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Cadeaux de designers

Cadeaux de designers 2243 1308 Wedo studios

Cadeaux écolos, smart, responsables… Quelles tendances sous les sapins pour Noël 2021 ? Nous, les designers, on le sait (en toute humilité) : nous sommes à la pointe des tendances. Et comme Noël, c’est bientôt, on vous partage notre sélection inspirante d’idées-cadeaux !


Idées-cadeaux tendances
volées dans les courses Noël de nos designers

Les cadeaux écolos : l’ambiance est de plus en green sous les sapins avec une vraie inclination “main verte”

Oya

Les cadeaux créatifs : encore accentuée par les confinements, la tendance DIY a de beaux jours devant elle

Les cadeaux expérientiels : des envies grandissantes de se former, de pratiquer, de créer se retrouvent dans le succès du cadeau immatériel

    • Cours d’art floral, marqueterie ou de dessin botanique, stage d’ébénisterie ou de tricot de (Paris Atelier) : les options sont nombreuses pour offrir à votre proche la découverte d’un savoir-faire.
    • Les expériences one-shot pour faire son propre parfum, son vin, son fromage (Les Raffineurs) continuent de fleurir !
    • Et pour les aventuriers, des options plus intenses existent, comme celle pour apprendre à piloter un avion (Les Raffineurs)

Les cadeaux pour la maison : le cocooning n’est pas en reste avec des idées smart et déco pour les intérieurs

Les cadeaux ludiques : les jeux, rien de tel pour mettre l’ambiance à Noël !

Les cadeaux fashion

Les cadeaux intellos : 

Sinon, pour regarder couler les jours jusqu’à Noël, on a aussi repéré le Coulendrier de l’Avent (Fleux). On a hâte de lire vos suggestions !

Les supers pouvoirs du design fiction

Les supers pouvoirs du design fiction 1920 1081 Wedo studios

Le design fiction est à la mode

On le retrouve à la une des grands magazines (Nouvel Obs), en thème phare des expositions (Sens Fiction, Nantes), jusque dans les conseils aux entreprises (Usbek & Rica) et au programme du Mois de l’Innovation sur le site des services publics. Le design fiction est partout, et il attire les foules.

Couverture du magazine L'Obs: Bienvenue en 2049

La couverture du Nouvel Obs, 2021

Il n’en a pas toujours été ainsi : le design fiction est né loin des stratégies des organisations et entreprises privées. Plutôt subversif et expérimental, il était au contraire réservé à des expositions alternatives, et avait des allures d’art engagé.

Ce temps est pourtant révolu: la publication d’ouvrages comme Jouer avec les futurs: comment utiliser le design fiction pour faire pivoter votre entreprise marque l’entrée du design fiction dans la boîte à outils mainstream des organisations.

Futur, technologie, fiction et créativité sont autant d’ingrédients largement plébiscités par les acteur·rice·s de l’innovation qui s’emparent avec enthousiasme de cette combinaison attractive et intrigante.

Alors, on s’est posé la question : le design fiction est-il devenu mainstream ? On a voulu faire le point sur cette pratique, son histoire et ses rôles actuels.

Déjà, le design fiction, qu’est-ce que c’est ?

Le design fiction est une discipline prospective qui questionne les implications socio-culturelles et éthiques des tendances émergentes (telles que les innovations technologiques et les nouveaux usages) via une approche de conception.

Une design fiction en est le résultat, la production qui en découle.

Trois design fiction emblématiques

En 2002, une invention révolutionnaire fait la une du Time et est relayée dans plusieurs grands médias dont Wired et la BBC.

Couverture du magazine Time mentionnant l'implant téléphonique

Couverture du magazine Time 2002

Composé d’un mini vibreur et connecté à Internet, l’implant nécessite une simple chirurgie. Le téléphone dentaire permet ensuite à l’utilisateur de “recevoir des informations aux moments où l’utilisation de la technologie serait inappropriée”. L’invention (James Auger et Jimmy Loizeau) est en fait fictive, et un prétexte pour attirer l’attention sur les futurs enjeux des télécommunications.

L’exposition de Dunne et Raby (2012-2013) est consacrée à un univers futur où le Royaume-Uni est séparé en quatre territoires qui ont chacun leur gouvernance et usages propres :

    • Les Digitarians, une technocratie totalitaire qui contrôle la population grâce à des algorithmes et du tracking,
    • Les Communo-nucléarists : qui vivent dans le luxe, à l’intérieur d’un train qui ne s’arrêtent jamais (non sans rappeler Snowpiercer) grâce à une énergie nucléaire illimitée,
    • Les Bioliberals : des sociaux-démocrates cultivant un développement technologique, en symbiose avec la nature, en fonction des ressources disponibles,
    • Les Anarcho-evolutionists : des bio-hackers ayant abandonné les autres technologies et expérimentant uniquement sur leurs propres corps.
digicar et communo-nucléaristes
biocars et anarcho-évolutionnistes

Véhicules autonomes, digitalisation, répartition des richesse, limitation des populations, quantified-self, etc. sont autant de problématiques sociétales déjà existantes.

L’objectif n’est pourtant pas de prédire l’avenir mais plutôt de provoquer un débat, une réflexion, une remise en question sur le présent et le futur. United Micro Kingdoms affiche très explicitement la dimension politique du design fiction.

3. Le TBD Catalogue

Résultat du Near Future Lab, qui a notamment réuni des designers, des écrivains et des ingénieurs (comme Julian Bleecker, Nicolas Nova ou encore Bruce Sterling), le TBD Catalogue (2014) existe dans un futur proche “ordinaire”  où la place des technologies dans les quotidiens a encore augmenté. 

TBD Catalog: lunettes anti-foule

Les lunettes qui repoussent la foule

Le catalogue propose ainsi divers produits existants au sein de cet univers. Si les lunettes contre la foule (qui rétrécissent les personnes autour de vous) paraissent pour l’instant éloignée de notre réalité, la crème anti-microbes (pour être protégé-e des bactéries) ou le un robot qui vous fournit les meilleurs clichés de vos vacances (à partager sur les réseaux sociaux bien sûr!), ont un écho familier.

D’où vient le design fiction ?

L’histoire du design fiction

Les ateliers de l'avenirDès la fin des années 1950, l’écrivain, journaliste et futurologue allemand Robert Jungk met en place les Zukunftswerkstatt, des Ateliers de l’avenir qui réunissent des gens qui réfléchissent ensemble à la société de demain.

L’auteur est convaincu que les décisions politiques, économiques et sociales ne devraient être accessibles en dehors des élites politiques, économiques et technocratiques.

Lors de ces Ateliers de l’avenir, il veut donner la parole à des populations généralement exclues de ces prises décisions et les faire participer à la conception de scénarios sociétaux alternatifs. Le format de l’atelier de design fiction est né.

Le terme design fiction

Couverture du livre Shaping Things de Bruce SterlingLe terme design fiction est quant-à-lui attribué à l’auteur de science-fiction Bruce Sterling. Celui-ci l’emploie notamment dans Shaping Things (2005), son livre sur l’avenir des objets et de la technologie.

En 2012, il en donne sa définition lors d’un entretien pour Slate Magazine : “le design fiction est l’usage délibéré de prototypes diégétiques pour suspendre les résistances face au changement.” Cette définition est généralement admise comme celle de référence.

“L’usage délibéré de prototypes diégétiques” de Bruce Sterling

La diégèse, c’est la situation spatio-temporelle d’un récit, d’une histoire, celle des personnages qui y évoluent. Une histoire peut se dérouler sur des siècles tandis que son temps de lecture (écoute ou visionnage) est bien plus court.

La durée diégétique de l’histoire c’est ce temps compris entre le tout début et la toute fin de l’histoire, et non la durée réelle écoulée pour son audience. De la même manière, la bande-son d’un film est uniquement entendue par ses spectateur·rice·s, pas les personnages du film. Par contre, si les héros écoutent une musique dans le film, il s’agit d’une musique diégétique : elle appartient à l’univers du film.

Illustration durée diégétique d'une histoire

Ainsi un prototype diégétique est une production de design qui appartient au design fiction concerné : il existe et fonctionne uniquement dans ce monde. Cela le distingue d’un prototype de design qui représente un concept répondant à des contraintes du monde réel et ne crée pas une histoire et un espace-temps dans lequel exister.

Scène du film 2001, Space Odyssey

Bruce Sterling donne l’exemple du “iPad” dans 2001: A Space Odyssey comme prototype diégétique.

Attention, le design fiction n’est pas un genre littéraire

Scénarios futuristes, écrivains, science fiction : l’ancrage du design fiction dans des univers imaginaires le rapproche d’un exercice de narration ou d’écriture créative.

Il se distingue pourtant d’une œuvre de fiction littéraire ou cinématographique.

Science-fiction, dystopie et design fiction

La science-fiction est un genre littéraire qui se passe dans le futur avec une composante scientifique et/ou technologique importante (conquête de l’espace, transhumanisme). Des exemples célèbres sont Le Cycle de Fondation (Isaac Asimov), Le Cycle de Dune (Frank Herbert) ou encore La Planète des Singes (Pierre Boulle).

Une dystopie dépeint une société imaginaire régie par une idéologie néfaste selon son auteur·rice (comme La Servante écarlate de Margaret Atwood). Lorsqu’elle contient une forte dimension technologique (comme dans la série Black Mirror), une dystopie peut aussi être une œuvre de science-fiction, mais ce n’est pas obligatoire.

Un projet de design fiction s’inspire de futurs potentiels, probables ou supposés pour imaginer de nouveaux services, produits ou espaces. Un scénario de science fiction ou une dystopie peuvent ainsi servir de point de départ, et notamment de cadre d’immersion, à un travail de design fiction. Mais l’approche fonctionnaliste du design fiction le distingue d’une approche littéraire : comme pour un travail de design, on se focalise davantage sur une expérience ou un usage.

Concevoir un véhicule pour le monde de la Planète des Singes est donc un exercice de design fiction. La Planète des Singes reste pourtant une œuvre littéraire de science-fiction, pas du design fiction.

Scénarios vs. scénarios d’usage

Les scénarios d’usage formalisent le projet imaginé

On utilise depuis longtemps les scénarios d’usage en design. Ce sont des moyens de communiquer sur un concept, et pas des exercices littéraires ou artistiques. Les scénarios l’ancrent dans le présent (ou dans un futur proche, imminent) et en fonction du périmètre immédiat du sujet (objet, service ou expérience à concevoir).

