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Le design systémique par Sylvie Daumal

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Le design systémique par Sylvie Daumal

Le 6e rapport d’évaluation du GIEC publié en mars 2023, constitue le socle scientifique du tout 1er bilan mondial de l’Accord de Paris. Rendez-vous à Dubaï en fin d’année lors de la COP28 pour suivre les mesures qui seront prises par les États.

Le constat n’a pas changé et il est sans appel : en proie aux émissions de gaz à effet de serre générés par les activités humaines, la planète continue à chauffer, trop vite (+ 1,1° par rapport à l’ère préindustrielle). La limite fatidique de +1,5° fixée par les experts sera atteinte dès 2030, si rien n’est fait pour “ramener les émissions mondiales nettes de CO2 à zéro”. 

Déprimant, lorsque l’on sait que dès 1972, le rapport Meadows des chercheurs du MIT évoquait les “limites de la croissance”, présageant de la problématique du dépassement des limites planétaires.

“Les risques climatiques et non climatiques vont s’aggraver et se multiplier, ce qui rendra leur gestion plus complexe et difficile”
— 6e rapport du GIEC.

3 mots-clé sont à retenir de cette nouvelle alarme sur l’urgence climatique : “activités humaines”, “complexe” et “difficile”.

L’ouvrage de Sylvie Daumal 58 outils de design systémique – Pour une conception centrée sur la planète, se propose justement d’approcher la complexité des systèmes (le climat en est un), pour des activités humaines à impact positif.

Les impacts du changement climatique aujourd’hui – Ministère de la transition écologique – Mars 2023.

Le 6e rapport d’évaluation du GIEC atteste d’une augmentation des risques : vagues de chaleur, précipitations extrêmes, sécheresses, fonte de la cryosphère, changement du comportement de nombreuses espèces.

Le design, un acteur d’aujourd’hui et demain 

Ces 10 dernières années, le design a gagné en légitimité dans les organisations, nous l’évoquions dans notre sujet sur le DesignOps : il devient pour les décideurs un levier stratégique et organisationnel.

Le postulat de Daumal, est que le design se trouve en amont de bien des activités humaines. De fait, son rôle est primordial pour concevoir des solutions qui ne seront pas les problèmes de demain. Le design systémique offre des perspectives concrètes, grâce à un éventail d’outils et de méthodologies pour une conception centrée sur la planète, au-delà même de l’utilisateur.

La démarche permet d’appréhender la globalité de l’écosystème dans lequel prend forme un projet, ainsi que tous ses acteurs et parties prenantes humains et non humains (qu’il s’agisse du lancement d’un produit, d’un service, d’une politique publique, de la transformation de la chaîne de production/ d’approvisionnement, du cycle de vie d’un produit, etc.).

Une approche qui devrait soutenir les organisations sommées d’agir, à coup d’arsenal législatif contraignant, comme les lois Énergie et Climat en France, et Climat et Résilience.

Le design peut-il contribuer à sauver la planète ? C’est la conviction de Sylvie Daumal, elle nous explique comment !

Le design systémique, un design à impact

Nous avons demandé à Sylvie Daumal, de nous éclairer par une définition accessible du design systémique. 

Selon l’experte, le design systémique relèverait de la combinaison suivante : 

L’approche en double diamant du design thinking (processus en amont de la conception, qui part de la recherche utilisateur pour aboutir à l’identification de solutions), associée à la pensée en système. Cette dernière a été développée essentiellement par des scientifiques, informaticiens, ou experts des sciences du management.

Le processus en double diamant du design thinking – Wedo studios.

“Il s’agit de designer en tenant compte de la complexité du sujet et de toutes les conséquences, intentionnelles ou non, qu’il s’agisse d’un produit, d’un service, d’un processus ou d’une politique publique. L’objectif est de s’assurer que les bénéfices sont plus importants que les désagréments.”
— Sylvie Daumal.

