaque particulièrement spectaculaire. Pour éviter cela, les applications déploient différentes stratégies.

  • Vérification des profils : L’application (Tinder, Bumble) demande par exemple à l’utilisateur.ice de réaliser un cliché en adoptant une pose particulière afin de confirmer la réalité de son profil. Le profil reçoit alors la marque d’une vérification désormais récurrente sur la plupart des réseaux sociaux.
  • Conseils : Tinder par exemple propose un espace “Sécurité” dans lequel, des astuces et des quizz sont proposés afin de “rester en sécurité sur Tinder et IRL”.
  • Signalement : une possibilité proposée sur la majorité des applications, parfois de manière peu visible. Les suites d’un signalement peuvent aussi parfois manquer de transparence. Par exemple, sur Adopte, un message de l’application signale que les liens sont coupés sans pour autant définir si le compte signalé sera bloqué ou banni de la communauté.

La possibilité de signaler un profil placé de façon plus ou moins accessible sur Tinder et Happn. Adopte transforme un signalement comme une non compatibilité entre deux usagers.

Ce qu’on retient 

L’expérience d’utilisation offerte par les applications de rencontre mérite d’être prise au sérieux tant elles sont au centre des usages connectés contemporains. Notre enquête a toutefois permis de constater la très forte standardisation des parcours utilisateur qu’elles proposent. 

Par ailleurs, notre enquête met au jour une dynamique ambiguë, qui oppose la standardisation des interfaces à la spécialisation des services proposés. En effet, d’une part, ces applications semblent se spécialiser fortement et composer un marché hautement atomisé. Chaque application y va de sa spécificité, de sa fonctionnalité originale, de sa conception particulière de la rencontre, de sa promesse euphorique…

D’autre part, les logiques d’usage et les interfaces mises au point par les applications de rencontre étudiées semblent itérer à partir du précédent établi par Tinder. Elles reprennent les recettes fonctionnelles les plus efficaces, les croisent, les recombinent et les recomposent pour produire une application différente à partir de formats, de fonctionnalités et de promesses analogues.

Tendances UI 2022

Tendances UI 2022 2312 1345 Wedo studios

1. La large diffusion du Dark Mode

Le dark mode n’est pas nouveau (Apple, Google, Netflix) mais a cessé d’être réservé aux géants de la tech : Wetransfer, Spotify ou encore Star Wars ont basculé, partiellement ou totalement, du côté obscur.

Ses caractéristiques sont un fond sombre contrastant avec les éléments au premier plan (textes, boutons, dataviz, illustrations). Son principal avantage à l’usage est de présenter des contrastes élevés qui facilitent la lisibilité pour les personnes malvoyantes ou daltoniennes.

Google Font : des caractères qui ressortent parfaitement sur le fond noir.

Swissborg et Atom Finance : la datavisualisation mise en valeur par le dark mode.

L’atelier de BNP Paribas : une immersion renforcée.

We are kettle utilise le dark UI pour faire ressortir ses graphismes.

2. Des animations partout

Sur des micro-interactions (ex. waze), de la typographie (ex. typefaces), des illustrations (ex. superscene) lors d’un scroll (ex. gegen menschenhandel) (cf. scrollytelling), ou afin de mieux visualiser un produit (ex. superscene) : les animations sont partout.

En plus d’apporter de nouvelles expériences aux utilisateur·rice·s en singularisant les interfaces, elles les rendent plus actif·ve·s dans leur navigation : le mouvement attire l’œil et le curseur vers les éléments choisis.

Il peut s’agir de micro-animations (un curseur évoluant selon les éléments survolés qu’on retrouve sur LJcom), des changements d’état sur un CTA (ex. RXlive) comme de ligne directrice structurant une page (la visualisation d’un produit en éclaté selon l’état du scroll dans la page qu’on retrouve sur Superscene).

flayks.com : les animations apportent un mouvement et un côté dynamique au site.

ILAB solutions: l’animation fait partie intégrante de ce site à l’identité visuelle gamifiée et interactive où l’utilisateur·rice peut modeler la forme centrale.

Studio Maertens : une immersion dans un univers mécanique grâce à l’ensemble des animations proposées sur le site.

Waze utilise de nombreux micro-animations rendant le site dynamique et vivant.

3. La 3D pour se projeter

Les outils permettant de créer des formes et animations en 3D sont de plus en plus populaires et abordables d’un point de vue technique. En parallèle, les navigateurs évoluent pour faciliter de plus en plus l’intégration d’éléments 3D.

Les avantages d’une visualisation 3D sont multiples : montrer un produit sous toutes ses coutures (comme le fait par exemple Apple avec ses 3D animées), mais aussi transmettre des informations qui sont plus difficiles à visualiser sur une image en 2D statique (texture, impact de la lumière sur la couleur).

Apple : propose une vue en 3 dimensions de ses écouteurs AirPods.

Hyperframe : la 3D mélée à une animation permet de mieux comprendre comment le produit fonctionne.

Meadlight propose une 3D de sa fameuse bouteille qui suit l’utilisateur tout au long de sa navigation.

Renault propose de revisualiser ses modéles mythiques grâce à la 3D.

4. Les “vraies” photos

Sature-t-on des filtres Instagram (et autres) ? En tout cas, les photos “studio” tirées de banques d’images sont moins au goût du jour. En 2022, place aux clichés à l’aspect réel. L’idée est de transmettre authenticité et proximité (ex. We are jolies, moodz).

Comme la 3D, la photographie permet de se projeter, mais aussi de se faire une idée des échelles de tailles, des matières et des couleurs.

Tesla : pas de mise en scène pour présenter la voiture sur sa fiche produit.

Spotify souhaite transmettre une certaine authenticité à travers son site culturenext.byspotify.com.

We are Jolies : des photos peu retouchés, des modèles de tous types de corps et de couleurs de peau.

5. Des typographies audacieuses

L’usage de polices de caractères format BOLD (re)fait son apparition, les images narratives laissant la place à des textes plein écran. Avec ou sans empattement, ces typographies affirment un style graphique, une identité et un discours.

Des jeux typographiques (déformations, changement de couleur) et des animations peuvent donner vie à ces textes et enrichir l’expérience des utilisateurs.

Application de l’usage de typographie en format XXL sur Azzerad.

Nikolaus Lauda : l’évolution de la narration est marquée par un jeu d’apparition typographique.

6. Un aspect brutaliste

Le brutalisme, un style d’abord architectural, est issu du mouvement moderne et connaît son apogée entre 1950 et 1980. Il se caractérise par un design minimaliste et l’utilisation de matériaux « bruts » comme le béton mais aussi le verre, l’acier ou la pierre.

A cette période, les villes détruites par la Seconde Guerre Mondiale sont en reconstruction et ces matériaux sont moins coûteux. Le brutalisme résonne ainsi avec des problématiques sociétales et une volonté d’être sans ornement, franc, géométrique : il met en avant son message.

Sur les interfaces cela donne une mise en page articulée autour des caractères et donc du discours, sans fioriture.

Purho : met en avant le texte les visuels.

La grille de mise en page semble disparaître sur 99 percent off sale.

7. Des dégradés de couleurs et des tâches vaporeuses

L’utilisation de dégradés remonte à maintenant plusieurs années (voir une dizaine).
A la base utilisés pour souligner des images sur fond blanc, ou bien pour illustrer des notions de profondeurs, celles-ci ont progressivement évoluées devenant de plus en plus complexes afin de s’intégrer au mieux dans les visuels.

Les dégradés sont utilisés directement dans la typographie (des titres par exemple) ou bien dans les illustrations, leur donnant un côté vaporeux, doux et chaleureux.

L’usage d’ailleurs de tâches vaporeuses de couleurs est quelque chose que l’on retrouve de plus en plus. Ces dernières, se situent aussi bien en arrière plan d’un visuel pour l’habiller, qu’en arrière plan d’un texte ou d’un élément cliquable comme pour attirer l’œil de l’utilisateur.

8. Un effet glassmorphism renforcé

Ce style graphique que l’on pouvait déjà retrouver sur les interfaces iOS et Microsoft (Windows Vista) commence à se faire une place de plus en plus importante.
Étant une sorte de réponse au Neumorphism qui présentait malgré son élégance des problèmes d’accessibilité, le Glassmorphism s’inspire lui, de la façon d’on reflète la lumière à travers le vers (on comprend donc mieux son nom).

Ce dernier fonctionne en représentant différents plans par un jeu de transparence : plus un élément est proche, plus il sera transparent et vis versa. Le but de cette représentation visuelle est de donner une certaine profondeur aux interfaces, tout en gardant une forme de hiérarchie visuelle.

Decimal met en avant certains éléments par l’utilisation du Glassmorphism.

L’utilisation de dégradés de couleurs renforce l’effet de transparence des éléments en premier plan sur People.

9. Renforcer son discours grâce à la Datavisualisation

Quoi de mieux que de présenter des résultats concrets, chiffrés et visuels plutôt que de belles phrases déjà toutes faites ?
L’utilisation de données pour visualiser des résultats est une tendance qui semble de plus en plus utilisée sur Internet.

Le but de montrer de façon visuelle, simple et esthétique des données chiffrées permettra de renforcer un discours. Ces données devront être traitées afin d’être rapidement compréhensibles sans que les utilisateurs n’aient à chercher une information spécifique.