Le scénario d’usage peut être qualifié de “fictif” dans la mesure où il ne restitue pas une situation et des personnages existants. Mais il obéit à des contraintes bien réelles. Son objectif reste de prendre en compte et de simuler l’existant, dont les limitations technologiques. Il ne s’agit pas d’un scénario au sens littéraire du terme, ni d’une immersion.

Le scénario d’usage, inspiré par le projet “Civiliser l’espace” qui a été conçu par Octave De Gaulle en 2015.

Là où un scénario d’usage peut s’intéresser aux aspects culturels d’un périmètre de contraintes, il n’est pas explicitement modelé en fonction du contexte socio-politique.

Au contraire, l’ancrage spatio-temporel du design fiction est lointain ou carrément alternatif, hors du temps réel, et résolument en fonction d’une organisation socio-politique.

Et en quoi le design fiction se distingue-t-il…

Du design futuriste ?

Taxis volants, casquettes de réalité augmentée, voitures sans conducteur  et bateaux solaires, sont autant de prototypes qui existent dans le monde réel. Ils sont futuristes mais pas fictifs.

Du design thinking ?

Le design fiction a besoin du design thinking pour étudier et comprendre le comportement, les habitudes et les usages afin d’identifier des problèmes ou des besoins. Mais le cadre du design thinking peut être fictif comme il peut être réel.

Du design spéculatif  ?

Le design spéculatif (speculative design) utilise, comme le design fiction, des prototypes, mais n’en contextualise pas la conception dans un futur défini : il n’y a pas de narration. Le design spéculatif a tendance à avoir lieu dans un futur relativement proche.

Du design critique  ?

Le design fiction propose le débat, le design critique intervient dedans. Le critical design a été popularisé par Dunne & Raby qui, selon leurs propres termes, utilisent des spéculations pour remettre en question des présomptions sur “le rôle que jouent les produits dans les quotidiens.” Le design critique est donc davantage une posture idéologique que le ou la designer peuvent adopter, pour développer et soutenir une argumentation dans le débat soulevé par son travail de design fiction par exemple, mais ça n’est pas obligatoire.

Des future studies ?

Les futures studies sont menées par des thinks tanks. Ces unités de recherche analysent les tendances sur un périmètre précis et proposent des scénarios d’évolution d’une situation actuelle réelle. Ces études sont souvent des sources d’inspiration pour mettre en place des stratégies de politiques publiques. Les futures studies sont donc des recherches dont découlent des solutions concrètes et réalisables prochainement. 

Véhicules autonomes, digitalisation, répartition des richesse, limitation des populations, biotechnologies, etc., sont autant de problématiques sociétales déjà existantes. Les contraintes et objets présents dans les travaux de design fiction sont là pour interroger des idéologies, des organisations sociales. Il s’agit aussi de questionner des usages réels, émergents ou imminents. Créer des objets imaginaires ou des sociétés dystopiques n’est pas la finalité, l’objectif est plutôt de provoquer un débat, une réflexion, une remise en question sur le présent et le futur.

L’UX du son

L’UX du son 2312 1345 Wedo studios

Quand on parle d’UX, on pense à des interfaces : site web, application mobile, outil métier, borne de commande, tableau de bord… Bref, des écrans. Pourtant, si l’audio est depuis longtemps dans nos alarmes – celle de notre réveil, de notre micro-onde, de notre lave-linge, de notre réservoir d’essence… – il s’est aussi imposé comme un indispensable de l’expérience utilisateur.

L’expérience utilisateur audio c’est l’IHM, mais c’est aussi la communication sonore d’humain·e à humain·e, et le brand content. Ainsi, nous sommes quotidiennement soumis à un blindtest élaboré : des sons identifiés, reconnaissables et indélébiles comme l’annonce SNCF, le jingle de Netflix ou la sonnerie Apple.

Nos notifications sont personnalisées au point de non seulement connaître nos interlocuteur·rice·s sans avoir à regarder, mais surtout d’identifier le canal de provenance de nos messages : textos, mails, mais aussi les différentes applications de messagerie comme WhatsApp, Messenger, Signal, etc.

Les marques ont fait leur entrée dans l’économie de l’attention auditive : elles nous laissent leurs empreintes sonores et nous les assimilons très naturellement, sans avoir besoin de les apprendre.

L’audio diversifie aussi nos possibilités d’information, de divertissement et d’évasion, ce qui était particulièrement bienvenu pendant les confinements, mais perdure pour déjouer les écrans.

Il nous permet une plus grande portabilité (courir et écouter un podcast) et la simultanéité (faire des recherches vocales sur Internet en gardant les mains dans la pâte à pain).

On a donc décidé de se pencher sur les succès de l’audio, sur ses formats innovants, immersifs, inclusifs, ainsi que sur son impact sur nos usages.

Pictogrammes de différentes utilisations de l'audio (podcast, voice commerce, etc)

Les médias et l’audio

Illustration journal avec casque audio

Le contexte sanitaire attise la production et la diffusion des fake news, l’OMS a même un terme pour désigner le phénomène : l’infodemic. Dans la confusion engendrée, la radio reste la source d’information la plus crédible pour 50% des Français. L’audio constituerait ainsi un témoignage plus tangible que l’écrit, un lien direct et plus authentique.

Le secteur de l’actualité s’y met donc, avec un New York Times particulièrement précurseur : rachat de l’application Audm (qui permet de convertir des articles en audio) et de la société de production Serial, partenariat avec le programme This American Life, multiplication des formats audios et mixtes (Election Distractor, Enquête QAnon). En France, Kantar a signé un partenariat avec ETX Studio pour développer son offre de revue de presse audio, une démarche qui complète son Baromètre de l’Audio Digital.

L’audio se fait à la fois format et contenu, une évolution retracée dans le Voice Lab du Guardian. Les sections audios ont fleuri dans toutes les rédactions (Slate Audio, Listen de Tortoise, L’Express Audio, Quartz audio) ainsi que les formats “citations directes” (comme les témoignages When Women Run de femmes politiques américaines par FiveThirtyEight), les podcasts et les plateformes audios.

Ces contenus dynamisent l’information et sont plus immersifs pour les usagers. L’âge des voix artificielles est révolu : les auditeur·trice·s souhaitent maintenant une lecture et des intonations humaines, un contenu vivant. Chez Tortoise, le rédacteur en chef lui-même enregistre l’Editor’s Voicemail chaque semaine, une initiative qui engendre une véritable proximité et un contact direct avec son audience.

Le phénomène des podcasts

Illustration personne parlant à un micro

Un podcast natif c’est un contenu audio accessible et conçu pour le web, sans passage à l’antenne. Un tiers des adultes français en consomme et 80 % d’entre eux incluent cet usage dans leur quotidien. Les plateformes audios développent leur offre de podcasts, d’autres leurs sont exclusivement réservées comme Rephonic ou encore Podmust (curation).

Spotify, qui a récemment lancé sa campagne française Écouter ça change tout, a mené une étude auprès des jeunes (Millenials et Z) sur leur rapport aux contenus audios. Il en ressort que 30% d’entre eux placent les podcasts dans le Top 3 des médias dans lesquels ils placent leur confiance.

Cette même étude révèle que 52% des Millennials ont parfois l’impression que l’animateur de podcast est leur ami. Le podcast est aujourd’hui le média qui a le plus haut taux d’engagement (81% des podcasts téléchargés sont écoutés). Son format plus intimiste et privé favorise la création d’une multitude de sujets et de genres.

Des sujets engagés

Les podcasts permettent le dévoilement de soi et la libération de la parole, revendiquant des récits du quotidien comme objets culturels, sociaux, politiques. Des sujets jusque-là ignorés par les médias traditionnels sont maintenant abordés sans tabou.

On y parle amour, sexualité, famille, violence (C’est compliqué de Slate, L’envers du récit du journal La Croix, Et si on parlait d’Andréa Bescont, Hotline, un Spotify original) mais également féminisme (La Poudre animé par Lauren Bastide ou Un podcast à soi, animé par Charlotte Bienaimé pour ARTE Radio) et LGBTQAI+ (La Fabuleuse, animé par Bilal Hassani, Coming In, d’ARTE Radio ou encore Afroqueer).

Des formats originaux

La portabilité des podcasts amène aussi de nouveaux formats comme le podcast-tutoriel (Sound Chef avec Cyril Lignac, Gudden Appetit ou encore La Famille Cuisine) : plus besoin de mettre en pause la vidéo le temps de vérifier que la recette avance bien, les mains et les yeux sont libres de suivre les instructions sans interruption.

On peut aussi mentionner les podcasts de storytelling où les animateurs-trices racontent des histoires fictives ou même des faits réels. C’est le cas des fameux true crime podcasts (récit d’affaires résolues ou non de meurtres, enlèvements, etc) ou encore des podcasts d’histoire, parfois très pointus (comme Passion médiéviste).

Les marques et l’audio

Illustration voice commerce

Brand content

Colgate a récemment dévoilé sa nouvelle sonic brand ou “identité sonore.” Les marques sont de plus en plus nombreuses à investir le brand content audio.

D’ailleurs, celles qui proposent des podcasts sont perçues comme plus proches par 85% des usagers, plus intéressantes (82%), plus responsables (81%) et même plus crédibles (80%) ! Dior propose par exemple des séries de podcasts autour de l’histoire et des coulisses de la marque. Estée Lauder va plus loin pour promouvoir son dernier parfum et lui consacre une campagne publicitaire composée de quatre histoires d’amour à découvrir 100% en audio.

Voice commerce

Qui dit formats sonores dit aussi développement de la commande vocale. McDonald’s, qui a acquis la start-up de reconnaissance vocale Apprente dès 2019, a continué de déployer la commande vocale dans ses « drives » aux États-Unis et prévoit même de remplacer les préposés humains par l’intelligence artificielle.

L’avènement du voice commerce (utilisation la recherche vocale pour faire ses achats en ligne) gagne aussi la France, avec des paniers de courses de plus en plus vocaux (Leclerc, Carrefour et Oui.SNCF via Google Assistant) et des expérimentations sur le paiement vocal à la pompe à essence.

20% des recherches sur Google se font déjà par le biais de la voix, une tendance en croissance, surtout chez les mobinautes, qui nécessite notamment que les marques adaptent leur fiche produit pour le vocal.