Une approche de la complexité qui permet à des designers confrontés à des problématiques de plus en plus intriquées,Re et de fait plus complexes, de prendre en compte la globalité de leur écosystème de conception. Du commanditaire à l’utilisateur, en passant par l’environnement, les différentes parties prenantes impliquées, les antipersonas… mais aussi le cycle de vie du produit et surtout les conséquences d’usages futures.

Tout l’enjeu du design systémique est donc d’avoir une appréhension suffisamment complète avant même la conception, pour un design à impact positif dans la durée. Cela implique également un rôle d’accompagnement à l’évolution des comportements, afin d’éviter que” les solutions d’aujourd’hui, ne soient les problèmes de demain”.

Retrouver ici 4 cas pratiques de design systémique.

Historique du design systémique en 7 dates

XXe siècle : Émergence de la pensée systémique. Elle est issue de divers courants de pensée, le structuralisme linguistique de Ferdinand de Saussure, l’école de Palo Alto en psychologie portée par Paul Watzlawick et la cybernétique avec Norbert Wiener, entre autres.

1950’s : Les travaux de recherche dans le domaine du climat font émerger la nécessité d’une approche pluridisciplinaire et par extension, systémique.

1968 : Parution de l’ouvrage Théorie générale des systèmes de Ludwig von Bertalanffy, qui contribue à théoriser l’approche systémique. L’auteur cherche à dégager les principes d’une vision de l’univers en tant que système. Il s’agit de modéliser la réalité en tenant compte de sa complexité, dépassant ainsi une vision cartésienne et réductrice.

1969 : Fondation du Club de Rome. À l’initiative d’Aurelio Peccei, industriel italien, préoccupé par les inégalités croissantes du monde d’après-guerre. Il s’associe à Hasan Ösbekhan, nommé directeur. C’est le premier groupe de réflexion dédié aux problèmes de société complexes.

1970 : Le premier rapport du Club de Rome : The Predicament of Mankind. Produit par Hasan Ösbekhan, Alexander Christakis et Éric Jantsch, le document liste 49 problèmes critiques globaux qui participent à la complexité du monde. La réponse selon les auteurs : la mise en place systématique du dialogue et l’intelligence collective.

1972 : A cette approche, le Club de Rome préfère l’approche dynamique des systèmes de Jay Forrester du MIT. Elle a inspiré l’ouvrage Les limites à la croissance de Donella Meadows, Dennis Meadows et Jørgen Randers.

Aujourd’hui : Le travail de ces pionniers continuent d’influencer de nombreuses disciplines. Les principes systémiques sont appliqués aux mondes de l’entreprise et du management. En France, Edgar Morin et Jean-Louis Le Moigne ont contribué à véhiculer l’approche de la complexité par la pensée systémique.

Des outils à s’approprier pour voir au-delà de l’utilisateur

La mission semble titanesque, voire insurmontable, en un mot, complexe ? 

Pas de quoi freiner les designers qui se sont emparés du sujet, en s’appropriant la pensée systémique existante des pères fondateurs pour en fabriquer des outils. 

L’ouvrage de Sylvie Daumal s’emploie avec pragmatisme à proposer 58 outils pour ce faire, classés par typologie de projets et secteurs concernés (comprenant des liens vers des gabarits d’outils téléchargeables).

L’auteure, au prisme de l’urgence climatique, souligne que la démarche relève d’une évolution logique : les débuts de l’UX étaient fondées sur l’usage et l’utilisateur. Un basculement s’est fait, évoluant de la recherche esthétique à une démarche centrée sur l’humain (à travers l’ergonomie et les sciences humaines). Aujourd’hui, les enjeux imposent un décentrement du regard, au-delà de l’utilisateur, en tenant compte de la justice sociale et de l’environnement. 

Deux sujets qui vont se trouver de plus en plus liés, au prisme de la guerre de l’eau, des populations rendues vulnérables par les changements climatiques, et des inégalités d’accès aux ressources naturelles indispensables.

10 étapes pour faire du design systémique selon Sylvie Daumal

Pour initier un projet de design systémique, Sylvie Daumal recommande de commencer par définir les limites du système concerné. Comment ? En balisant par exemple en fonction de l’envergure du projet : temps, budget allouable, acteurs mobilisables (dont les experts qui accompagnent le designer systémique). 