Hapi utilise la représentation visuelle de données pour illustrer un discours.

Datavisual utilise des graphiques illustrant des résultats positifs visibles en un coup d’œil.

10. Le retour des 90’s ou du néo-Memphis

Ne dit-on pas que la mode est un éternel recommencement ? Cela semble en tout cas se confirmer avec un revival des années 90 (qui elles même s’inspiraient de certains styles graphiques au courant artistique du Memphis).

Couleurs vives, typographies pixélisées, animations d’illustrations minimalistes, icônes et même glitch refont leurs apparitions sur l’Internet mondial.

Tous les codes d’une interface datant des années 90 sont présentent sur le site Poolsuite

Bolder boards : des visuels et codes graphiques qui plonge l’utilisateur directement dans les 90’s.

Greta : des dégradés, des effets néons et surtout une typographie pixelisée, welcome back

Le design comportemental dans l’UX du quotidien

Le design comportemental dans l’UX du quotidien 2472 1680 Wedo studios

Design comportemental (behavioral design)

 

Qu’est-ce que le design comportemental (behavioral design) ?

Les sciences cognitives sont un vrai atout en UX : quand on conçoit une interface, on doit pouvoir comprendre et anticiper le raisonnement d’un·e utilisateur·rice (et identifier ses éventuels biais cognitifs !).

En UX, le design comportemental (behavioural design) s’intéresse à comment les signaux d’une UI, d’un produit ou d’un service influencent les comportements des utilisateur·trice·s.

En combinant design et science, le design comportemental permet aux designers de mieux comprendre comment les utilisateur·trice·s réfléchissent pour guider plus efficacement leurs choix et actions.Le design comportemental est particulièrement visible dans les applications de résolutions journalières (défis sportifs, perte de poids, arrêt du tabac).

On le repère grâce à :

  • la présence d’éléments de personnalisation engageant une interaction quotidienne ou au moins très régulière (le daily mix de Spotify, les mises-à-jour de la page d’accueil de Google en fonction d’événements divers, la playlist personnalisée de Headspace)


Page d’accueil de Google pour le nouvel l’an


Mis à jour toutes les 24 heures, les Daily Mix de Spotify se basent sur les titres favoris et récemment écoutés de l’utilisateur.

  • un scarcity nudge (“Plus qu’un seul article en stock” ou “Il n’y a plus que 12 logements disponibles dans cette région à la date demandée”)


Résultats de recherche Airbnb pour un logement à Chamonix

  • un suivi de données (temps de course à pied, vitesse, nombre de pas, symptômes)


Kwit (pour arrêter la cigarette) permet à l’utilisateur de suivre ses progrès

  • un modèle de récompense comme le CAR model (Cue, Action, Reward : l’utilisateur·rice reçoit un signal, accomplit une action et reçoit une récompense) comme dans Candy Crush ou Duolingo


Les récompenses Duolingo permettent de motiver l’utilisateur à continuer d’utiliser l’application (à l’inverse on peut perdre des récompenses en cas d’absence)

  • l’inscription dans une communauté de membres (Vinties, Gens de confiance, Kwitters)


Vinted propose à ses “vinties” d’échanger sur une multitude de sujets à travers des forums


Les “kwitters” sont encouragés dans chaque étape de leur sevrage avec des objectifs et des récompenses. Ils peuvent également inviter leurs ami-e-s à devenir kwitters comme eux.

Tout pour réussir son top tendances

Tout pour réussir son top tendances 0 0 Wedo studios

Être au top des tops
Tout pour réussir son top tendance 2022

Qu’est-ce qui se fait en 2022 ? Quels nouveaux rituels, quels parcours, quelles attentes de nos utilisateur·rice·s ?

Comme chaque année, après le temps des rétrospectives et bilans de l’année passée, nous sommes dans la saison des cahiers des tendances.

On a voulu décrypter ces contenus particuliers pour en identifier les bons ingrédients, et, bien sûr, on en a profité pour concocter notre propre top 10 des tendances UX 2022.

Les 4 ingrédients d’un top tendances réussi

1. Être spécifique

Les références doivent être précises et qualitatives, pas juste de mots “tendances” mais avec peu de substance.

D’abord, comme les tendances annuelles (ou autres) concernent tous les secteurs (la mode, l’immobilier, les jeux vidéos, etc.), il est important d’introduire clairement le sujet (exemple : la couleur de l’année de Pantone, la palette 2022 de Graphéine).

De plus, et surtout si l’audience concernée se compose de professionnel·le·s, il faut être en mesure de fournir des insights solides, restituables pour de futurs projets.

Par exemple, les tendances « rétro » ou “vintage” sont des appellations vagues qui peuvent être appliquées à divers champs et puiser dans divers styles, pour peu qu’ils datent d’avant. Mais d’avant quoi ? Donc si on parle du come-back d’un style, d’une esthétique, d’une mode, d’un usage, il faut être précis : le retour des 70’s, du grunge, du style victorien, etc.

2. Être exhaustif

Un top tendance qualitatif, c’est comme un résumé : ça permet aux lecteur·rice·s d’avoir un aperçu du sujet avant de décider de creuser ou non. Pour que le contenu soit utile, il faut être exhaustif.

Cela varie selon les thèmes abordés, mais il y a toujours des rubriques attendues. Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à compartimenter, par thème ou par secteur.

Par exemple, pour un top tendances UIs (+ lien), on veut tout savoir : les couleurs, les gradients, les typographies, les boutons, les références créatives. Dans le secteur de l’immobilier, l’audience est intéressée par les prix, les surfaces, les villes, les quartiers, les évolutions, etc. 

Il faut donc avant tout se demander ce qui intéresse particulièrement les gens au sein du secteur concerné, et quelles sont leurs attentes pour ne pas décevoir. En cas de doute, s’interroger sur ce qui nous intéresserait nous.

3. Être structuré

Le top tendances est un contenu spécifique qui doit être plaisant et confortable à parcourir.

Un format en liste favorise le micro-learning et permet aux lecteur·rices de le naviguer facilement, de le survoler et de revenir aux rubriques qui les intéressent le plus si besoin. Cela est valable pour un contenu écrit mais aussi pour une vidéo ou un contenu audio.

S’il s’agit d’une publication régulière (annuelle ou autre), il peut être utile de lui donner un titre (exemples : Fjord trends, Consumer Trends GWI) pour qu’il soit reconnaissable. Enfin, il est aussi primordial d’annoncer la longueur du contenu. S’agit-il d’un top 10 ? D’un cahier de tendances de 40 items ? D’un dossier ? Les lecteur·rices ou auditeur·rices ont besoin de savoir à quoi s’attendre.

4. Être justifié

Un top tendances n’est pas un horoscope, il doit pouvoir s’appuyer sur des éléments concrets, l’identification de signaux faibles (« informations d’alerte précoce, de faible intensité, pouvant être annonciatrice d’une tendance ou d’un événement important » selon le mathématicien et consultant en stratégie Igor Ansoff), d’innovations, de pratiques.

Il faut aussi définir ce qu’on entend par « tendance ». S’agit-il d’une nouveauté (comme le lancement des composants interactifs de Figma qui permet la création de prototypes plus élaborés et des tests d’usabilité plus poussés) ou d’une pratique devenue commune (le dark mode, les aurora backgrounds, les design systems ou encore le glassmorphism) ?

Pour ne pas verser dans la prédiction, il vaut mieux illustrer clairement ce à quoi on fait référence : telles marques ont fait telle action de communication, ont pris telles initiatives ou décisions, produit tel service, etc.

Par exemple, si on estime que les metaverses sont à la mode en 2021, ce n’est pas (seulement) parce que c’est cool d’utiliser un mot un peu mystérieux. Il faut donc argumenter : le sujet « metaverse(s) » est tendance parce que Facebook est devenu Meta, que le mot “metaverse” se retrouvent à la une des journaux et qu’il est au coeur des initiatives et services R&D, comme Niantic avec Pokemon Go, Epic Games avec Fortnite et Apple avec le développement de nombreux dispositifs haptiques immersifs.

Data-driven design : mesurer l’UX

Data-driven design : mesurer l’UX 2335 1654 Wedo studios

“That which is measured improves.
That which is measured and reported improves exponentially.”

Karl Pearsons

Mettre un chiffre sur l’expérience utilisateur, un tabou ?
Le design, ce n’est pas de l’art.

On ne conçoit pas en fonction d’un instinct, d’une intuition, d’une volonté du créateur ou de la créatrice, mais bien par rapport à des observations concrètes sur les besoins et attentes des personnes concernées par un produit, un service, un espace, une expérience.

Lorsqu’un produit ou un service est lancé, et qu’on est  en phase d’itération, en UX, on est comme tout le monde : on a besoin de données.

Pour concevoir déjà (nos produits, nos applis, nos services, nos expériences).

Mais aussi pour avoir un langage de communication commun avec d’autres interlocuteur·rice·s, un terrain où notre valeur ajoutée est traduite, où nous pouvons la montrer, la promouvoir et la faire comprendre.

Enfin, il s’agit d’un aspect business essentiel pour s’inscrire dans le long terme, suivre les évolutions (dans la consommation de nos produits et services, dans les parcours, les cycles de production, les comportements, les tendances, etc.) et identifier les changements, bref, pour pérenniser l’offre de l’organisation.