Réseaux sociaux, plateformisation & messageries

Illustration messages vocaux

Certains acteurs comme The Pudding  l’ont compris : la plateformisation de l’audio va bien au-delà de la curation de contenus musicaux et culturels.

Les auditeurs de podcasts sont même particulièrement à la pointe des réseaux sociaux. Pour conserver leur intérêt, il faut leur proposer des contenus inédits, partageables, interactifs (comme une IA qui juge la qualité de votre Spotify, une cartographie musicale ou des jeux audio immersifs : The Inspection Chamber de la BBC, World of Lovecraft  de Just AI).

Le social media se fait audio et vocal : le succès des débuts de Clubhouse n’a échappé à personne. Les géants des réseaux sociaux l’ont rejoint sur le secteur de l’audio en direct avec Spaces de Twitter, Live Audio de Facebook désormais disponible partout dans le monde et Reddit Talk. Spotify a de son côté fait l’acquisition de Betty Labs, l’entreprise derrière l’application Locker Room (concurrent de Clubhouse dédié au lives sportifs). Spoon propose d’enregistrer une biographie vocale pour se présenter.

D’ailleurs le vocal est aussi largement entré dans les pratiques des messageries instantanées (et parfois c’est interminable…). Vecteur de proximité et d’intimité, l’audio est la continuité  naturelle des usages de communication. On y discute et on y partage plus librement,en se sentant moins exposé·e que devant une caméra.

Accessoires sonores et vie privée

illustration enceinte connectée

Les usages d’écoute ont évolué et sont aujourd’hui majoritairement individuels: ça ne se fait plus de se réunir dans un silence religieux autour d’un poste de radio. Et avec des accessoires de plus en plus innovants, le vocal s’invite dans des sphères de plus en plus privées de nos vies.

Les objets du son et autres enceintes intelligentes investissent la sphère domestique: ils portent des prénoms, possèdent des informations sur nous, nos proches, nos habitudes et nous répondent.

Ces assistants vocaux permettent d’écouter des contenus à la carte (dont la radio) mais aussi de faciliter nos quotidiens. De Google Home au HomePod mini d’Apple en passant par Alexa et Echo d’Amazon, toutes les grandes marques s’y mettent. IKEAxSonos ont d’ailleurs lancé une deuxième génération de leur lampe Symfonisk.

Les wearables (objets connectés pouvant être portés) leur permettent un accès direct à nos oreilles, avec une qualité de son toujours accrue, un isolement phonique de plus efficace et des prix parfois imbattables (comme le casque audio à moins de 7 euros de Lidl).Mais l’audio s’incruste dans d’autres sphères, plus inattendues, de la vie privée, comme la vie amoureuse (VoxLov, l’appli de rencontre uniquement par la voix) ou encore la santé (expérimentation d’intelligences artificielles permettant des diagnostics vocaux).

Accessibilité et voice UX

Illustration assistant vocal mobile

Rendre l’audio accessible est au cœur des préoccupations de conception (l’art de l’alt-text : réussir à faire lire “photo de chat” au lecteur d’écran plutôt qu’un nom de fichier  indigeste comme “IMG_07890.jpg ».

Le progrès reste cependant à deux vitesses car l’accessibilité des assistants vocaux décolle mais les lecteurs d’écran gardent des voix encore très artificielles et sont développés surtout pour l’anglais. Les expériences utilisateur “les yeux fermés” n’ont par contre rien à envier aux images à haute définition et autres effets spéciaux).

L’audio est aussi un pas dans la direction du no-touch: ASMR, musique 3D, 8D, etc. On découvre de nouvelles dimensions au son (sensorielles, étonnantes, intimes, attractives). La conception pour la voix est complètement différente de la conception pour un écran et offre une infinité de perspectives créatives.

La transition entre UX design et voice UX est un défi pour les voice ux designers : il s’agit d’indiquer les options d’interactions et les fonctionnalités de l’interface sans (ou quasiment sans) supports visuels, avec une interaction qui s’affranchit de la vue mais aussi du toucher.

Le mot de l’UX researcher

par Timothée Mourier

Certains d’entre nous sont sensibles à ce qu’ils ont sous les yeux, quand d’autres le sont à ce qu’ils ont dans les oreilles. Quoiqu’il en soit, le son, la musique, les bruits, ont une forte incidence chez nous autres, êtres humains.

Pourquoi n’accorde-t-on pas la même place au son qu’au visuel dans une expérience utilisateur ?

La digitalisation globale des entreprises a naturellement conduit à se pencher sur des écrans : repenser son tunnel d’achat en ligne ou sa homepage, ajouter une feature à son application, redesigner un outil métier.

Les problématiques d’UX au sens digital sont nombreuses. Mais peu à peu, les organisations, les marques, prennent conscience que l’expérience utilisateur va au-delà de ça. Qu’elle constitue un tout.

Nous sommes confrontés tous les jours à des objets ou des lieux qui génèrent du son : smartphones, ordinateurs et tablettes, maison connectée, gares et aéroports, supermarchés. Notre cerveau a appris à distinguer  un son de validation d’un son d’erreur. Et nous avons tous notre préférence en termes de sonnerie ou de réveil (sonneries que nous viendrons éventuellement à détester).

En clair, le son, les bruits, la musique, jouent un rôle clé dans l’expérience que nous faisons d’un produit ou d’un service. Par l’univers qu’il nous inspire, l’émotion qu’il nous procure, ou la réponse que nous attendons, le son permet d’augmenter une expérience et de délivrer une information claire et instantanée.

Le Nouveau Bauhaus européen

Le Nouveau Bauhaus européen 0 0 Wedo studios

En 2020, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lance Le Nouveau Bauhaus Européen « une initiative créative et interdisciplinaire » dont l’objectif est d’encourager l’économie circulaire et la réduction des émissions de carbone.

À cette occasion, nous revenons sur les grands enjeux du mouvement historique qu’est le Bauhaus et les apprentissages que nous en tirons encore aujourd’hui.


Un mouvement du début du 20ème
qui n’a jamais été autant d’actualité

par Margaux Ghilardi UX designer chez Wedo studios

Le Bauhaus: une école innovante mais controversée

Au départ, le nom « Bauhaus » désignait une école de design allemande dont l’existence a été limitée par l’occupation nazie. L’influence de l’école a été telle, qu’aujourd’hui le Bauhaus désigne un courant artistique et de pensée multidisciplinaire.

Les origines du Bauhaus (production standardisée, vision utopique, volonté de progrès social)

Fortement inspirée des valeurs du mouvement Arts & Crafts de William Morris, l’école du Bauhaus fait suite à la Deutsche Werkbund de 1907, une association d’architectes, artisans et artistes allemands.

La Staatliches Bauhaus est fondée en 1919 par Walter Gropius sur une vision utopique, autour de la relation entre artisanat et industrie. L’objectif est d’unir ces deux secteurs jusque là dissociés.

La trajectoire de l’école s’inscrit alors dans l’essor de la production standardisée. Elle demande à ses étudiants de mettre de côté la production d’objets uniques et de grande valeur destinée à la classe aisée.

L’école propose à la place de se tourner vers une production de masse, plus accessible, mais toujours qualitative, en accord avec la nouvelle ère de l’industrialisation.

Soumise à la pression nazie, l’école du Bauhaus a dû déménager plusieurs fois jusqu’à puis fermer définitivement ses portes en 1933. Elle tentera de renaître plusieurs fois, notamment avec le New Bauhaus de Chicago ou encore l’école d’Ulm.

Malgré une courte existence, la Bauhaus a profondément marqué l’histoire du design et de l’industrie. Il a aussi été critiqué pour sa vision standardisée, parfois vue comme à la limite du totalitaire.

Les principes du mouvement 

Les principes du Bauhaus (simplicité, progrès, soin)

Une empreinte forte, encore aujourd’hui

Le Bauhaus fait partie de ces mouvements créatifs qu’on connaît sans connaître. Ses objets à l’esthétique très épurée et aux matériaux simples mais bruts en inspirent encore beaucoup. 

Parmi ces objets, on peut notamment citer:

En quoi la chaise Wassily illustre-t-elle les idéaux du Bauhaus ? 
La chaise Wassily est accessible, simple et fonctionnelle
    • Un objet simple : des matériaux basiques et une forme parfaitement adaptée à sa fonction.
    • Un objet fonctionnel : ergonomique, confortable.
    • Un object accessible, facilement industrialisable et reproductible, une facilité de fabrication non négligeable pour l’époque (à partir de tubes d’acier déjà industrialisés).

Les leçons que l’on peut tirer du Bauhaus aujourd’hui

Un contexte différent mais deux périodes de changement social

Comparaison de la société à l'époque du Bauhaus et la société aujourd'hui

Des productions différentes mais des valeurs communes 

Passionnée par le Bauhaus, je trouve notamment trois points communs entre ce mouvement historique et les tendances actuelles du design.

Il y en a peut-être d’autres, vos suggestions sont les bienvenues.

1. Des produits de plus en plus simples mais fonctionnels

L’aspect des interfaces a bien changé depuis les débuts d’internet. Autrefois plutôt chargées (à l’époque, on soutenait que chaque pixel comptait), aujourd’hui, les interfaces sont de plus en plus simples et épurées, allant à l’essentiel

La page de recherche de Google en est un excellent exemple : si elle a toujours été mono-fonctionnalité, elle s’est épurée au fil du temps pour obtenir le résultat que l’on connaît aujourd’hui.

À la façon des objets du Bauhaus, simple et fonctionnelle, elle va directement à l’essentiel, sans superflu. 

2. La notion de soin apportée à l’utilisateur final ou le mouvement du care 

Le ‘care’ (soin) est l’une des tendances fortes du design ces dernières années. Il infuse au sein des agences, dans les écoles de design ou encore au sein des laboratoires de recherche. 

L’école de design Nantes Atlantique a d’ailleurs ouvert un laboratoire de recherche dédié : le Care Design lab. 

À la façon du Bauhaus, portant (et porté par) un projet social global, le mouvement du care invite le designer à repenser tout ce qui l’entoure sous le prisme du soin, jusqu’ici parfois oublié. 

Si l’on s’arrête, dans un premier temps, au sens le plus évident et courant du soin (le domaine médical), on peut rapidement faire le lien avec la volonté du Bauhaus d’en finir avec les traumatismes d’après-guerre. 

Aujourd’hui on peut retrouver cette tendance dans l’hygiénisme et la volonté prégnante (et accélérée par la pandémie) d’objets épurés, sains, faciles à nettoyer.