L’auteure identifie ensuite 10 étapes essentielles de design systémique où interviennent différents outils à retrouver en détail ici.

1. La théorie de l’acteur réseau

Considérer tous les acteurs : les personnes, tout comme les éléments qui interviennent dans le système concerné. Il s’agit de cartographier les acteurs humains et non humains, en explorant les relations et connexions qui les lient, mais aussi leur relation avec les sujet, projet, politique donnés, ou le résultat escompté.

“ Tout acteur est un réseau et inversement”Bruno Latour

2. Engager le collectif

Associer les personnes concernées en utilisant le design dialogique structuré, par la mise en place de World Cafés par exemple : écouter pour apprendre le point de vue des autres, peut favoriser la justice sociale.

 “Il est contraire à l’éthique d’essayer de modifier un système sociotechnique sans la permission explicite et le participation des personnes concernées”Hasan Özbekhan

3. Identifier les interrelations

Mesurer tous les impacts avec la “Roue du Futur” de Jerome C. Glenn. Partir d’un événement, d’un service, d’un produit, d’une tendance pour évaluer toutes conséquences d’une conception, au 1er, 2e et 3e niveau, pour s’en prémunir et éviter que les solutions d’aujourd’hui ne soient les problèmes de demain.

 “La roue du futur est une façon d’organiser la réflexion et le questionnement sur l’avenir, une sorte de brainstorming structuré.”Jérôme C. Glenn

4. Penser en dynamique 

Accepter le mouvement : par nature, l’état de toute chose est évolutif. Il faut alors s’appuyer sur les boucles de causalité pour identifier les boucles de rétroaction positive (amplificatrices) ou négative (régulatrices).

 “Les problèmes d’aujourd’hui viennent des solutions d’hier”Peter Senge

5. Dépasser les évidences

A l’aide du modèle de l’analyse des couches causales (modèle en iceberg) de Sohail Inayatullah : partir des phénomènes observables pour identifier les causes, puis les éléments structurels et enfin, la métaphore (croyances).

 “L’utilisation de l’analyse des couches causales, nous permet de voir comment […] les principales tendances et problèmes auxquels le monde est confronté) est, en soi, la partie émergée de l’iceberg, l’expression d’une vision du monde particulière”Sohail Inayatullah 

6. Embrasser les paradoxes

Conforter et confronter une vision et son contraire : selon Edgar Morin, les systèmes complexes sont des systèmes dialogiques, une chose et son contraire à tout à la fois. C’est le fonctionnement du vivant : les cellules doivent mourir pour être remplacées par de nouvelles, il n’y a pas de vie si il n’y a pas de mort.

 “Le paradoxe est présent dans la complexité, c’est ce qui est difficile à faire entrer dans nos esprits”Edgar Morin

7. Zoomer

Regarder quel est le détail des problèmes auxquels on est confronté : dans son écosystème et environnement. En 1968, Hasan Özbekhan a listé 49 problèmes qui restent d’actualité aujourd’hui.

 “Un grand désordre règne sous les cieux”Aurelio Peccei

8. Dézoomer

A l’aide de l’arbre d’influence : comparer les problèmes et sélectionner ceux qui sont les plus saillants. Cette comparaison doit permettre de déterminer lequel des problèmes relève de la source ou d’ une conséquence.

9. Concilier les points de vue

A l’aide de l’outil prospectif 3 horizons de Bill Sharpe : identifier les visions du futur qui sont concomitantes à un instant T ? (visions : conservatrices, mesurées et pionnières qui se rencontrent). Il s’agit, une fois ces visions identifiées, de les aligner pour concilier des points de vue différents.