Or, si la démarche user-centric a fait du chemin au sein des organisations, de nombreux designers et experts UX tels que Ben Davidson (Google), Kate Moran (Nielsen Norman), ou Joshua Porter (Rocket Insights), partagent deux difficultés : porter la voix de l’utilisateur·rice en interne et montrer la valeur ajoutée de l’UX.

En effet, il demeure compliqué de faire valoir des initiatives, de justifier des volontés d’évolutions ou encore de mesurer les progrès de l’expérience client dans le temps sans données factuelles, particulièrement auprès des COMEX.

C’est l’ambition du data-driven design, une approche qui cherche à traduire la valeur UX en metrics pertinents et parlants pour toutes les strates des organisations, donc à fluidifier les échanges.

En fait, faire du data-driven design, c’est améliorer l’expérience collaborateur, celle des équipes UX comme des autres.

Concrètement, qu’est-ce que le data-driven design ?

“Data sciences inside of UX.”

Ben Davison

Le data-driven design est une démarche permettant de mesurer l’expérience client autour de KPIs précis.

Son intérêt est triple : 

  • une vision complète du parcours client
  • une mesure de l’expérience client harmonisée sur tous les projets de l’entreprise
  • une synthèse parlante et convaincante du travail des équipes UX, notamment auprès de la direction (potentiels à investir, actions à prioriser, impacts à corriger)

Souvent associé à la méthodologie HEART de Google ou au CX index de Forrester, le data-driven design peut revêtir plusieurs formes, et surtout se personnaliser en fonction et par les organisations qui l’utilisent : une start-up, une institution publique et un hôpital  n’ont pas les mêmes objectifs, ni les mêmes priorités.

L’expérience et la satisfaction utilisateur/client peuvent largement varier d’une organisation à l’autre, il n’y a pas de formule universelle. Au contraire, l’ajustement des variables aux besoins précis de l’organisation fait toute la richesse d’un outil comme le data-driven design.

Il est aussi essentiel de ne pas voir le data-driven design comme un simple set de données, la seule collecte de chiffres et de mesures. On peut faire l’analogie avec un design system : il ne se limite pas à une bibliothèque de composants, même si celle-ci est sa matière.

Pour le data-driven design, c’est pareil : il ne peut exister sans la data mais ne s’y limite pas, il s’agit plutôt de la conception d’un système de collecte et d’organisation de ces données.

Implémenter le data-driven design

Data-driven design : s’inspirer des bon·ne·s élèves

Nous avons étudié deux exemples d’application du data-driven design parmi les champions de la discipline, des références à étudier sans modération.

1. Google

Avec son approche en trois étapes (objectif, signal, metric) et la méthode HEART (Happiness, Engagement, Adoption, Retention, Task success), le géant de la tech optimise constamment ses différents produits et services.

L’objectif principal du moteur de recherche de Google est que les utilisateur·rice·s trouvent rapidement ce dont ils ou elles ont besoin.

Celui-ci peut-être mesuré par un signal (comme la période de temps écoulée avant de revenir sur Search après avoir cliqué sur un résultat) pour lequel on a créé un algorithme dédié (appelé Long Result Click chez Google), dont le résultat est le metric.

Mais ce même objectif peut être mesuré autrement, et surtout doit être complété. Ainsi, une recherche sur Google Search peut aboutir à un Featured Snippet, un zoom très précis sur un contenu qui doit répondre d’emblée et exactement à la question de l’utilisateur·rice. Dans ce cas, il ou elle ne cliquera même pas, sa requête étant déjà satisfaite. Ainsi, le non-clic peut être ici un signal de performance pertinent.

Dans le cas de la plateforme Android, l’objectif principal est que les utilisateur·rice·s continuent d’utiliser la plateforme. Pour cela, Google prend comme signal le pourcentage de téléphones connectés, via un algorithme prenant en compte ce pourcentage à un instant T, le même nombre 7 jours après, puis 21 jours après l’instant T. Le résultat est le metric.

La solution Cloud a pour but d’être utilisée par de plus en plus d’organisations. Cet objectif est mesuré par le nombre d’organisations en activité sur Cloud (le signal). Le metric est le résultat d’un algorithme calculant le nombre total d’organisations ayant rejoint Cloud depuis sa création.

Cette valeur permet en fait d’esquiver les incertitudes de l’activité journalière, dans la mesure où une absence d’activité (dans le cas de cette solution numérique) ne signifie pas que les organisations alternent quotidiennement avec une autre solution. Il vaut suivre leur fonctionnement pas pics d’activité.

Ce qu’on retient
  • La méthode “objectif, signal, metric, notamment pour choisir ses critères et commencer à modeler un système de mesure UX sur-mesure. Des signaux existants ou utilisés ailleurs ne sont pas forcément des signaux qui reflètent la performance de votre produit ou service. Il ne faut pas hésiter à utiliser des signaux qui vous parlent, même s’ils semblent peu communs : vous connaissez mieux que quiconque ce qui fait le succès de votre UX.
  • La méthode HEART, en commençant par seulement deux ou trois catégories. Encore une fois, l’UX dépend de multiples facteurs : il vaut mieux se concentrer sur les aspects importants pour les personnes concernées (dirigeants, équipes UX) plutôt que de chercher à être parfaitement exhaustif au risque de perdre beaucoup de temps et d’énergie.
  • Il peut y avoir plusieurs signaux en fonction d’un objectif, et plusieurs metrics pour un signal : il ne faut pas hésiter à adopter d’autres points de vue et à challenger les UX metrics. Il s’agit d’un processus itératif où il est bon d’expérimenter en introduisant de nouveaux metrics.

D’ailleurs, ces sites sont de plus en plus nombreux à encadrer et sécuriser les échanges de leurs utilisateurs, à l’instar de Leboncoin. La plateforme, qui proposait au départ une simple mise en relation par affichage du contact, a affiné et développé ses services. Aujourd’hui, afin de rassurer, le site encadre notamment les échanges, le paiement à distance et en face à face ainsi que la livraison des objets.

2. Domo

“S’appuyer sur les données pour argumenter lors des prises de décisions
et ne plus choisir les solutions de design selon les goûts
de la personne la mieux payée dans la pièce.”

Chad Heinrich

La démarche data-driven design de l’entreprise (spécialiste de la mise en forme des KPIs) fait partie de leur ADN.

Valider les performances des équipes UX auprès de la direction

Chad Heinrich (VP of UX) explique par exemple dans ce webinar que lorsque Domo est entré dans sa phase de scaling, l’équipe design représentait une part importante des effectifs, et que des questionnements sur la nécessité d’un tel nombre de collaborateur·rice·s sont apparus.

L’emploi des metrics a notamment démontré la contribution de chacun·e avec une liste de données précises, par exemple sur quels projets les designers travaillent et quels aspects des produits sont améliorés. Un digest mensuel est envoyé aux équipes UX et exécutives, sur lequel il appuie son argumentaire lors des décisions stratégiques.

Augmenter le niveau de collaboration à l’intérieur des équipes

Jason Longhurst (Creative Director of Product Story & UX Design Team Lead) trouve que l’implémentation des metrics à par ailleurs permis de sortir d’une approche en silos. Bien que les équipes collaborent naturellement entre elles, et à moins d’être staffé·e·s sur le projet concerné, il est impossible d’être au courant de tous les feedbacks récoltés auprès des utilisateur·rice·s ou de tous les changements effectués sur un produit ou un service.

Ceci est valable à l’intérieur des équipes design, mais aussi dans la collaboration entre product managers, dev leaders et UX designers. La production régulière d’un résumé des metrics d’UX facilite la compréhension.

Augmenter la qualité des produits

Tout simplement par la collecte rigoureuse de données multiples sur l’engagement des utilisateur·rice·s, les difficultés rencontrées, le temps passé, les préférences, etc. Toutes ces informations sont autant d’éléments précis à intégrer dans les briefs pour parfaire les prestations de l’entreprise.

Ce qu’on retient
  • L’importance de fédérer les équipes UX et exécutives autour d’un référentiel commun : c’est un travail qui peut être intimidant de prime abord, car assez chronophage et délicat. C’est pourquoi le data-driven design intervient en phase d’itération : le produit est lancé et l’organisation relativement structurée.
  • La mise en place d’une collaboration constante en interne : la systématisation de la communication autour du travail effectué et des résultats obtenus apporte non seulement de la transparence mais fait gagner du temps. Par ailleurs, les metrics permettent la visibilité de recoupements qui n’auraient jamais été fait s’ils n’avaient pas été côte à côte sur un dashboard.
  • L’intérêt d’apprendre à utiliser un langage business pour parler des contributions des équipes UX : le business, ça n’est pas notre métier. Mais ça le drive. Aussi, rendre accessible la lecture de nos résultats valorise et légitime irrévocablement notre travail.

Data-driven design : mode d’emploi

1. Choisir les données

Commencer (par un benchmark)

On parle ici d’un benchmark au sens de l’étalonnage, de la graduation, du repère. Il s’agit d’établir un point de comparaison. Au début du processus, il s’agit du point de départ de la mesure, puis devient son repère.

Comme l’indique Kate Moran dans ce podcast sur le retour sur investissement en UX, une bonne pratique de benchmark n’est pas ponctuelle mais continue.