3. Plus que des initiatives isolées, des systèmes complets

S’il pourrait sembler se limiter au domaine médical, le projet du care design est en fait très vaste. Il relève en effet plutôt d’une manière de penser globale, se centrant sur l’attention portée à autrui, à une problématique, à un système.

L’aspect de plus en plus multimodal de tout ce qui nous entoure nous pousse vers une pensée holistique et éco-systémique. Ce n’est pas sans rappeler les design systems actuels, de plus en plus communs, et avec des volontés d’uniformisation, de simplification et de standardisation.

Le projet du nouveau Bauhaus européen 

La genèse du projet

Pandémie, situation climatique dont la gravité est renforcée par la publication du dernier rapport du GIEC, situation sociale en transition… La convergence de plusieurs phénomènes forment un climat social, écologique et économique tendu.

À un moment aussi charnière de l’histoire humaine, il est essentiel de construire de nouveaux modes de pensées et de nouvelles façons de vivre. 

A la façon du Bauhaus “original”, le #neweuropeanbauhaus est une initiative créative et pluridisciplinaire. Lancé par la Présidente de la Commission européenne, il vise à construire un monde différent et à proposer un projet global de société à travers des projets de conception variés. 

Si les problématiques initiales sont différentes, les grands enjeux de modes de vie plus esthétiques et inclusifs pour tous se rapprochent.

Imaginer un avenir “durable, inclusif et esthétique” 

Le Nouveau Bauhaus européen ne concerne pas uniquement les designers, loin de là : l’objectif est de réunir des designers mais aussi des experts de toutes sortes, des citoyens européens, des entreprises, des institutions, afin de réfléchir ensemble aux enjeux de demain et aux solutions à apporter.

Le but du projet est également de montrer que de nombreuses problématiques sont liées. Son aspect pluridisciplinaire est donc plus que pertinent, voire essentiel.

Frise temporel du projet Le Nouveau Bauhaus Européen (co-design, réalisation et diffusion)

Les membres français du BEDA (Bureau of European Design Associations) : AFD, APCI, Cité du design, DESIGNERS+ et Lille–Design ont lancé des initiatives pour que des projets français soient déposés.

Rendez-vous ici pour en savoir plus !

UX designer, personne ne comprend mon métier

UX designer, personne ne comprend mon métier 8001 3999 Wedo studios

Et voilà, encore un dîner de famille où, comme d’habitude, on va me demander ce que je fais dans la vie. Je vais être forcé de répondre, et, comme toujours, mon audience va devoir essayer de comprendre ce que je leur raconte.

Eh oui, je suis UX designer !

Designer UX : expliquer ce qu’on fait vs expliquer en quoi c’est du design

par César Beuve-Méry, UX designer chez Wedo studios.

L’empathie, c’est normalement la première compétence des designers, donc j’essaie de me mettre à leur place.  C’est vrai qu’il est difficile de comprendre ce que fait exactement un designer. 

Et franchement, même pour moi parfois c’est confus. En discutant avec d’autres designers, je vois bien que je ne suis pas le seul. Loin de là.

L’ère du numérique a énormément diversifié et étendu le domaine du design, dont les champs d’application sont de plus en plus répandus.

Il existe des designers de produits, d’espace, des designers graphiques, des webdesigners, des motion designers, des designers UX, des designers UI (et leurs descendants hybrides : les designers UX/UI), des designers d’interactions, de service, etc.

Surtout que maintenant, quand on parle de produit, on entend aussi bien des objets physiques que des objets numériques. Comme être designer UX au sein de la feature team d’une équipe produit.  

Cependant, la plupart des gens ne parlent pas de “produits numériques” ou de “produits digitaux”.

“Ce qui crée de la confusion c’est le mot ‘designer’, c’est un mot qui est compris par la majorité des gens comme étant en rapport avec les objets et l’esthétisme.”

Mon père, 57 ans

Iceberg dont la partie émergée symbolise les métiers "connus" du design et la partie immergée représente les métiers du design moins connus.

L’apparition du mot “design” dans un nombre croissant d’appellations (design thinking, design fiction, design de politiques publiques, narrative design, design produit, word design) n’aide pas à s’y retrouver.

Même en tant que designer, il est difficile d’expliquer toutes ces nuances.

D’après mon père, “ce qui crée de la confusion c’est le mot designer, c’est un mot qui est compris par la majorité des gens comme étant en rapport avec les objets et l’esthétisme.”

Particulièrement pour les générations qui nous précèdent, le mot “design” est associé à seulement une partie des pratiques et des métiers. Elles pensent design de voiture, d’objets, d’intérieur ou à la limite design de mode.

Au-delà du nom qui désigne la discipline, le mot “design” est aussi entré dans le langage commun en tant qu’adjectif décrivant une esthétique.

On parle de lampe “design”, de meuble “design”, de décoration “design”, au même titre que d’autres pléonasmes descriptifs comme la fameuse “maison d’architecte” et autres “chaussures/sacs de créateur·rice » (ou “de designer” d’ailleurs).

« Design (anglicisme), adjectif invariable : D’un modernisme fonctionnel sur le plan esthétique. »

Larousse

Designer, ça n’existe pas.

La vérité c’est que plus personne n’est “designer” tout court.

C’est un diminutif pour une ou plusieurs spécialisations, voire des niveaux de spécialisation. Par exemple, certain·e·s designers graphiques sont strictement des typographes (conçoivent seulement des typographies) ou strictement des logotypers (créateur·rice·s de logos). Rien n’empêche d’être les deux, ni d’être également designer industriel ou d’espace.

Il y a d’ailleurs beaucoup d’exemples célèbres :

    • Roger Tallon est designer industriel, d’espace mais aussi graphique
    • Charlotte Perriand est architecte, designer d’espace et designer industrielle
    • Kenya Hara est designer graphique, d’objets, d’expériences…

Mais être designer ne veut pas dire qu’on sait tout faire. Par exemple, être motion designer ne signifie pas qu’on est compétent pour faire de la scénographie. Et dire qu’on est « designer » tout court ne suffit pas à illustrer tout ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas.

Mouton à cinq pattes

“On m’a déjà contacté pour des travaux de rénovations d’intérieur lorsque j’étais en freelance.”

Milla, designer graphique

Je pense que beaucoup de designers s’en sortent grâce à des exemples. Décrire concrètement un projet, un client ou un livrable sans jargon, ça permet aux interlocuteur·rice·s de mieux situer ce qu’on fait.

Dialogue: un UX designer tente d'expliquer son métier. Avec du jargon, la personne en face ne comprend pas. Avec un exemple concret, elle comprend.

L’UX : “En quoi c’est du design ?”

Déjà c’est quoi l’UX ?

De l’anglais User Experience, l’Expérience Utilisateur c’est l’expérience vécue par les utilisateurs-rices d’une interface numérique, d’un appareil, d’un service ou même d’un lieu.

En fait, l’UX c’est évaluer, créer, construire en tenant compte des perceptions, de la satisfaction, de la confiance ou encore de la frustration ressentie lors de l’utilisation d’un produit numérique ou physique.

Du coup en UX, on n’est pas tou·te·s designers !

“Pour moi, le designer a forcément un élément de création, je ne comprenais pas où cela se situait dans ton métier.”

Ma grand-mère, 83 ans.

Les différents métiers du design

Je vous ai perdu·e ? En fait c’est facile :

L’UX designer

L’objectif de l’UX designer est de comprendre les besoins des utilisateurs·rices afin de concevoir une plateforme ou un service ergonomique, intuitif et rapide.

Sa mission est de créer ou d’imaginer des parcours utilisateurs·rices. Que ce soit pour une application, un site web, un service (comme l’achat de billets de train en gare) ou un logiciel.

L’UI designer

L’UI designer est spécialiste des interfaces, de leur aspect, de leur ergonomie. Il·elle choisit les typographies, les couleurs, les éléments graphiques et/ou textuels pour rendre la navigation compréhensible et visuellement attractive.

L’UX writer

En complément de l’UX designer et de l’UI designer, l’UX writer crée le contenu textuel d’une interface numérique. Il·elle prend en compte l’expérience et le bien-être des utilisateurs·rices pour concevoir des textes qui facilitent leur parcours et leur compréhension de l’interface.

L’UX researcher

À travers différentes méthodes (observation, entretiens, tests, etc.) l’UX researcher s’occupe d’analyser, de comprendre des utilisateurs·rices cibles. Les informations recueillies permettront, par la suite, de concevoir des produits digitaux ou physiques adaptés aux habitudes, aux besoins ou encore aux contraintes des personnes visées.

Le Sprint master

Le Design Sprint est un processus de généralement 5 jours durant lequel une équipe pluridisciplinaire va explorer, prototyper et tester des idées de projets.

Le Sprint master est donc la personne chargée d’animer ce « séminaire ». Elle s’occupe de préparer les sessions, de regrouper l’équipe, d’identifier les défis à relever ou les projets sur lesquels travailler. Le sprint master a un rôle de préparateur, de médiateur, de facilitateur.

Le product owner

Le product owner est un genre de chef de projets numériques (sites, applications, logiciels). Son travail est de faire le lien entre l’entreprise (objectifs commerciaux, temps et budgets impartis) et les utilisateurs (habitudes, besoins, contraintes…).

Le consultant UX

Le consultant UX fait un peu de tout. Il-elle se sert des méthodologies de l’UX research pour détecter les limites d’une interface digitale donnée. Il·elle rencontre les équipes commerciales et étudie leurs objectifs et leurs contraintes.

Enfin, il·elle fait en sorte d’améliorer l’expérience des utilisateurs·rices notamment en formant le personnel et/ou en proposant des changements en termes d’UX design.

Et le designer de service dans tout ça ?

La nuance avec l’UX designer semble dépendre selon les profils, les agences et les pays. En France, on rattache beaucoup l’UX design au numérique.

C’est vrai que le service design s’est démocratisé au moment de l’avènement du numérique et de l’explosion des services numériques. Mais dans les pays anglo-saxons, le design de service est préexistant au numérique, il ne concerne pas spécifiquement des interfaces.

Chez Wedo studios, on a fait le test en interne

On a demandé à notre équipe de placer les métiers du design sur un plan, de déplacer des post-its en fonction du domaine auquel les compétences appartiennent, de faire des flèches…

Et bien personne n’est tombé complètement d’accord. En fait, il est très difficile de faire rentrer les métiers de l’UX et du design dans des catégories fermées.