 “Trois Horizons […] peut être utilisée pour appréhender un avenir incertain de manière créative tout en tenant compte des caractéristiques sociétales notables du présent.” Bill Sharpe

10. Accepter l’incertitude

Il est difficile de prédire avec certitude les comportements des systèmes complexes. C’est pour cela que s’appuyer sur des scénarios prospectifs, à l’image de la météorologie, ou des rapports du GIEC, permettent d’imaginer des contextes et des situations différentes, des scénarios d’états du futur.

Le rôle du designer systémique en 5 points

Très concrètement, en quoi consiste le travail du designer systémique ?

  • Son livrable : une feuille de route stratégique, qui inclut des recommandations concrètes (campagnes, réglementations, projets, produits, services…), mais qui porte  également sur la communication qui les accompagne.
  • Ses expertises : comprendre un système complexe, cartographier les boucles de causalité, identifier les interrelations.
  • Ses incontournables : savoir faire de la recherche documentaire en amont sur l’appréhension du problème, cartographier les actants et les parties prenantes pour les faire dialoguer.
  • Son rôle récurrent : l’organisation et la facilitation d’ateliers, étape qui permet de faire collaborer les acteurs du système à partir de la recherche initiale pour élaborer des solutions. Mais aussi tout le travail post atelier : affiner, compléter  et formaliser le livrable destiné aux décideurs ou commanditaires.
  • Sa mission en 5 étapes : recherche, analyse, facilitation, compréhension, stratégie.

Le designer systémique a ainsi un rôle indéniablement stratégique. Mais il s’agit également de pédagogie et d’accompagnement, permettant au commanditaire du projet de mieux comprendre son propre écosystème, et parfois, de déconstruire certains biais ou croyances autour des usages de son produit ou service.

5 raisons d’adopter le design systémique en tant qu’organisation 

La démarche semble utopique ? Ignorer une démarche systémique lors du lancement d’un projet, d’un produit, d’un service ou d’une politique publique, a pourtant des conséquences très concrètes.

  • Anticiper l’arsenal législatif. La réalité de l’urgence climatique s’accompagne de réglementations contraignantes, parfois instaurées brutalement, imposant aux organisations des changements drastiques sur un laps de temps court. La loi Climat et résilience par exemple, a pour but d’accélérer la transition écologique, dans différents domaines du quotidien, du logement, à la mobilité en passant par l’alimentation et la publicité. L’occasion d’avoir un coup d’avance sur la concurrence ?
  • Renforcer les cahiers des charges des services des achats, pour être aux normes. Une grande partie du bilan carbone des entreprises provient de leurs achats.
  • Anticiper sur le temps de mise en conformité, qui peut s’avérer être une mauvaise surprise au moment de la soumission à des appels d’offres par exemple, pour s’aligner avec les exigences RSE requises.
  • Préserver, voire booster son attractivité et sa marque employeur. La guerre des talents fait rage et les nouvelles générations sont sensibilisées aux questions sociales. Retenir ses recrues relève de la gageure face à la volatilité des talents. Un enjeu à garder à l’esprit face à des candidats beaucoup plus exigeants sur les valeurs portées par leur organisation.
  • Faire des économies grâce à la sobriété : dépenser moins d’argent, et mieux, permet d’en gagner plus à long terme, grâce à une sobriété réfléchie.

S’approprier son système pour mieux le servir

Les entreprises ont besoin d’outils pour traiter les sujets complexes d’aujourd’hui et de demain. Un enjeu auquel le design et les designers peuvent répondre. 

La sanction des parties prenantes (utilisateurs ou non), peut être implacable face aux enjeux, sociaux, sociétaux et écologiques qui empiètent de plus en plus sur des habitudes de surconsommation (c.f le cas des trottinettes à Paris).

Certes, la démarche nécessite un temps supplémentaire en début d’un projet. Un temps à consacrer à la recherche (documentaire, terrain, interviews) en amont de la conception, pour mieux comprendre les impacts d’un projet. Ce temps, s’il est sanctuarisé, permet de produire par la suite un plan d’action, une feuille de route des interventions qui vont être faites au sein du système. 

Sommes-nous prêts à faire des solutions d’aujourd’hui les remèdes de demain ? à systématiser le design systémique ? c’est en tous cas ce à quoi s’appliquent les designers systémiques.