Quand elle n’a jamais été réalisée, cette étape peut être décourageante. L’important est de se lancer : une fois un point de départ défini, on ajuste les critères du benchmark, sa réalisation et sa régularité.

Inclure à la fois des KPI design et des KPI business

Le plus difficile est de choisir les bons critères d’évaluation, le principal étant de réfléchir à la pertinence de long terme : quels metrics vous semble susceptibles d’avoir toujours du sens dans plusieurs années ? Quel signal est significatif par rapport aux objectifs de l’organisation  ?

Même s’il peut sembler risqué de se projeter autant, cette question permet déliminer les metrics au champ d’évaluation trop étroit, ceux liés à une nouvelle feature par exemple, même si elle semble très enthousiasmante et significative sur le moment.

Il s’agit donc vraiment de prendre du recul pour s’interroger sur le cœur de l’activité : quelle est la raison d’être du produit ou service ? De l’organisation ? Quels sont les objectifs ?

Le système doit ainsi impérativement comporter des metrics qui permettent de calculer le retour sur investissement, d’un point de vue business (exemples : nombre de vues des pages, nombre clics, recettes réalisées, nombre d’utilisateurs, durées des sessions).

Les données business n’intéressent pas forcément directement les équipes UX mais elles sont cruciales pour les directions dont les décisions ont un impact considérable sur les orientations prises par l’organisation, et donc sur l’UX.

Se méfier des vanity metrics

Dans cette conférence, Ben Davison prend l’exemple suivant : mesurer le nombre de nouveaux·elles utilisateur·rice·s sur un mois, pendant une campagne marketing réussie, donne un résultat flatteur. Par contre, elle peut cacher une baisse du nombre d’utilisateur·rice·s existant·e·s, non pris·e·s en compte par cette valeur.

Ben Davison parle aussi du cas des articles de presse en ligne : en se concentrant sur le nombre de clics obtenus par un type de titre, on pourrait penser que les articles concernés ont particulièrement de succès. Pourtant, ces articles sont peut-être finalement non lus au-delà ce clic. Ainsi pour une indication de résultat très positive peut complètement fausser la réelle appréciation de l’UX.

Il s’agit non pas d’éviter ces données, mais de les prendre pour ce qu’elles sont : des données partielles sur l’UX.

Mettre un chiffre sur l’expérience utilisateur, un tabou ?

Cette réflexion est assez clé pour aborder le data-driven design. En effet, alors même que l’on tend vers une approche centrée sur les utilisateur·trice·s, il paraît dépersonnalisant de traduire leurs expériences en chiffres.

Pour Kate Moran, il s’agit moins de mettre un chiffre sur l’expérience entière, seulement sur certains de ses aspects.

Ainsi, les UX metrics, ce sont vraiment les metrics qui répondent à nos questions pratiques importantes : combien de temps mettent les utilisateur·rice·s à réaliser cette tâche ? Quels aspects du parcours semblent particulièrement fluides ou au contraire présenter des frictions ? Quel pourcentage d’utilisateur·rice·s recommanderaient votre produit ou service ?

Par ailleurs, si les équipes UX ne fournissent pas elles-mêmes des metrics, d’autres valeurs moins adaptées seront choisies à un moment ou à un autre pour mesurer leurs résultats.

2. Le cadre de la data collection

Systématisation via un outil ou création d’un service dédié : plusieurs voies sont possibles. Ce qui est sûr, c’est que la récolte des données doit être pleinement intégrée dans le fonctionnement de l’organisation.

Il faut que des personnes en soient officiellement responsables, aient le temps, les accès et les outils nécessaires pour la mettre en place.

Pour commencer, les décisions à prendre sont notamment : le rythme de collecte, la nature des données collectées (et des algorithmes ou outils si besoin), la régularité des analyses des data sets.

3. Le format de restitution des données

Le dashboard est encore le format qui convient le mieux à l’organisation des données collectées. Il permet de hiérarchiser, de structurer et de rendre bien visibles les éléments d’intérêt pour les interlocuteur·rice·s. Il ne faut pas hésiter à faire des rendus “à tiroirs” pour différents usages et niveaux de lecture.

Un dashboard est un objet comme un autre, pour améliorer l’UX des personnes à qui vous vous adressez, posez-vous la question de ce qui les intéresse spécifiquement, et de la présentation qui facilite leurs analyses.

N’hésitez pas à faire plusieurs versions. Par exemple, on peut avoir une version overview avec 5 à 10 metrics seulement, permettant d’avoir une idée de score global, à destination de tous les collaborateur·trice·s et une version plus dense, avec des tableaux détaillant les relevés de metrics.

Le format est bien entendu évolutif mais il est important de penser les lignes directrices dans la durée, cela facilitera la navigation et la recherche des données dans le futur, pour faire des rétrospectives et des comparaisons par exemple.

4. Pérenniser le système

Intégrer pleinement le data-driven design nécessite un important engagement de départ sur la systématisation de la récolte des données et de leurs analyses. La quantité et la nature des données peuvent évoluer, ainsi que la régularité de l’exercice de collecte, d’organisation des données et d’analyse.

Par contre, sans discipline sur la nécessité d’entretenir et de répéter constamment la démarche, elle ne peut pas devenir l’outil d’amélioration escompté.

Pour qu’il soit pérenne, le data-driven design doit également pouvoir évoluer : il s’agit de remettre en question les choix des mesures à regarder, les méthodes de relevés, de challenger leur pertinence dans le temps pour rester au plus près de l’instant T de l’expérience des utilisateur·rice·s.

La méthode Wedo :
5 étapes pour adopter le data-driven design dans votre organisation

Atelier de co-construction & choix de la North Star Metric

Atelier et des KPIs pertinents par page

La constitution d’un score UX metrics sur 100

Croisement des UX metrics avec les verbatims clients

Création du CX score global

Seconde main : la place des designers

Seconde main : la place des designers 4890 2603 Wedo studios

Le neuf, c’est dépassé.

Les activités de troc, de prêt, de reconditionnement des produits et de vente entre particuliers décollent, et avec eux, la seconde main.

Vinted et Videdressing pour les vêtements, Leboncoin et Gens de confiance pour les ventes et locations diverses, même immobilières. Allovoisins pour les services de proximité,  linkNsport pour les équipements sportifs, BackMarket pour les devices, donnons.org pour donner plutôt que jeter… Même en puériculture, les plateformes fleurissent (Smala, ByBambou, Nuuns, Biicou, Beebs ou encore Family Affaire).

Moins coûteux et plus écologiques, les produits d’occasion sont de plus en plus plébiscités comme une bonne alternative au neuf. C’est un moyen de consommer de manière plus responsable dans un monde surpollué.

Car, on le sait, il faut moins produire. Cela signifie-t-il moins de design ?

Upcycling, recyclage, récolte, réhabilitation et redistribution des matières premières et des produits transformés… Moins produire, ce n’est pas forcément moins concevoir, au contraire. La place des designers dans la seconde main est donc cruciale.

La plateformisation au service de la seconde main

Leboncoin est l’un des sites les plus visités en France (29 millions de visiteur·se·s mensuel·le·s). Ces dernières années, beaucoup de plateformes similaires, dédiées à la seconde main, sont apparues et se sont développées sur des secteurs variés. Ces nouvelles plateformes sont même parfois lancées par des géants comme Facebook Marketplace.

Mode : la (fast-)fashion s’empare de la tendance seconde main

Dans le secteur de la mode, les grandes marques ont dû répondre à la concurrence d’acteurs comme Vinted en créant de nouveaux services, qui les exposent d’ailleurs à des soupçons de greenwashing.

La Redoute a lancé La reboucle, Zalando permet désormais de renvoyer d’anciens articles achetés chez eux pour bénéficier de bons d’achat et des marques premium se positionnent également (petit H d’Hermès, re-store des Galeries Lafayette).

Capture d'écran de Zalando

Zalando permet désormais de renvoyer ses anciens vêtements commandés sur le site, et de les échanger contre des avoirs pour de nouveaux achats.

Service public : la seconde main s’invite jusque dans les agences gouvernementales

En témoignent des initiatives comme la mise en place, en partenariat avec l’ADEME (Agence de la Transition Écologique), de Longue vie aux objets, un site permettant d’acheter de la seconde main mais également de réparer, recycler ou donner des objets.

L’objectif ? « Donner accès aux coordonnées du plus grand nombre de professionnels dont l’activité ou l’offre de service permet d’allonger la durée de vie des objets : des associations, des entreprises, des commerçants indépendants, des artisans, des collectivités, des enseignes de grande distribution, des plateformes digitales. »

Capture d'écran du site Longue vie aux objets

Sur Longue vie aux objets, les utilisateurs sélectionnent “acheter d’occasion » combiné à une catégorie, et sont redirigés vers des commerces ou enseignes proposant des objets de seconde main.

Capture d'écran du site Longue vie aux objets

Le site se présente également comme un outil pédagogique autour de la consommation responsable.

À Paris, la Mairie propose maintenant aux habitant·e·s faisant une demande de dépôt d’encombrants l’option de d’abord proposer les objets concernés au don.

Économies financières, attrait pour le vintage, conscience écologique ou encore volonté de consommer différemment, les raisons d’adopter la seconde main dans ses pratiques de consommation sont diverses.