En fonction de l’entreprise mais aussi des produits, on peut se retrouver à effectuer des tâches normalement destinées à d’autres métiers.

Par exemple, un UX designer peut très bien faire de l’UX research avant de proposer la maquette d’un produit. Tout comme un UI designer peut également s’occuper du contenu textuel de l’interface sur laquelle il travaille.

Finalement, ce que tou·te·s les designers ont en commun, outre des compétences techniques, c’est une intention véhiculée par une pratique et traduite dans leurs livrables.

Dans leurs logos, leurs espaces, leurs objets, leurs posters ou leurs vidéos, dans les expériences qu’ils et elles créent, les designers ne décorent pas, ne sculptent pas, ne dessinent pas. Ils et elles font un peu tout ça. Mais surtout, les designers donnent une orientation, un dessein, une vision.

Accessibilité

Accessibilité 2560 1338 Wedo studios

Si l’UX vise à analyser l’ensemble des perceptions des usagers d’un produit ou d’un service et que l’UX Design a pour objectif de concevoir des expériences optimales, alors son accessibilité fait intrinsèquement partie de sa réussite.

La méthode ne change pas, seulement le périmètre d’empathie.

Que vous soyez une banque, un réseau social ou un acteur du e-commerce, l’accessibilité, c’est la prise en compte des contraintes et besoins des personnes en situation de handicap.

En design, ça se traduit par l’intégration systématique de ces contraintes dans le cadrage et les briefs, en tant que composante structurelle.

Que le produit ou le service concerné parle aux utilisateur·trice·s. Tou·te·s les utilisateur·trices.

Que ces personnes puissent y accéder, interagir avec, l’utiliser, en être satisfaites. Donc l’accessibilité, c’est juste de la bonne UX !


L’accessibilité, c’est juste de la bonne UX

Dans la loi française, le handicap est la limitation ou incapacité d’une personne à évoluer dans l’environnement social en raison de contraintes spécifiques. 

Troubles cognitifs, problèmes de vue, douleurs articulaires et musculaires, essoufflement, anxiété, problèmes cardiaques, dépression, acouphènes, fatigue…

La pandémie a apporté une visibilité sur un certain nombre d’états invalidants qui ne sont pas tous reconnus à l’heure actuelle comme des handicaps, notamment selon les pays.

De plus, la distanciation forcée des confinements a mis en exergue l’enjeu spécifique de l’accessibilité numérique pour faire ses courses, garder le contact, bénéficier de ses soins, etc.

On identifie 4 grandes catégories de handicaps dans cet article, mais cette liste n’est pas exhaustive.

Notre parti-pris est de ne pas dissocier accessibilité physique et numérique pour garder une approche holistique du design accessible.

Les différentes formes de handicap

Pictogrammes représentant différents types de handicaps

1. Handicaps liés à la vue

Il existe de nombreux types de déficiences visuelles : cécité, malvoyance, daltonisme… Leurs besoins peuvent être très variés selon les situations.

Par exemple, une personne aveugle de naissance et une personne devenue aveugle au cours de sa vie ne rencontrent pas toujours les mêmes difficultés.

Elles n’ont pas non plus les mêmes attentes en matière d’assistance (apprentissage du lecteur d’écran, attentes concernant le niveau de détails).

2. Handicaps liés à l’ouïe

Comme pour les malvoyants, il existe de nombreux types et de nombreuses intensités de surdité totale ou partielle.

Les personnes sourdes n’utilisent pas toujours la langue des signes française (LSF) alors que d’autres l’utilisent exclusivement.

Ainsi le français parlé et écrit peut être perçu comme une langue étrangère et sous-titrer des contenus n’est pas toujours suffisant pour être accessible.

3. Handicaps moteurs

Les handicaps moteurs peuvent empêcher ou limiter les déplacements.

C’est aussi un véritable enjeu d’accessibilité numérique car certaines personnes ne peuvent pas utiliser leurs mains ou sont dans l’incapacité de faire des mouvements assez précis pour utiliser une souris (paralysie, tremblements).

D’ailleurs, la prochaine version du référentiel WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) inclura un critère sur les tailles de boutons et d’éléments graphiques.

Les utilisateur·rice·s concerné·e·s ont à leur disposition des alternatives pour naviguer, comme le clavier, la commande vocale et, plus rarement, la commande visuelle.

4. Handicaps mentaux et cognitifs (dont troubles de l’attention)

Le symbole international du handicap est une personne en fauteuil roulant : on associe (et réduit !) souvent le handicap à des difficultés physiques.

Les handicaps cognitifs et mentaux (autisme, troubles DYS) peuvent être moins visibles mais avoir un impact considérable sur l’expérience utilisateur.

Ainsi des enseignes comme Les magasins U ont fait le test d’un horaire consacré aux personnes autistes, avec moins de bruit et moins de lumière. Une loi visant à démocratiser ce principe a été votée cette année.

La SNCF propose également une option “police dyslexie” dans son panneau « accessibilité. »

Site de la SNCF

Tou·te·s concerné·e·s
Les maladies chroniques invalidantes et le vieillissement

Épilepsie, diabète, sclérose en plaques… De nombreuses maladies peuvent avoir des symptômes invalidants, partiels ou totaux, et variables.

De plus, le vieillissement des populations entraîne des handicaps liés à l’âge, et l’accessibilité devient un enjeu direct sur le quotidien d’un nombre grandissant de personnes.

Enfin, en recherche UX, la prise en compte de la diversité des personnes et de leurs besoins spécifiques mène à une expérience améliorée pour tou·te·s : Solve for one, extend to many.

D’ailleurs, le développement de nombreuses technologies d’assistance a mené à diverses inventions utilisées aujourd’hui par tou·te·s pour leur grande utilisabilité.

Qu’est-ce qu’une technologie d’assistance ?

Une technologie d’assistance est une aide technique qui permet d’accompagner une personne en situation de handicap afin de maintenir ou améliorer son autonomie.

Quelques exemples de technologies d’assistance utilisées par tou·te·s

Le clavier

Pierre François Victor Foucault mécanisera le décapoint manuel de son ami Louis Braille. Son invention, le raphigraphe, permettra d’imprimer en relief toutes les lettres, chiffres et ponctuations.

Le raphigraphe

Le raphigraphe

Les caractères étaient ainsi lisibles à la fois de façon tactile et visuelle, devenant un canal de communication entre utilisateur·rice·s et non-utilisateur·rice·s du braille.

Le téléphone

Si la mère et la femme d’Alexander Graham Bell n’avaient pas été malentendantes, ce dernier n’aurait pas mené les recherches sur la fabrication d’appareils auditifs et vocaux. Des recherches qui le mèneront a déposé le premier brevet du téléphone en 1876.

Les SMS

Le Short Message Service, une fonctionnalité d’abord introduite par Nokia dans ses téléphones en 1994, était d’abord un moyen de rendre les téléphones portables accessibles aux personnes malentendantes.

Les livres audios

Depuis le Books for the Adult Blind Project de 1931, un programme de la bibliothèque du Congrès Américain pour rendre accessibles ses livres aux citoyens aveugles, les livres audios sont devenus des objets sonores écoutés par tou·te·s et partout, indépendamment de leurs facultés visuelles.

Les commandes vocales en général

VoiceOver, la première fonction d’aide vocale sur un smartphone, apparaissait seulement en 2009. Son objectif était de fournir aux aveugles et malvoyants une description vocale des informations affichées à l’écran.

Depuis, Siri et les autres assistants vocaux sont largement utilisés par commodité par des personnes qui ne sont pas en situation de handicap.

La recherche utilisateur vers davantage d’accessibilité donne donc lieu à des inventions qui bénéficient à tou·te·s.

Selon Whitney Quesenbery, co-autrice de A web for everyone, utilisabilité et accessibilité sont même indissociables: “Usability and accessibility are twins separated at birth.”

Le rôle essentiel du design accessible

La situation de handicap, d’un point de vue social, n’est pas liée au handicap lui-même, mais plutôt à un environnement qui en crée les conditions et limite les possibilités des personnes concernées. 

Dans le cas des outils numériques, certain·e·s utilisateur·rice·s n’ont pas nécessairement besoin de technologies d’assistance mais ne peuvent pas utiliser les outils de navigation proposés. Par exemple, les utilisateur·rice·s qui ne peuvent pas utiliser de souris ou de trackpad doivent naviguer uniquement au clavier.

Le design, en modelant des environnements, des objets et des interfaces, peut créer, accentuer ou au contraire éviter une difficulté liée au handicap. En accessibilité numérique, on développe notamment des technologies d’assistance. 

5 technologies d’assistance numérique actuelles

Pictogrammes représentant les différentes techniques d'assistance numérique

1. Les lecteurs d’écran

Comme leurs noms l’indiquent, ils lisent le contenu de l’écran. Ce sont des logiciels qui interprètent le contenu de l’interface et le convertissent vocalement. Ils fournissent généralement d’autres fonctions, comme des raccourcis clavier.

Les lecteurs d’écran étaient au début relativement mécaniques mais deviennent de plus en plus naturels à écouter. Ils restent cependant essentiellement développés en anglais.

Moins courants, car contrairement aux idées reçues, le braille n’est pas maîtrisé par tou·te·s les malvoyant·e·s.

Un terminal mécanique affiche une ligne de caractères braille (souvent 40 à 80) en élevant et en baissant dynamiquement des picots (des points). 

2. Les afficheurs braille

Les assistants braille, qui ont la capacité de petits ordinateurs, sont équipés d’afficheurs braille. Ces terminaux peuvent être utilisés pour prendre des notes, faire des calculs, ou s’interfacer avec d’autres outils comme les kiosques publics d’information.

3. Les navigateurs vocaux

Similaires aux lecteurs d’écrans, ils n’interprètent que les contenus web. Les navigateurs vocaux sont généralement développés en tant qu’alternatives à des navigateurs web pour des téléphones mobiles, pas nécessairement pour des personnes en situation de handicap.

4. Les headstick

Créés pour les personnes qui ne peuvent pas utiliser leurs mains, les headsticks permettent de naviguer via des mouvements de la tête.

5. L’eye tracking

Lorsque les mouvements de tête sont impossibles, l’eye-tracking est utilisée comme une commande visuelle.