 “C’est une bonne période pour pratiquer le design systémique, avec tous ces désastres, toutes ces crises, les gens se réveillent et se disent qu’il serait temps de changer le système. Mais ils ne savent comment et se disent que c’est impossible à l’échelle individuelle ou même d’une organisation, pourtant ils essaient, et c’est notamment le cas des gouvernements.” 

Janvier 2023 — Kristel Van Ael & Peter Jones

Merci à Daumal, designer, conférencière et pionnière du design d’expérience dans les années 2000, de nous avoir initiés à ce sujet avec passion.

Le design systémique en 4 cas pratiques

Le design systémique en 4 cas pratiques 2883 1533 Wedo studios


Le design systémique en 4 cas pratiques

Aujourd’hui, de nombreux produits ou services soulèvent des problématiques importantes  liées à leur impact (négatif) sur les systèmes dans lesquels ils évoluent. Des situations qui auraient pu être évitées grâce au design systémique.

Dans notre article consacré à cette approche, le design systémique repose essentiellement sur la réflexion autour de la complexité des systèmes. Cela passe notamment par la prise en compte des acteurs qui interviennent dans ces réseaux, mais aussi des actants, humains et non-humains, concernés par le produit ou le service en question.

Lors de notre entretien avec Sylvie Daumal, nous avons pu découvrir des exemples pour lesquels le design systémique aurait pu faire  la différence. Nous avons également compilé des exemples de projets innovants, auxquels le design systémique a été appliqué avec succès.

Découvrez-les : des acteurs privés au service public parisien !

Des cas où le design systémique ont manqué

Selon Peter Senge, professeur et théoricien systémique américain, “les problèmes d’aujourd’hui viennent des solutions d’hier”

Des centrales nucléaires aux avions, en passant par l’agriculture, toutes ces innovations répondaient à une problématique du passé. Mais face au changement climatique, à la guerre de l’eau ou encore à l’inflation, elles se présentent aujourd’hui comme des problèmes à régler.

C’est le cas de nombreux produits et services qui, à leur début, semblaient répondre parfaitement aux besoins des utilisateurs, mais qui au fil du temps ont participé à créer des situations d’insécurité ou d’injustice sociale. Dans cet article, nous avons choisi de vous présenter deux exemples : Airbnb et les opérateurs de trottinettes en libre service.

Airbnb et la crise des logements

Fondée en 2008, la plateforme de location saisonnière est aujourd’hui un leader incontesté du tourisme à travers le monde. Elle est la troisième plateforme touristique la plus visitée dans le monde : en mai 2022, le site comptait près de 100 millions de visiteur·euse·s. 

Malgré son succès, Airbnb fait face à un mécontentement croissant ; non pas de ses utilisateur·rice·s, mais bien de la part d’acteur·rice·s externes impactés négativement par son activité. En effet, beaucoup considèrent que la plateforme de location saisonnière contribue à la précarité des logements dans les grandes villes. 

En 2020, plusieurs villes européennes, dont Paris, Amsterdam ou encore Florence se sont mobilisées pour demander à la Commission européenne une régulation plus sévère contre ce type de plateforme. Berlin a déjà mis en place une réglementation spécifique pour les locations saisonnières : les propriétaires qui souhaitent passer par des plateformes comme Airbnb doivent se doter d’un permis spécial.

Le problème 

À l’origine, la finalité du service proposé par Airbnb était de permettre aux touristes de s’immerger dans une nouvelle culture, en se rendant chez l’habitant, voyageant ainsi à petits prix. La plateforme représentait également un moyen pour les propriétaires de percevoir une rémunération complémentaire en faisant usage de leur logement en leur absence.