Pumpipumpe : une plateforme innovante de prêt entre particulier·e·s

Lancé en 2012 par un collectif de designers suisses, le projet Pumpipumpe (“prête moi ta pompe à vélo” en dialecte alémanique) s’appuie sur un constat simple : pourquoi acheter des objets neufs qu’on utilisera une fois alors qu’on peut se les prêter entre voisin·e·s ?

L’association propose un catalogue de stickers (représentant des objets et même des services) à coller sur sa boîte aux lettres afin d’indiquer à ses voisin·e·s ce qu’on est prêt·e à leur prêter.

Cela concerne notamment les outils coûteux et peu utilisés, comme une perceuse achetée pour monter un meuble et qui n’a jamais resservi. Le principe s’applique cependant à toute sorte d’objets : machines à popcorn, appareils à raclette, barbecues, etc.

Ainsi, Pumpipumpe traduit une forme de bon sens, mais aussi une façon de lutter contre l’obsolescence programmée ou la production intempestive d’objets onéreux, destinés à être utilisés au mieux une dizaine de fois sur plusieurs années. 

Aujourd’hui, plus de 20 000 foyers en Europe utilisent les stickers Pumpipumpe pour partager leurs objets.

Capture d'écran du site Pumpipumpe
Capture d'écran du site Pumpipumpe

Dans ce nouveau système, basé sur la réduction de la consommation et donc de la production,  le designer a un rôle essentiel à jouer

La créativité des designers est mise à profit différemment. Ils et elles développent leur pratique d’une autre façon et les enjeux du design changent. Il ne s’agit plus de concevoir des objets mais de répondre à des questions de transitions plus globales, pour avant tout répondre aux besoins des utilisateurs.

Le design ne concerne plus l’objet seulement mais son utilisateur. Et ce transfert change grandement la manière de pratiquer des designers. 

Mettre en lien
Le rôle des designers sur les plateformes
de seconde main

Illustration article seconde main - wedo studios

Instaurer un rapport différent au produit 

Le rôle du designer sur ces plateformes de seconde main s’inscrit, de façon plus globale, dans le rôle qu’il ou elle joue dans la servicialisation (le transfert d’une production de produits à une production de services) actuelle du marché. 

Servicialisation du marché : exemple d'un vélo

Cette servicialisation du marché implique un rapport différent entre les utilisateur·rice·s et les objets qu’ils et elles utilisent (plutôt que de les posséder). La tendance de consommation “seconde main” s’inscrit dans ce sillage. 

La mise en lien est un fil conducteur du rôle des designers dans cette servicialisation : plutôt que de concevoir un vélo pour un·e utilisateur·rice, ils le ou la mettent en lien avec un vélo disponible. Dans le cas de la seconde main, il s’agit plutôt de mettre un utilisateur A, disposant d’un vélo par lequel l’utilisatrice B pourrait être intéressée.

Provoquer des interactions

Les interactions qui se faisaient autrefois de façon spontanée et informelle sont aujourd’hui encadrées dans un parcours utilisateur et guidées par des interfaces claires et facilitantes.

Négociations, offres de prix, paiement, délais d’envoi, livraison… Toutes ces étapes essentielles au processus d’achat et de vente sont désormais encadrées par les plateformes. 

Encadrer l’usage de la livraison sur les plateformes d’occasion permet de sécuriser le service, mais également de l’étendre. En effet, sur LeBonCoin ou Vinted, les échanges se faisaient souvent, il y a quelques années encore, par remise en main propre. En facilitant l’envoi à distance, ces plateformes ont considérablement élargi le public touché par une annonce. 

Capture d'écran de l'application Vinted

Vinted propose par exemple l’encadrement du processus de discussion avant achat avec des messages prédéfinis

Accompagner les acheteurs et vendeurs d’occasion

Illustration article seconde main - wedo studios

Si la seconde main attire de plus en plus, certain·e·s restent hésitant·e·s, notamment par crainte d’un écart de qualité entre les produits et services de seconde main par rapport au neuf.

Beaucoup de questions se posent. Comment savoir si cet objet va durer longtemps ou non ? Comment être sûr-e qu’il n’y a aucun vice caché, que l’objet et son état sont bien conformes à la description qui en est faite ? Comment avoir confiance en un particulier que je ne connais pas autant qu’en une entreprise à qui je commanderais cet objet (surtout dans le cas d’objets de grande valeur) ? Quel support en cas de problème ?

Les inquiétudes sont aussi du côté des vendeur·se·s. Comment être sûr-e que je recevrai l’argent qui m’est dû ? Comment assurer une livraison ? Comment envoyer un objet volumineux ou fragile ? 

Qu’il ou elle soit acheteur·se ou vendeur·se, protéger l’utilisateur·rice est essentiel. Chacun doit se sentir en sécurité, particulièrement lorsque des transactions sont en jeu. 

Le cas “Gens de confiance”

Créé en 2014 par trois Nantais suite à de mauvaises expériences sur les sites “classiques” de petites annonces, Gens de confiance permet à ses membres d’acheter, de vendre ou de louer mais sur recommandations.

En effet, si tout le monde peut s’inscrire et accéder aux petites annonces, seuls ceux parrainés par trois personnes peuvent y répondre.

L’existence de ce type de plateformes (dont l’exclusivité et donc l’exclusion de certains membres peut être discutable) traduit bien la réticence et la méfiance des utilisateurs face aux produits et aux sites d’occasion.

Capture d'écran du site Gens de confiance

Capture d'écran du site Gens de confiance

“Gens de confiance” propose de répondre à l’inquiétude des utilisateurs par un service exclusif, accessible uniquement sur recommandations.

D’ailleurs, ces sites sont de plus en plus nombreux à encadrer et sécuriser les échanges de leurs utilisateurs, à l’instar de Leboncoin. La plateforme, qui proposait au départ une simple mise en relation par affichage du contact, a affiné et développé ses services. Aujourd’hui, afin de rassurer, le site encadre notamment les échanges, le paiement à distance et en face à face ainsi que la livraison des objets.

Faciliter la vente

Pour attirer les acheteur·se·s, les plateformes de seconde main doivent proposer un catalogue suffisamment étoffé et diversifié. Pour cela, elles doivent avant tout attirer les vendeur·se·s.

Or, parfois, le temps passé à prendre son objet en photo, à définir son prix, à le décrire, à négocier ou préparer sa livraison suppose une charge mentale trop importante comparée au bénéfice financier tiré.

On parle alors d’ignorance rationnelle : pour pousser l’utilisateur à utiliser le service, il est essentiel de rendre toutes ces étapes les plus rapides et simples possibles

Pour les acheteur·se·s, il est parfois difficile de trouver des objets spécifiques. La conception de modes de recherches adaptés (systèmes de recherche par filtres par exemple) fait partie du rôle des designers pour accompagner les utilisateur·rice·s.

Exemple de recherche simplifiée d'objet

Rassurer sur la qualité des produits 

Les acheteurs ont besoin d’être rassurés : les grandes enseignes adaptent donc de plus en plus leur service, comme Decathlon seconde main. D’autres encore font reposer leur concept entièrement sur la réassurance des utilisateurs.

C’est le cas de Backmarket, la licorne française qui surfe depuis quelques années sur la vague de l’occasion en cherchant à “rendre les produits reconditionnés aussi fiables que désirables”.

Backmarket propose des produits “ni neufs, ni d’occasion : reconditionnés” et rassure les utilisateurs avec des garanties similaires à celles proposées à l’achat d’un produit neuf.

Capture d'écran du site BackMarket

Backmarket propose des pages détaillées pour accompagner les utilisateurs à toutes les étapes, même en cas de changement d’avis, et pour les rassurer concernant la qualité des produits.

Créer une expérience utilisateur désirable 

Vous avez peut-être déjà entendu parler de l’expérience envoûtante – voire hypnotisante- du déballage d’un produit Apple. Au-delà de l’aspect du packaging, c’est le geste, parfaitement pensé, le bruit de l’emballage, qui créent cette expérience captivante que les utilisateurs Apple connaissent. 

Cet enjeu de désirabilité soulève beaucoup de questions pour les acteurs de la seconde main. Comment le déballage d’un produit envoyé par un inconnu, dans un vieux carton retrouvé chez lui, recouvert de 42 tours de scotch pour éviter qu’il ne s’ouvre en route, peut-il concurrencer un moment presque suspendu dans le temps ? Comment faire rêver avec la seconde main ? Comment faire vivre une expérience au moins aussi satisfaisante (voire émotionnelle) avec de l’occasion qu’avec du neuf ?

D’utilisateurs à membre : l’expérience de la communauté 

Sur Vinted, une vraie communauté d’utilisateurs s’est créée avec les “Vintees”. Les utilisateurs et utilisatrices sont d’ailleurs appelés des “membres.” Comme de nombreux services, Vinted leur donne un statut particulier.

Pourquoi parler de membres ? Le podcast “Parlons design” a consacré un épisode à cette pratique de conception qui se développe de plus en plus. En effet, la notion d’utilisateur et utilisatrice reste plus distante, créant une sorte de hiérarchie entre concepteur-rice et utilisateur-rice. En faisant passer les utilisateurs au statut de membres, on les inclut dans le service et on en fait des parties prenantes. 