Le cadre réglementaire

RGAA et WCAG : les référentiels d’accessibilité

En France, le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité définit les critères d’accessibilité. Il s’agit d’une retranscription du référentiel international (WCAG – Web Content Accessibility Guidelines).

Ces deux référentiels se présentent sous la forme d’une méthode d’application et regroupent des critères selon 3 niveaux : A, AA (double A) et AAA (triple A). Les critères A et AA sont obligatoires.

Quelles cibles et quelles attentes ?

L’ Article 47 de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées déterminent les différents types d’organisations et d’entreprises concernées par les obligations liées à l’accessibilité.

1. Les personnes morales de droit public,

2. Les personnes de droit privé délégataire d’une mission de service public (gestion de l’eau, des transports…),

3. Les personnes morales de droit privé constituées spécifiquement pour satisfaire les besoins d’intérêt général autres que financier ou commercial (office de tourisme, culturel, social…),

4. Les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un certain seuil (250 millions d’euros).

Il est désormais obligatoire pour ces entreprises et organisations d’afficher clairement leur niveau d’accessibilité, ainsi qu’un plan futur de développement autour de cette question.

Si, à l’heure actuelle, la réglementation prévoit uniquement de sanctionner le non-affichage du niveau d’accessibilité, on peut supposer (et espérer) que la non-couverture de l’ensemble des critères A et AA devienne sanctionnable dans un futur proche.

Atomic research : notre retour d’expérience

Atomic research : notre retour d’expérience 2290 1397 Wedo studios

Ces temps-ci, chez Wedo studios, on s’est intéressé à l’atomic research, le système de gestion des connaissances de la recherche UX théorisé par Tomer Sharon et Daniel Pidcock.

En gros, l’atomic research, c’est une approche de la recherche qui redéfinit les unités de base de la connaissance UX en “atomes” (les “nuggets”). L’idée est de déstructurer le matériau brut récolté lors d’une recherche (étude, test utilisateur, questionnaire) afin d’avoir à la fois une vision d’ensemble et une vision granulaire des données.

L’atomic research est relativement nouvelle : il y a peu de recul sur le sujet et les retours d’expérience sont rares. Si vous n’êtes pas encore familier avec cette méthode, je vous recommande notre article dédié avant de poursuivre votre lecture de ce retour d’expérience.


20 000 lieues sous les nuggets
Notre retour d’expérience sur l’atomic research

par Timothée Mourier, UX researcher chez Wedo studios

Tests utilisateurs d’une plateforme, étude exploratoire sur les typologies de collaborateurs en magasin : en tant qu’UX researcher chez Wedo studios, j’ai expérimenté l’atomic research sur plusieurs projets.

Et si je ne nie pas “l’infinie puissance” préconisée par Daniel Pidcock, je trouve qu’elle est à nuancer. En tout cas, elle est conditionnelle, car avec l’atomic research, on peut facilement s’y perdre. Il y a beaucoup de données, une multitude de paramètres à prendre en compte, et une tolérance zéro pour le mauvais étiquetage.

Du coup, j’ai voulu partager mon retour d’expérience, et je suis très preneur des vôtres !

D’abord, ma check-list : les projets auxquels j’ai participé m’ont permis de repérer 4 grands points de vigilance qui m’évitent de m’enliser et de perdre du temps.

1. L’atomic research, ça peut être un tableau excel
Le format

Quand j’ai commencé, j’ai regardé les solutions comme Airtable, Dovetail ou Glean.ly pour classer mes nuggets. En fait, il n’est pas nécessaire de se former à un nouvel outil : tout logiciel de catégorisation des données suffit, comme Excel ou Notion.

Par contre, je pense sincèrement que le développement de formats visuels de repository va considérablement démocratiser l’atomic research en améliorant le confort de navigation de ces bases de données très denses.

Le repository peut rapidement prendre la forme d’un tableau tentaculaire. Personnellement, je suis habitué à des outils visuels comme Miro. A côté, une infinie série de lignes difficilement lisibles et navigables, ça m’a un peu découragé.

Pour m’en sortir, j’ai mis en place un système d’échelles. L’idée est d’avoir à la fois la possibilité d’une vision d’ensemble (plutôt macro) et d’un zoom sur les détails (plutôt micro). Dans un tableau, cela se traduit par exemple par des codes couleurs ou des catégories larges (étiquettes de sections et de sous-sections) ordonnables en un clique de classement.

Aujourd’hui je serais curieux de tester un format plus visuel de repository, avec une navigation plus intuitive pour déduire les insights puis les recommandations. En tout cas, le choix de l’outil est crucial. Et il peut varier en fonction de la nature de l’organisation et des projets.

Aperçu d'un repository : un tableau ou les colonnes permettent de classer les étiquettes de chaque donnée

Le repository est la base de données globales
1 ligne = 1 nugget

2. “Welcome to my repository
L’onboarding

Autre enjeu de taille : l’onboarding. Une recherche UX se fait rarement seul·e : il y a les client·e·s, les collaborateur·rice·s, les intervenant·e·s divers·e·s qui sont susceptibles de participer au projet, et pas forcément depuis le début.

Or, pour une personne extérieure ou nouvelle venue dans la recherche, le repository ne parle pas forcément de lui-même. Un résumé de quelques slides sera beaucoup plus explicite. Et un support d’explication de la nomenclature devient indispensable.

Sinon, s’approprier les informations rapidement est impossible, alors que la rapidité est parfois essentielle pour un onboarding. Pour l’heure, il me paraît donc impossible de se reposer uniquement sur le repository pour donner une overview claire de la recherche et du fonctionnement du projet concerné.

3. Do you speak atomic?
La nomenclature

En atomic research, les choix de nomenclature peuvent devenir un vrai casse-tête. En tant qu’UX researcher, je ne peux pas forcément anticiper toutes les grandes catégories qui serviront à classer mes nuggets.

Tout simplement parce que ceux-ci naissent de l’accumulation des données, et souvent au fur et à mesure du cheminement de ma recherche : on ne peut pas classer avant d’avoir classé.

La nomenclature ne doit pas être enfermante. Elle doit prévoir que ces grands axes vont se dégager sans m’obliger à ré-étiqueter tous les nuggets depuis le début.

La deuxième difficulté réside tout simplement dans le respect de la nomenclature. Sans une conformité totale de celle-ci, je suis obligé de procéder à une vérification constante de la justesse des tags de catégorisation. C’est une tâche sans fin, et qui devient impossible passé un certain nombre de participant·e·s.

Lorsque c’est possible, je recommande d’utiliser des codes visuels qui se passent de l’exactitude des appellations. Ça ne garantit pas l’exactitude, mais ça compartimente un peu. Cela permet aussi de limiter les difficultés liées aux différentes langues lors de projets internationaux.

De toute manière, l’atomic research ne peut être envisagée que dans un cadre très rigoureux. Mis en place dans ces conditions, l’atomic research est un véritable atout pour naviguer dans une large base de données.

4. Gérer les électrons libres
Le hors-sujet

C’est un peu le syndrome du “mais si jamais j’en avais besoin plus tard ?” : prendre les décisions de tri des nuggets “hors-sujet” (ne présentant pas du tout d’intérêt, ou pas un intérêt prononcé pour la recherche en cours) peut être ardu.

Pour moi, la raison d’être de l’atomic research c’est avant tout de permettre de naviguer de très grandes bases de données. Me débarrasser de certaines données récoltées, même hors-sujet, paraît contre-intuitif : comment savoir quels nuggets seront intéressants dans le futur, ou en vue des prochaines sessions ? Comment les catégoriser ? Comment les ré-exploiter ?

Personnellement, je pense surtout qu’on apprend à répondre à ces questions avec la pratique. Cela nécessite un travail minutieux de relecture des nuggets, étude après étude, surtout si les thèmes de recherche sont différents.

Si ce travail est fastidieux, je pense qu’il peut faire de l’atomic research un outil puissant pour des sessions de tests utilisateurs sur un même produit, une homepage ou un tunnel d’achat par exemple.

Dans le doute, on peut aussi choisir d’avoir une catégorie “hors-sujet” un peu large avec des tags très descriptifs.

Une fois ce cadre assuré, l’atomic research amène une réelle flexibilité dans l’analyse, notamment dans l’approche des détails. Si l’aventure vous tente, voici une liste de 7 questions à vous poser avant de vous lancer.

7 questions à se poser avant de se lancer dans l’atomic research

1. Faut-il intégrer les données passées dans le repository ?

Ou bien est-il davantage pertinent de démarrer de zéro ? Il est essentiel de s’interroger sur la pertinence des connaissances déjà produites et accessibles, ainsi que sur ce qu’implique  leur intégration dans la base de données.

Si les ajouter est trop chronophage, la démarche est contre-productive en plus d’être laborieuse.

schéma montrant des données anciennes en vrac et des données classées dans un repository

Cela reste un point de vigilance une fois l’atomic research implémentée : il ne s’agit pas de rendre le repository illisible par une profusion indigeste de données dépassées. Déterminer l’obsolescence de ces données peut cependant aussi s’avérer complexe.

2. Un repository est-il nécessaire au sein d’une petite structure ?

L’optimisation des process de production et d’archivage des connaissances, ainsi que leur accessibilité par tous les collaborateur·rice·s sont des éléments-clés d’une organisation, quelle que soit sa taille. Cela est particulièrement vrai pour les organismes de recherche.

schéma montrant la différence du volume des recherches entre une grande et une petite structure

Cependant, les plus petites structures, qui effectuent par conséquent moins de recherche, ne rencontrent pas forcément les quatre problèmes évoqués plus haut (éparpillement, oubli, perte de temps, opacité).

Le gain apporté par l’atomic research n’est dans ce cas pas suffisant pour en justifier sa mise en place. Celle-ci peut au contraire s’avérer trop chronophage et énergivore pour être positive.

L’atomic research semble donc être plus adaptée à des organisations de grande envergure, ou traitant des volumes de données conséquents.

3. Quels projets sont adaptés à l’atomic research ?

Projets itératifs, études ethnographiques, études ponctuelles, questionnaires, entretiens, tests utilisateurs… Tous les projets de recherche donnent lieu à de la production de connaissances. Cependant, l’organiser dans un système d’atomic research n’est pas toujours nécessaire.

La temporalité des projets et leurs natures déterminent la pertinence de la mise en place d’un repository.

Deux impératifs de calendrier différents

Il est toujours important de s’interroger sur les bénéfices de l’atomic research dans le contexte de son organisation, mais aussi de son projet, plutôt que de l’implémenter à tout prix.