Évidemment, ce n’est pas qu’une question de dénomination, ça se traduit aussi par de réelles évolutions pour les utilisateurs. On leur permet de contrôler et de comprendre les choses en leur donnant les bons outils et les bonnes informations notamment en ce qui concerne la vie privée et la sécurité.

Le rôle de membre induit aussi des interactions entre utilisateurs et utilisatrices, notamment sous la forme de forums. Sur Vinted, par exemple, les interactions entre Vintees sont très développées : sur les forums, ils échangent sur des sujets variés qui vont souvent au-delà du simple échange de vêtements de seconde main.

En bref, le statut de membre donne un vrai rôle à l’utilisateur dans la vie du service et l’engage beaucoup plus, tout en le tranquillisant et en lui faisant vivre une expérience plus fluide et plus sereine. 

La seconde main se démocratise et s’étend à tous les domaines. A l’heure où les produits eux-mêmes évoluent, notamment avec l’explosion du distanciel sous toutes les coutures, elle ouvre des perspectives extrêmement créatives, et de nouveaux challenges pour les designers. Quels nouveaux produits pourraient être revendus et réutilisés ? Comment revendre un livre virtuel Kindle ou encore un article de mode virtuel ? Les designers actuel·le·s devraient-ils systématiquement prendre en compte la potentielle revente d’un produit dès sa conception ?

La seconde main n’a en tout cas certainement pas fini de faire parler d’elle.

10 innovations des GAFAM qui ont déterminé des usages actuels

10 innovations des GAFAM qui ont déterminé des usages actuels 4890 2603 Wedo studios

Petit retour sur 10 innovations qu’on doit à Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, et qui influencent les expériences utilisateur contemporaines. Car, s’ils sont souvent critiqués (et critiquables), les GAFAM fascinent aussi.

1. Le Macintosh

Premier MacintoshLe Macintosh (1984) est le premier ordinateur pour particuliers avec une souris et une interface graphique. Ce qu’on lui doit surtout, c’est la fin des lignes de commande. Ce changement a largement contribué à la démocratisation des ordinateurs dans les foyers et la normalisation de leur utilisation.

2. Le One-Click d’Amazon

Le one-click AmazonLa fonctionnalité 1-Click (1997) d’Amazon, publique depuis que son brevet a expiré, a révolutionné le e-commerce en concevant le tunnel d’achat le plus rapide, avec la facturation, la livraison et le paiement en un seul clic. Cette manière de réduire la charge cognitive a aussi été critiquée par son caractère incitatif, vecteur d’achat compulsif.

3. Google Maps

Google mapsGoogle Maps (2004) : il est aujourd’hui rare de passer une semaine, voire une journée entière, sans utiliser une application pour trouver un itinéraire ou calculer un temps de trajet, même dans les lieux que nous connaissons et que nous habitons. Google Maps a été une fonctionnalité pionnière de cet usage. Elle a notamment connu un réel succès lors de l’intégration de Google Earth et des images satellites permettant de se repérer dans l’espace.

4. La X-box

Première XboxLa Xbox (2001) : celle qui a popularisé le disque dur a eu 20 ans en novembre ! Première console à proposer des fonctionnalités pour personnaliser son gaming (possibilité d’écouter sa propre musique dans certains jeux par exemple) et même faire des activités autres que des jeux vidéo (lire des DVDs), elle a porté le jeu en ligne sur console grâce au Xbox live (un service multijoueurs en freemium), modèle dont s’est beaucoup inspiré PlayStation Network.

5. L’iPhone

Premier IphoneL’ iPhone (2007) a initié la grande révolution du smartphone, sans laquelle la téléphonie et l’Internet mobile ne seraient pas les mêmes. Ce rectangle de métal ne possédait pas de clavier numérique mais un écran tactile occupant 80% de la surface du téléphone, une surface qui a depuis été encore étendue par Apple, mais aussi par les autres constructeurs.

6. Le Kindle

Plusieurs générations de KindleLe Kindle (2007) ou “iPod de la lecture” n’était pas tactile et pesait 300 grammes. Depuis, l’expérience de lecture est devenue extrêmement naturelle, avec une attention portée au toucher, à la luminosité, à l’ergonomie et au poids de l’appareil. Si Amazon n’a pas inventé la liseuse, il l’a démocratisé grâce à son immense catalogue, la limitation des ebooks étant le frein initial à son adoption par les utilisateur·rice·s.

7. Le Like de Facebook

Le like de FacebookLe like (2009) : s’il y a aujourd’hui 7 emojis de réactions sur Facebook, la feature historique, c’est le like. Reproduit par tous les réseaux sociaux, et rentré dans le langage conversationnel et les standards des messageries, notamment via les services qui permettent de “liker” un message, il a avant tout l’avantage de sonder directement l’utilisateur·rice sur sa satisfaction par rapport au contenu proposé. Pour l’anecdote : avant de devenir le “like”, le bouton s’appelait “awesome”.

8. La Timeline de Facebook

La timeline de FacebookLa timeline (2011) : pour ceux qui s’en souviennent,avant les newsfeeds que l’on scrolle quotidiennement, il y avait les “murs” Facebook. C’était le premier support de ce format où l’on pouvait partager en temps réel (pour peu que l’ADSL le permette) des contenus écrits ou visuels sur son propre mur ou sur celui d’autrui. Depuis, la timeline est apparue, et avec elle un fonctionnement chronologique que la firme utilise à son avantage, notamment via le rappel de souvenirs. Aujourd’hui la plupart des interfaces des réseaux sociaux ont adopté ce fonctionnement.

9. Google Now

Google NowGoogle Now ( 2012) était l’ancêtre de Google Assistant. À l’époque, la reconnaissance vocale et le traitement automatique du langage (TAL) naturel pour répondre aux demandes des utilisateur·trice·s est révolutionnaire. Google a aujourd’hui perfectionné ce service jusqu’à des seuils d’accessibilité jamais atteints, notamment avec Google Relate, un outil de communication à destination des personnes ayant des difficultés d’élocution, pour ne pas les exclure de cette fonctionnalité.

10. LaMDA de Google

Google LaMDALaMDA (2021) : Aujourd’hui, avec le boum du vocal, Google s’intéresse à la compréhension du langage naturel par les IA pour améliorer les échanges avec des chatbots encore trop souvent désarçonnés par des tournures humaines. C’est l’objectif du Langage Model for Dialogue Applications : pouvoir échanger de manière fluide sur tous les sujets, comme une conversation ouverte.

Prendre soin des micro-interactions par l’UX writing

Prendre soin des micro-interactions par l’UX writing 2335 1654 Wedo studios

Un service, c’est un intermédiaire entre ses concepteur·rice·s et ses utilisateur·rice·s : des personnes qui ne se connaissent pas, ne se sont a priori jamais parlé et n’ont pas spécialement vocation à le faire.

Et pourtant, ces personnes communiquent : “Abonne-toi” (YouTube), “Poursuivre mon shopping” (n’importe quel site de e-commerce), “Champ obligatoire” (formulaires divers), “12 minutes de lecture” (au-dessus d’un article), la mention “J’aime” (réseaux sociaux) ou encore “Quoi de neuf ?” et “Commencer un post”

La microcopie, c’est ça : des micro-indications semées au quatre coins des interfaces, des noms de boutons et de menus, des informations pour naviguer, connaître nos options, accéder aux étapes suivantes, ou bien encore revenir en arrière.

Que ce soit pour faire nos e-courses de Noël, effectuer un changement d’adresse sur le site de la Poste ou installer une application pour la salle de sport, ces micro-contenus sont omniprésents.

Ils sont soigneusement choisis par les fournisseurs de service conscients de trois enjeux majeurs de l’UX writing : garantir une expérience positive et engageante, améliorer l’utilisabilité en réduisant la friction et, du même coup,  améliorer l’image de leurs marques.

L’UX writing, c’est tout neuf.

En 2009, Joshua Porter écrit un post de blog intitulé Writing Microcopy exposant l’idée que la manière la plus rapide d’améliorer une interface est d’améliorer son copywriting. Il introduit ainsi l’UX writing, ou la microcopie, comme une spécialisation du copywriting dédiée aux interfaces.

Depuis, si l’UX writing est encore peu connu, il est devenu un métier à part entière dans de très grosses entreprises, notamment chez Google. Dès 2015, la firme commence à recruter des UX writers qui produisent aussi bien des contenus éditoriaux que des interfaces (ergonomie des appellations et produits).

Quelle différence avec le copywriting ?

En se basant sur le guide de la microcopie écrit en janvier 2020 par Kinneret Yifrah, on peut résumer la microcopie comme l’ensemble des mots et des phrases d’une interface en lien direct avec les actions menées par les utilisateur·rice·s.

L’objectif de ces micro-contenus écrits est d’améliorer les conversions, la confiance, l’accessibilité, bref, l’expérience utilisateur.

UX writing - guide Microcopy

Microcopy, The Complete Guide, Kinneret Yifrah (traduit en français)

Le copywriting intervient quant à lui sur la désirabilité d’un contenu, d’un service ou d’un produit.

Cependant, un travail rigoureux d’UX writing ne peut se passer du travail rigoureux sur le ton (le fameux tone of voice) que le copywriting défini pour la marque concernée. Le copywriting va contribuer à la définition de la personnalité de la marque et des grandes idées qu’elle souhaite véhiculer (vision, mission, valeurs, secteurs), et l’UX writing suivra ces directives de ton.

Landing page du site de Coca-Cola

Coca-Cola France, landing page : la phrase d’accueil (ou baseline) est du Copywriting.

Landing du site de Coca-Cola (menu)

Coca-Cola France, landing page : la barre latérale de menu est de l’UX writing.

Pour résumer, l’UX writing, c’est une méthode pour concevoir des contenus écrits efficaces, c’est-à-dire performants dans leur fonction (typiquement : engendrer une action, un clic, un achat).

Ces contenus font sens pour leurs lecteur·rices pour plusieurs raisons :

    • ils mobilisent un langage qui leur est familier ;
    • leurs contenus sont contextualisés ;
    • les actions qu’ils sollicitent sont ancrées dans leurs habitudes d’utilisation, évoquent des usages routiniers ou font appel à des gestes auparavant assimilés.

C’est une manière de produire des contenus écrits (formulaire, menu déroulant d’une interface, paragraphe d’explication) en fonction d’une conception (normalement adossée à des recherches antérieures) de ce qui fait sens pour le lecteur ou la lectrice.

5 bonnes pratiques d’UX writing

1. Toujours parler à la voix active

“Notre équipe s’occupe de ce problème” vs. “Le problème a été pris en charge”.

La voix active permet de repérer les mots-clés, de comprendre plus rapidement le sens de la phrase et donne au lecteur ou à la lectrice un sentiment d’action.

2. Poser des questions

“Quel est votre statut ?” vs. “Votre statut est : réponse a, b, c.”

La question est à la base de la conversation entre  les individus  : pour que l’échange soit agréable, les humains se posent des questions, s’intéressent, écoutent les réponses. Utiliser des tournures interrogatives plutôt qu’une liste d’options donne un caractère plus spontané à l’interface.

3. Adopter une écriture conversationnelle spécifique à l’usage d’une interface

Pas vraiment oral, pas vraiment écrit : le langage des interfaces est spécifique car majoritairement écrit, mais mimant un·e interlocuteur·rice humain·e. Il doit évoquer le naturel d’une conversation tout en gardant son caractère fonctionnel et serviciel.

4. Être familier

L’originalité c’est bien. Mais l’expérience n’est jamais meilleure que quand l’utilisateur·rice peut s’emparer rapidement de la navigation et comprendre le service. Le vocabulaire et les tournures doivent être familières. Donc attention au jargon, surtout sur les sujets techniques !

5. Penser UI

L’ordre des étapes de navigation et l’enchaînement des interactions comptent : la microcopie doit être cohérente tout au long du service et anticiper les différents parcours de lecture possibles.

Illustration ux writing - wedo studios

Exemples de tonalités

Les intentions de l’UX writing

L’UX writing a vocation à engendrer une (ré)action. Il s’est développé comme une spécialité pour cette raison.

Nous avons listé les types d’intention les plus courants de la microcopie lisible sur les interfaces les plus utilisées.

L’incitation

Les applications de défis physiques (perdre du poid, arrêter de fumer), sportifs ou autre (apprentissage d’une langue étrangère, tests psychotechniques ou culture générale) ont tendance à adopter une posture de coaching qui s’incarne par :

    • un ton très énergique,
    • une ponctuation dynamique,
    • un lexique de la performance et du challenge,
    • une adresse directe, à l’impératif.
Captures d'écran application Kwit, Zero et Duolingo

C’est le cas de Kwit (à gauche), une application-compagnon pour arrêter de fumer, de Zero (au lilieu), une application pour accompagner au jeûne ponctuel ou encore de Duolingo (à droite), l’application de micro-learning en langues étrangères.

Une autre pratique très courante de l’incitation : la notation des applications. Celles-ci sont constamment en concurrence sur les stores et se basent notamment  sur les retours des usagers pour être mieux classées.

Pour que les utilisateur·rice·s pressé·e·s prennent le temps de le faire, les applications se mettent carrément à leur place en adoptant des réponses à la première personne. Ainsi les réponses suggérées semblent couler de source, notamment la première, qui propose le ranking maximum. L’incitation est à l’origine de call-to-actions de toutes sortes.

Captures d'écran application Lyfpay et Vélib

L’injonction

Accords RGPD, cookies, champs obligatoires : parfois, en tant qu’utilisateur·rice, on n’a pas le choix. Pour un service, il peut être délicat d’imposer des actions sans engendrer de l’insatisfaction.

Captures d'écran applications Lyfpay, Ouigo, Clash Royale et Caf

Quelques exemples ici comme Lyfpay qui exige de ses utilisateurs.ices qu’ils et elles fournissent une copie de leur pièce d’identité, ou encore Ouigo (transport) dont on a besoin de télécharger la mise-à-jour pour accéder à son compte client. Dans le cas du jeu mobile Clash Royale, la mise-à-jour est nécessaire pour continuer à jouer. Enfin, la CAF demande maintenant impérativement le numéro de sécurité sociale dans le cadre de la coordination des services publics.

Pour contourner ce problème, plusieurs bonnes pratiques :

    • justement éviter l’injonction directe ;
    • parler des effets positifs de cette contrainte (accès au service ou à une nouvelle option, par exemple) ;
    • afficher clairement que l’utilisateur·rice n’a pas le choix, pour ne pas qu’il ou elle se perde dans le parcours : n’afficher qu’une seule action possible, un seul call-to-action, pour minimiser la durée du désagrément dû à la contrainte.

La réprimande

Notification application Duolingo

Duolingo confronte ses utilisateur·rice·s
lorsqu’ils ou elles manquent à
leurs engagement d’apprentissage

Maniée au second degré par certains acteurs comme Duolingo, cet aspect de l’interaction avec l’usager est particulièrement important pour les services publics (CAF, Pôle emploi, Services des Impôts) qui peuvent être en situation de lui faire remarquer un manquement de sa part (retards, documents manquants, etc.) dont les conséquences peuvent être sérieuses (comme une amende, une perte de droit, une suspension d’allocation).

Des services tels que Doctolib (qui doit gérer des oublis de rendez-vous) ou encore des banques, assurances et mutuelles y ont également recours.

Quelques conseils pour se sortir de cet exercice délicat :

    • employer la voix passive pour ne pas accentuer la responsabilité directe de l’utilisateur·rice (“le délai est expiré” plutôt que “vous êtes en retard”),
    • un ton neutre et non-culpabilisant,
    • des messages informatifs et pragmatiques, qui l’aident à régler le problème plutôt qu’ils ne le renvoient à son manquement.
Captures d'écran applications Paybyphone et Crédit Agricole

Paybyphone, l’application de paiement de stationnement à distance, qui fait un (discret) rappel de l’amende encourue en cas de non paiement et le Crédit Agricole, qui envoie une notification bancaire qui suggère (subtilement) aux utilisateur·rice·s de modérer leurs dépenses.

La proximité

Tutoyer ? Vouvoyer ? Appeler par le prénom ? Adopter un langage familier ? Ou au contraire soutenu ? Comment savoir ?

Le degré de proximité et le tone of voice sont absolument cruciaux pour que l’expérience soit positive et engageante. Il s’agit avant tout d’une question de positionnement définie par un brandbook.

C’est aussi l’occasion de se démarquer sur un marché saturé.

Captures d'écran applications IDF, Freenow et Citymapper

Comparaison entre trois applications de déplacements en milieu urbain et périurbain aux tons différents : Ile-de-France Mobilités (emploi de l’infinitif), Freenow, applicationde VTC (le vouvoiement) et Citymapper (la familiarité et la proximité).

Captures d'écran applications Leboncoin, Vinted et Gens de Confiance

Comparaison entre trois plateformes de petites annonces (seconde main et annonces entre particuliers) : Leboncoin (l’infinitif), Vinted (le tutoiement) et Gens de confiance (le vouvoiement).

Les éléments à déterminer :

    • Le niveau de langage et le degré de familiarité : choisir en fonction des profils des utilisateur·rice·s. Dans le doute ou en cas de trop grande diversité des usagers, botter en touche et préférer des tournures infinitives ou adaptées à l’ensemble des publics,
    • Les émotions convoquées : une expérience positive n’est pas forcément conditionnelle à un enthousiasme extrême ou une complicité intense. Cela peut être un parti-pris qui fonctionne et différencie, mais également être perçu comme agaçant, intrusif, infantilisant ou ridicule. Il faut bien faire ses recherches en amont pour ne pas risquer le faux pas,
    • L’imaginaire de la marque : comme un placement produit, la microcopie est l’occasion d’asseoir l’univers de la marque, son champ lexical, ses projections et ses analogies. C’est la réunion du copywriting et de l’UX writing en un même contenu.
Captures d'écran applications Swedish Fit, To Good To Go et Alan

Ici, Swedish Fit (abonnement Gym Suédoise) manifeste son enthousiasme sportif, Too Good To Go utilise le champ lexical du sauvetage pour lutter contre le gaspillage et la mutuelle Alan adopte un positionnement de proximité original par rapport à son marché.

Captures d'écran application Blablacar et Airbnb

Blablacar et Airbnb font plutôt le choix d’un un ton à la fois positif et tout-terrain pour parler au plus grand nombre, en affichant convivialité et proximité.

Dans la mesure où l’UX writing définit une pratique spécialisée, elle coexiste avec d’autres pratiques, notamment l’UX design, l’UI design et le copywriting.