4. Quelle nomenclature pour mon système ?

La catégorisation des éléments (nuggets, insights, etc.) est absolument cruciale. Il ne s’agit pas d’une question secondaire : ceux-ci doivent être taggés d’une façon appropriée pour être exploitables.

les étiquettes des données

La mise en place de l’atomic research signifie donc une nomenclature commune, compréhensible par tout le monde, apprise et respectée de manière collective. Le choix des appellations est extrêmement important. Il faut également désigner une ou plusieurs personnes référentes pour être garantes de cette harmonisation.

Si la catégorisation commune ne peut être envisagée par manque de temps ou parce que faire respecter la nomenclature est trop compliqué, il vaut mieux ne pas envisager de repository. Le risque serait en effet de former un amas impraticable d’informations certes nombreuses mais inexploitables pour ses usagers.

5. Quelle catégorisation sur le long terme ?

La pertinence des nuggets varie selon leur âge. Des feedbacks sur une ancienne version d’application sont par exemple obsolètes.

pertinence des données selon le temps qui passe

Il est important d’anticiper cet aspect et de mettre en place une méthodologie qui permettent de les trier selon ce critère.

6. Comment distinguer le hors-sujet du hors-cadre ?

Les nuggets hors sujet sont aussi collectés dans le repository. Ils agrémentent la base de données mais peuvent aussi l’encombrer s’ils s’avèrent inutiles. Par exemple, certaines réponses qualitatives très personnelles de participant·e·s dans des situations uniques n’auront pas forcément de valeur pour l’entreprise pour la compréhension globale des usagers ciblés.

hors sujet

7. Comment donner accès au client ?

Il y a plusieurs manières de procéder et pas de règles établies. L’objectif principal est de gagner de la valeur en collectant ces données.

partager ses données avec les clients

Si nous avons plusieurs études sur différents produits d’un même client, il faut s’interroger sur le périmètre des informations partageables avec lui, et si ce périmètre se limite à ce client. Il s’agit de s’inscrire dans une réflexion générale sur l’exploitation des données, tout en considérant les aspects légaux et éthiques du problème.

Alors, l’atomic research est-elle vraiment “infiniment puissante” ?

Pour moi, l’atomic research ne peut être envisagée que sous des conditions spécifiques : le contexte compte énormément dans son succès. Elle ne révèle sa puissance que dans ce cadre, qui peut être très compliqué à mettre en place et à maintenir.

Je pense qu’un repository est vraiment réussi lorsque :

  • son onboarding est rapide et intuitif
  • son format permet une navigation confortable
  • sa nomenclature est facilement assimilable
  • sa structure est évolutive

Je pense qu’une fois la méthode maîtrisée, l’atomic research est un outil incomparable pour mettre en exergue des liens inédits entre des données UX et en tirer de nouveaux insights. Je continue de l’étudier et je vous donne rendez-vous dans quelques mois pour un second REX sur le sujet, le temps d’expérimenter davantage.

Atomic research

Atomic research 4890 2603 Wedo studios


L’infiniment puissante atomic research

A new way to organise UX knowledge
in an
infinitely powerful manner.
Daniel Pidcock

Parfois aussi nommée atomic UX research, l’atomic research tire son nom de l’atomic design théorisé par Brad Frost. Il s’agit cependant de deux notions très différentes. L’atomic research est un système de gestion des connaissances de la recherche UX, alors que l’atomic design, est une méthodologie de conception d’interface.

D’abord théorisée par Tomer Sharon (anciennement Head of User Research & Metrics chez Goldman Sachs, WeWork et Google Search) et Daniel Pidcock, (le fondateur du logiciel de mise en forme de repository Glean.ly) l’atomic research est une approche qui redéfinit les unités de base de la connaissance UX en “atomes” (aussi appelés “nuggets”) taggés. Plus simplement, l’idée est de déstructurer le matériau brut récolté à l’occasion d’une recherche utilisateur afin d’avoir une vision d’ensemble et granulaire avant analyse.

La nature des tags varie. Ils correspondent à des catégories et sous catégories distinctes, des niveaux d’organisation différents. Ils peuvent être des données de classement (date, source, localisation, priorité), de mesure (amplitude, fréquence), des appréciations qualitatives (comme une émotion ressentie par un·e interviewé·e) ou encore des indications démographiques (âge, classe socio-professionnelle). Ils permettent en tout cas de classer et d’ordonner les items par similarité afin de les traiter et de les analyser.

L’atomic research décompose ainsi le matériau issu de la  recherche en 4 éléments distincts, dont le nugget (c’est-à-dire la donnée brute), auquel s’ajoutent les contextes de recherche, les insights et les recommandations.

Les 4 piliers de l’atomic research

1. Le contexte de recherche

Les contextes de recherche sont les manières dont les données sont récoltées : entretiens, questionnaires, outils de metrics. Leur multiplication enrichit la recherche.

Exemple : Lors d’une mission d’amélioration d’une application, on organise des tests avec des utilisateur·rice·s. Ces tests sont un contexte de recherche.

2. La donnée brute

En UX, on parle des nuggets au sens premier de pépites, d’items, de petites unités d’informations très précieuses. Un nugget n’est pas forcément textuel. Il peut être une observation autant qu’avoir un format chiffré (une statistique par exemple). Par contre, la donnée doit être unique pour rester atomic, elle ne contient qu’une information.

Exemple : Lors d’un test organisé avec un utilisateur sur une application, celui-ci ne trouve pas la barre de recherche. Le verbatim ou l’extrait correspondant de cet entretien (vidéo, enregistrement audio ou encore compte-rendu écrit) qui stipule que “l’utilisateur ne trouve pas la barre de recherche” est la donnée brute, le nugget. Une statistique récoltée par un outil de mesure (comme “50% des utilisateur·rice·s ne trouvent pas la barre de recherche”) est également un nugget.

3. Insights

Un insight est une hypothèse appuyée par un ou plusieurs nuggets. Ils peuvent être positifs, négatifs ou neutres. Ils n’aboutissent pas nécessairement sur une recommandation.

Exemple : Les utilisateur·rices ont dû effectuer les tests en ligne. Cela leur a déplu car leur environnement était un bureau partagé et qu’il y a eu beaucoup d’interruptions. L’insight est que “le bureau partagé n’est pas propice” et s’appuie sur des nuggets tels que “50% des utilisateur·rice·s ont été interrompu·e·s au moins une fois.” Cet insight ne servira pas forcément de base à une recommandation sur l’amélioration de l’application concernée. L’information demeure cependant intéressante pour l’organisation de tests futurs.

En revanche, “la barre de recherche est trop peu visible” est un insight dont on pourra tirer une recommandation en lien avec la mission, soit l’amélioration de l’application.

Un nugget rangé dans son repository, classé par tags
1 donnée brute = 1 nugget

4. Recommandations

Les recommandations sont des solutions proposées pour répondre à des insights. Un insight peut d’ailleurs engendrer plusieurs recommandations.

Exemple : Dans notre situation de mission d’amélioration d’une application, plusieurs recommandations pourraient être tirées de l’insight “la barre de recherche est trop peu visible” comme “mettre la barre de recherche au-dessus de la ligne de flottaison” ou encore “augmenter le contraste de la barre de recherche.” 

À quels besoins l’atomic research répond-t-elle ?

L’atomic research est un archivage évolutif, vivant et dynamique. Les connaissances n’y sont pas rangées pour prendre la poussière mais bel et bien pour être retrouvées, partagées et exploitées. La base de données grandit ainsi au fur et à mesure des études, elle croît avec l’organisation.

L’atomic research résout essentiellement 4 problèmes rencontrés par les organisations qui font de la recherche.

1. L’éparpillement

Textes, enregistrements, tableurs, extraits… L’absence d’un code commun de classement, ainsi que la diversité des outils et des bases de données utilisés engendre un éparpillement dans lequel il est difficile (et décourageant !) de naviguer.

De plus, pour des raisons opérationnelles, les chercheur·se·s font aussi parfois leur propre tri dans leurs découvertes, afin que leurs rapports soient par exemple plus ciblés ou plus succincts. L’atomic research propose un système commun de navigation de l’ensemble des données de l’organisation.

2. L’oubli

Les connaissances acquises à travers les années tendent à partir avec leurs référent·e·s. Elles sont rarement documentées et classées pour pouvoir être retrouvées par quelqu’un d’autre. Pourtant, certains de ces apprentissages peuvent rester pertinents plus tard. Par exemple, ils peuvent être utilisés à des fins comparatives dans le temps. Ou encore pour illustrer une redondance dans les feedbacks issus de tests. Les évolutions de projets itératifs sont ainsi documentées.

Certaines données, si elles n’ont pas d’usage opérationnel au moment de la mission au sein de laquelle elles ont été trouvées, seront perdues. Ces informations “hors-sujet” sur le coup peuvent pourtant s’avérer utiles dans d’autres projets. L’atomic research, en collectant l’ensemble des informations, empêche l’oubli définitif de ces données.

3. La perte de temps

Dans les grandes organisations notamment, plusieurs pôles de production de connaissances peuvent exister sans être reliés. Les connaissances acquises ne sont pas forcément partagées entre tout le monde, ni organisées d’une manière qui les rendent accessibles et consultables par n’importe quel membre de l’organisation.

Des doublons peuvent voir le jour simplement parce qu’un pôle n’est pas au courant qu’un autre a déjà effectué cette recherche. L’atomic research prévient ce risque.

4. L’opacité

L’atomic research est avant tout un outil collaboratif. Elle se positionne en système de gestion des connaissances mais entraîne aussi une réflexion sur les processus de l’organisation en montrant une volonté de partage d’infos commun et relativement continu.

En proposant un thesaurus commun (repository) enrichi des découvertes de tou·te·s, l’atomic research offre une perspective de collectes de données plus ambitieuses sur un même sujet, car plus grandes et davantage entrecroisées. Elle est ainsi susceptible de produire des insights inédits.

Aperçu d'un repository : un tableau ou les colonnes permettent de classer les étiquettes de chaque donnée

Le repository est la base de données globales
1 ligne = 1 nugget

Atomic design

Atomic design 2941 1081 Wedo studios


5 étapes pour concevoir une interface

Qu’est-ce que l’atomic design ?