Il s’agit moins d’une innovation dans la boîte à outils de l’UX que d’un prolongement de l’approche UX dans le domaine de la production de contenus écrits.

Métaverse

Métaverse 4890 2603 Wedo studios

Dans Snow Crash, le roman de science-fiction de Neal Stephenson,  le metaverse (contraction des mots meta et universe), c’est l’univers virtuel où évoluent les avatars de la population réfugiée.

Dans ce monde post-apocalyptique, le metaverse est créé par un industriel fortuné, et constitue en fait un outil de contrôle des esprits et de manipulation de la population. Alors, quand Facebook est devenu Meta, forcément, ça a fait couler de l’encre… et beaucoup de memes.

gif Meta versus Facebook

Pourquoi cette décision de Facebook ? “Simple” rebranding ? Décision stratégique ?

On n’était pas trop sûrs de ce que ça signifiait, ni des implications de ce fameux Metaverse-du-monde-réel, alors on a cherché ce que ça impliquait en termes d’expérience du numérique.

Qu’est-ce que le(s) Metaverse(s) ?

Metaverse de Facebook vs. metaverses existants

Un metaverse est un univers virtuel sur Internet où les utilisateur·rice·s évoluent dans des mondes immersifs via des avatars.

Donc, un peu comme dans Snowcrash – la manipulation des esprits en moins.

L’idée derrière Meta serait de transvaser complètement ou partiellement le web d’aujourd’hui dans un monde virtuel afin de pouvoir l’expérimenter à travers un avatar.

Mark Zuckerberg dans le métaverse

Nous serions raccordés à ce metaverse via nos ordinateurs, tablettes et téléphones, mais aussi via des wearables (montres, lunettes) nous permettant de conserver, à chaque instant, un pied dans le virtuel.

D’ailleurs, dans l’univers du gaming, des plateformes similaires existent (Minecraft, World of Warcraft). Et certains sont déjà des metaverses (Second Life).

Ce ne sont pas seulement des jeux vidéos mais bien des plateformes où les utilisateurs peuvent se déplacer et interagir. Les joueur·euse·s ont accès à plusieurs univers, pour la plupart créés par d’autres utilisateurs.

Dans ces exemples, contrairement à l’univers virtuel imaginé par M. Zuckerberg -, on ne peut pas (encore) passer d’un metaverse à l’autre. Effectivement, pour le PDG de FB, le metaverse serait une plateforme hébergeant différentes entreprises, organisations et utilisateur·rice·s.

On pourrait, entre autres, s’y divertir (jeux, concerts), mais également y travailler, y suivre ses cours ou y faire ses achats. Tout ça à la fois, de préférence.

En fait, c’est l’Internet du futur.

Reconnaître un metaverse

5 caractéristiques essentielles d’un metaverse

1. Un metaverse est immersif. Les sens de l’utilisateur·rice sont complètement plongés dans l’expérience virtuelle, qu’elle soit visuelle, sonore ou – parfois – tactile. Casques, lunettes de réalité virtuelle et autres wearables en sont les interfaces de prédilection.

2. Un metaverse n’est pas limité au jeu. Même si certains jeux vidéo permettent des interactions entre les joueurs à travers des avatars, tout jeu vidéo n’est pas metaverse.

Les Sims ne sont donc pas (encore) un metaverse. Par contre, Second life y tend, par des initiatives comme son festival sur l’île virtuelle de la BBC.

En effet, dans un metaverse, on peut s’adonner à toute activité : jouer, se divertir, mais aussi travailler, s’instruire, consommer.

3. Un metaverse est doté de son propre système économique. On y achète, on y vend, on y loue, on y troque selon des règles et des devises établies.

4. Les liens et interactions entre les utilisateur·rice·s sont au cœur du metaverse. Les gens interagissent entre eux, discutent, échangent… c’est un véritable lieu de socialisation.

Dans cette optique, c’est un concurrent important à l’usage des réseaux sociaux ! Ce qui explique – évidemment – l’investissement de Facebook dans le développement d’un metaverse propriétaire, mais aussi d’autres acteurs comme Microsoft, qui travaille à Mesh, une extension virtuelle de Teams.

5. La navigation au sein d’un metaverse doit être parfaitement fluide. C’est pourquoi des initiatives comme Le Deuxième Monde de Canal +, qui proposait une expérience numérique ludique dans un Paris reconstitué en images de synthèse, n’ont pas abouti, faute de moyens techniques – technologie et bande passante insuffisantes, notamment.

Un metaverse devrait en effet être accessible sur n’importe quelle interface (téléphone, tablette, ordinateur, wearables), n’importe où, à n’importe quel moment. Et le nombre de ses utilisateur·rice·s ne connaît pas de limite.

Pas de metaverse sans utilisateur·rice·s

Enjeux UX du metaverse

  • Accessibilité et inclusion : pour les personnes à mobilité réduite, souffrant de handicaps ou encore isolées de par leur condition sociale, leur identité ou leur position géographique, le metaverse nécessite de lourds investissements dans des wearables de plus en plus sophistiqués et personnalisés.
  • Interopérabilité : le prochain niveau de l’identité numérique implique des passages sans friction d’une plateforme à l’autre, d’une interface à l’autre, d’un service à l’autre. En UI comme en UX, cela implique la perspective de passerelles invisibles, à la fois fluides et sécurisées.
  • Design haptique : une approche 360° du design numérique, qui engage les champs visuel, sonore et tactile. C’est l’opportunité, pour les designers, de concevoir des espaces 3D qui ne sont pas  soumis aux règles de la physique et d’adopter une approche toujours plus user-centric au sein de mondes entièrement peuplés d’utilisateur·rice·s qui participent pleinement à la co-construction  de leurs expériences. En termes de design produit, le champ des possibles s’ouvre sur des wearables toujours plus légers, invisibles et sans friction.
  • Hyper physicalité : prenant le contre-pied du tout virtuel et de la FOGO (Fear Of Going Out), et proposant une solution aux magasins qui n’ont jamais retrouvé leur fréquentation présentielle pré-pandémie ou au télétravail qui se systématise, l’hyper physicalité à construire promet un réenchantement de la présence partagée grâce à un soin particulier apporté aux espaces communs.

Enjeux du metaverse

Les questions à se poser sur le futur de Meta

Meta aspire à être un metaverse, et non plusieurs. On parle donc d’un monopole de (feu) Facebook sur différentes manières de vivre l’expérience du numérique.

Il s’agirait d’une plateforme centralisée d’absolument toutes les activités accessibles à partir d’Internet, qui accueillerait d’autres entreprises, comme un centre commercial abriterait différents commerces, ou une ville différents quartiers. 

Le metaverse de Meta est aujourd’hui à l’état de projet. Donc, pour l’instant, on n’a pas beaucoup de réponses. Par contre, on a plein de questions.

Voici notre liste (non exhaustive) des enjeux à surveiller de près :

1. Gouvernance : quelles lois dans le metaverse ? Qui commande ? Qui suggère ? Qui a accès ? Les problématiques politiques et fiscales font déjà rage entre des gouvernements internationaux qui peinent à contenir le pouvoir croissant des GAFAMs.

2. Ecologie : à l’heure où la pollution des serveurs, mails et vidéos streaming est déjà phénoménale, quelle sera l’empreinte carbone d’une expérience illimitée d’(inter)actions numériques ?

3. Identité numérique : si tout, jusqu’à notre vie professionnelle, se joue dans le metaverse, quel impact sur nos vies privées, sur nos données personnelles et leurs commercialisations ? Qu’en est-il des usurpations d’identité et du cyberbullying anonyme ?

4. Commerce : publicités, cryptocurrency et nouvelles monnaies. De nouvelles places de marché s’ouvrent. Reste à voir si  elles se calqueront sur des modèles économiques existants ou si elles expérimentent de nouvelles manières de créer de la valeur.

5. Développement psychosocial : grandir en jouant dans le metaverse, quel impact sur les enfants ? Sur le temps long, impossible de connaître les implications du “metaverse” sur la santé ou la sociabilité. Pas plus que la version metaverse du site de rencontre ou encore de l’expression du deuil.

Alors, que veut Facebook ?

Meta vs. Facebook : une différence de degré, pas de nature

En fait, ce que le fondateur de Facebook a annoncé, c’est une version encore plus étoffée de Facebook, qui dépasse le réseau social et l’entertainment, et gagne tous les aspects de la vie, y compris professionnels.

“I don’t think that this is primarily about being engaged with the internet more. I think it’s about being engaged more naturally.”

Mark Zuckerberg

L’expérience utilisateur se fait plus globale, plus fluide. Et plus invasive. Les débats, eux, restent les mêmes : comment et par qui sera gouverné ce nouveau monde ? Nous fera-t-il perdre le sens des réalités ? Nous fera-t-il partager encore plus de données personnelles ? Nécessitera-t-il encore plus d’énergie ?

Mark Zuckerberg assure que le metaverse signifie aussi la création de nouvelles opportunités : une expérience augmentée de télétravail qui permet à des employé·e·s, des créateur·rice·s, des artistes de vivre loin des centres urbains, ou encore une offre éducative rendue plus accessible. L’avenir nous dira si l’Anti-Metaverse finit par se rendre à ces arguments.