La méthodologie design system de Brad Frost

L’atomic design est une méthodologie de conception d’interfaces théorisée par Brad Frost dans son livre éponyme. Son idée est d’adresser la multiplication des écrans et contextes d’usage par la construction de design systems organisés qui rendent les interfaces plus cohérentes.

Inspirée de l’étude de la matière, l’atomic design se découpe en 5 niveaux hiérarchisés, où chaque interface est un univers composé par des atomes, des molécules, des organismes, des templates et des pages.

Les 5 étapes de l’atomic design

1. Les atomes d’une interface sont ses plus petits éléments de construction, comme un bouton, un champ de recherche ou encore une balise d’indication.

2. Comme en chimie, une molécule est un groupement d’atomes qui forment un ensemble. Par exemple, les atomes cités plus hauts (bouton, champ de recherche, balise) s’agrègent pour former un formulaire de recherche.

3. Une section complexe d’une page  est un organisme formé de plusieurs molécules. Ici cette section de haut de page est composée, entre autres, d’un formulaire (molécule elle-même composée des atomes « bouton », « champ de recherche” et “balise”) mais aussi d’un logo-bouton et d’un menu complexe (où chaque élément est également une molécule). Les organismes font prendre forme aux sections de page et ébauchent la structure, la composition finale de l’interface.

4. L’analogie chimique s’arrête aux templates. Composés de plusieurs sections (ou organismes), ce sont des structures sans contenu (texte, image) qui remplacent les wireframes.

5. Enfin, les pages sont des variations de templates augmentées de contenus représentatifs de l’interface finale. Cette étape permet aux commanditaires  de se projeter sur une représentation complète et tangible. Les designers peuvent également mesurer l’efficacité de leur produit et repérer les points d’amélioration. C’est aussi le moment de tester des variantes de mise en page (comme l’effet d’un titre d’une ligne par rapport à un titre long par exemple, ou encore l’aspect d’un panier e-commerce d’un item par rapport à un panier rempli de 15 items).

Biais cognitifs

Biais cognitifs 1921 1081 Wedo studios


(Re)connaître et déjouer les pièges des biais cognitifs en recherche UX

Lorsqu’on mène une recherche utilisateur, il est important d’adopter une posture objective et neutre.

Cependant, enquêteur·rice et enquêté·e ont toutes et tous leur vécu propre, leur histoire, leur situation familiale, sociale, culturelle, géographique, etc.

Les quatre grands “problèmes” auxquels nous sommes confrontés, Buster Benson, 2016

Ces critères sont autant d’éléments qui influencent nos usages, et il existe de très nombreux biais.

Et ceux-ci sont susceptibles d’orienter les questions et les réponses lors d’un travail de recherche, particulièrement lors de la collecte de données qualitatives, comme lors d’un entretien semi-directif ou d’un test utilisateur.

Éviter les biais est donc un enjeu majeur pour la qualité d’un travail de recherche.

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

Un biais cognitif est un mécanisme de pensée qui altère notre perception d’une information par rapport à la réalité, et donc sa restitution fidèle. Pour gagner du temps et de l’énergie, le cerveau se base sur son vécu plutôt que sur une analyse objective.

Théorie du Système 1 / Système 2

Dans son bestseller de Thinking, Fast and Slow (2011), le célèbre psychologue Daniel Kahneman (lauréat du prix Nobel d’économie en 2002) identifie deux systèmes de pensée.

Le système 1 concerne les décisions du quotidien. Celles-ci sont machinales, automatiques, intuitives. Elles nécessitent donc aussi peu de temps, et permettent un gain d’énergie et d’attention consacrées à réfléchir.

Nous sommes plus influençables au cœur du système 1 et produisons des pensées plus facilement biaisées.

Le système 2 concerne les décisions complexes. Il s’agit d’un processus de réflexion plus contrôlé et plus analytique, qui sollicite davantage la raison. Le système 2 est donc aussi plus chronophage et énergivore.

Le système 2 nécessite davantage d’espace mental pour identifier, filtrer et dépasser les automatismes et instincts premiers.

“Quand tout se passe bien, c’est-à-dire la plupart du temps, le système 2 adopte les suggestions du système 1 avec peu ou pas de modifications. On croit généralement nos sensations et on agit en fonction de nos désirs, et ce n’est – d’habitude – pas un problème” dit Kahneman.

Ainsi nous passons la plupart de notre temps à emprunter le système 1, soit le moins rationnel, celui qui demande tout simplement moins d’efforts : c’est le choix naturel du cerveau.


(Re)connaître les biais cognitifs
en entretien ou en test utilisateur

Il existe de très nombreux types de biais, qui relèvent d’aspects cognitifs, affectifs, méthodologiques, sociaux ou culturels.

4 biais courants de l’enquêteur·rice

1. Le biais méthodologique est le fait de recueillir des informations de manière incomplète, par exemple via le non-respect du protocole, une mauvaise formulation des questions qui engendre des résultats erronés.

2. Le biais affectif consiste à être influencé·e par son humeur dans la conduite de l’entretien. Il est possible que le jour de l’entretien vous ne soyez pas en pleine capacité de vos émotions. Il est important de pouvoir le reconnaître afin de passer la main à un collègue ou reporter l’entretien.

3. Le biais de similarité c’est par exemple l’instinct de considérer plus favorablement des personnes qui nous ressemblent, par identification culturelle, sociale ou économique. L’objectif n’est pas de provoquer ce biais de similarité mais de le réduire au maximum.

Certain·e·s anthropologues, lorsqu’ils ou elles réalisent des observations sur le terrain, préconisent par exemple d’éviter de revêtir une tenue traditionnelle mais de choisir un vêtement sobre et neutre.

4. L’effet de confirmation nous pousse à privilégier des informations qui confirment nos hypothèses et à faire abstraction du reste. Il est très courant et naturel pour tout commanditaire qui cherche à consolider ses orientations.

Afin de s’en prémunir, il est conseillé d’adopter une attitude neutre et de bannir les questions fermées telles que “Si ce produit sortait sur le marché, l’achèteriez-vous ?”.

4 biais courants pour l’enquêté·e

1. L’effet de désirabilité sociale, c’est l’envie de se montrer sous son meilleur jour. Lors d’un entretien, l’interviewé a naturellement tendance à enjoliver ou à écarter certains faits ou émotions afin de faire bonne impression. Pour l’éviter, il est important de demander à l’interviewé de préciser certains faits, de creuser des épisodes escamotés et d’éviter les “effets boîtes noires” dans les récits individuels.

2. L’effet de soumission au groupe une modulation des réponses d’un·e interviewé·e en fonction de celles formulées par les autres membres du groupe, même si celles-ci ne lui conviennent pas. C’est pour cette raison que, chez Wedo studios, nous évitons de réaliser des entretiens de groupe ou focus group, et que nous privilégions des entretiens individuels.

3. Le biais affectif / de similarité est le même que pour l’enquêteur·rice.


Quelques conseils pour éviter les biais

Prendre connaissance de ses propres biais avant de réaliser un entretien utilisateur : son âge, sa situation socio-culturelle, ses liens personnels potentiels avec le sujet de recherche.

Multiplier les points de vue et former des équipes pluridisciplinaires pour apporter du contraste dans les opinions et de l’ouverture.

Objectiver la situation : au cours de l’entretien (et non dans le protocole), on peut chercher à faire des relevés quantitatifs (échelles de satisfaction, fréquence, temps d’utilisation etc…).

Par exemple, l’enquêté·e peut dire : “Globalement je trouve que le service est inefficace.” En lui demandant un exemple spécifique et contextualisé (comme : “Pourriez-vous me raconter comment cela s’est passé la dernière fois que vous avez utilisé le service ?”), l’enquêteur·rice lui fait préciser concrètement sa perception.

Dans un autre contexte, l’enquêté·e peut déclarer : “Je vais souvent chez le médecin.” Ici l’enquêteur·rice peut lui demander de préciser la fréquence (“combien de fois ?”) et la temporalité (“depuis quand ?”). Cela nourrit la réponse d’éléments objectifs.

Pratiquer des exercices d’écoute adaptative : prise de recul, curiosité, nuance, souplesse, opinion personnelle… Il est pourtant beaucoup plus confortable d’être la personne qui parle. D’abord parce que cela nous met en situation de contrôle. Ensuite parce que si nous émettons environ 225 mots par minute, nous sommes capables d’en écouter plus du double.

Écouter est donc un exercice à la fois facile et difficile. Facile car le cerveau en est parfaitement capable et difficile car cela laisse une disponibilité, un espace mental vacant qu’on a naturellement tendance à vouloir combler.

Apprendre à écouter

L’écoute est pourtant au cœur d’un exercice comme celui de l’entretien. On distingue trois types d’écoute :

  • évaluative : où l’on juge les propos tenus.
  • interprétative : où l’on donne un sens aux propos entendus en fonction de ses propres représentations.
  • transformative : avec la volonté de changer de point de vue et de considérer celui des autres.

L’écoute transformative, un indispensable de l’enquêteur·rice

En UX, c’est l’écoute transformative qui doit être privilégiée par les enquêteur·rice·s afin d’en apprendre le plus possible sur les enquêté·e·s.

Selon Bourdieu : « L’entretien peut être considéré comme une forme d’exercice spirituel, visant à obtenir, par l’oubli de soi, une véritable conversion du regard que nous portons sur les autres dans les circonstances ordinaires de la vie » (1993). Cette notion de “conversion du regard” se retrouve dans l’approche de l’écoute transformative.

Pour l’atteindre, un·e interlocuteur·rice doit adopter une posture non directive non seulement par rapport au contenu des échanges mais aussi vis-à-vis du processus complet, ainsi qu’une écoute emphatique. Il s’agit d’une reconnaissance mutuelle et d’un échange.

L’objectif de cet exercice n’est pas de trouver la bonne réponse, ni d’opérer une projection de soi sur autrui (c’est-à-dire de prêter à la personne en face, potentiellement très éloignée de soi socialement, la même posture, identité, ou le même mode de pensée que soi).

Il s’agit au contraire d’offrir des conditions de communication affranchies de tout jugement ou d’attente à l’utilisateur qui l’autorisent à exprimer des malaises, des besoins ou des demandes.

Le principe fondateur de l’écoute transformative est le contraste et la rencontre des points de vues, des expériences et des savoirs. C’est la recherche d’une multitude de réponses qui se mêlent et interagissent. Elle cherche ainsi à mobiliser la richesse de l’intelligence collective et ses perspectives d’innovation.