Le regard systémique

S’ils ont pris en compte les besoins des utilisateurs du site, les designers en ont oublié les acteurs externes (humains et non-humains) impactés de près ou de loin par le service. Parmi ces acteurs, on peut citer : 

  • Les voisins qui subissent les emménagements intempestifs ou encore les nuisances sonores ;
  • Les commerces de proximité qui ne peuvent pas fidéliser de clientèle ou encore doivent s’adapter aux flux de touristes et à leurs besoins ; 
  • Les autochtones qui subissent la pénurie de locations longue durée et par conséquent l’augmentation du prix des loyers ;
  • Les appartements ou immeubles d’origine qui sont altérés pour s’adapter à l’activité touristique.

Une étape importante qu’est la cartographie des actants, humains (voisins, petits commerces), comme non humains (immeubles) a peut-être manqué pour une appréhension globale des différents impacts du service sur son environnement.

La fin des trottinettes électriques en libre service

Depuis 2018, les services de trottinettes électriques en libre service se multiplient, notamment à Paris. En effet, les trois opérateurs principaux que sont Dott, Lime et Tier exploitent aujourd’hui pas moins de 15 000 trottinettes dans la capitale. 

Le problème

Dès son lancement, le service présente des frictions importantes : risques d’accidents (en 2022, on recense 3 morts et 459 blessés dans des accidents impliquant des “engins de déplacement personnel motorisés”) ou encore l’encombrement de l’espace public (à Paris, il n’est pas rare de croiser des trottinettes abandonnées dans les rues ou sur les trottoirs).

Moyen de transport ludique, peu encombrant et à faibles émissions de CO2, la trottinette électrique connaît rapidement un grand succès. Les opérateurs de trottinettes en libre service y voient alors une excellente opportunité de proposer un service innovant, pratique, économique et même écologique.

Le regard systémique

Mais le design ne s’arrête pas seulement à la conception d’un service pratique et rentable ; il s’agit également de penser à leur intégration au sein d’un écosystème.

On pense notamment : 

Malgré de nombreuses tentatives de régulation, et des évolutions itératives (législation, assurances, immatriculation des trottinettes) les trottinettes en libre service dérangent. 

La ville de Paris a donc organisé le 2 avril 2023, une votation citoyenne afin d’arbitrer sur l’interdiction ou le maintien de ce service dans la capitale : 90% des votes étaient en faveur de la suppression des trottinettes en libre service. Les services devraient donc être retirés d’ici le 31 août (date de fin de contrat des opérateurs).

L’absence de compréhension en amont, des interactions possibles entre le service et ses différents usages a finalement conduit à sa sanction : par le vote majoritaire de non-usagers (103 000 votants pour 400 000 utilisateurs de trottinettes en 2022 selon les opérateurs).

Le design systémique par Tom Bosschaert

Certains designers ont compris la complexité du monde qui les entourent et par conséquent la nécessité de concevoir des produits et des services qui non seulement répondent aux besoins des utilisateurs mais s’intègrent durablement dans les systèmes dans lesquels ils évoluent.

C’est le cas de Tom Bosschaert, designer néerlandais, spécialisé dans le design systémique.  Il est l’auteur de l’ouvrage Symbiosis in Development (SiD), un guide complet sur l’approche systémique du développement durable.  En 1999, il crée Except, une agence à la fois de design, de communication, de conseil ou encore de formation, qui développe des projets autour du design systémique.

IKEA : un catalogue plus durable

Depuis 2020, la firme suédoise ne distribue plus son fameux catalogue. Mais avant cela, le catalogue IKEA était le livre le plus distribué au monde (plus de 190 millions d’impressions en 2019). Avec autant d’exemplaires, IKEA représentait la plus grande chaîne d’impression au monde.

En 2014, l’entreprise suédoise fait appel à l’agence de Tom Bosschaert pour travailler sur la consommation en énergie et sur la durabilité de cette production à grande échelle. En utilisant la méthode SiD – Symbiosis in Development, l’agence réalise une analyse systémique de tout le processus d’impression du catalogue. L’objectif ? Permettre aux service des achats de choisir les bons fournisseurs en fonction de différents critères environnementaux (consommation d’énergie, d’eau, émissions de CO2, déchets, etc.) afin de créer une chaîne d’approvisionnement durable et plus respectueuse de l’environnement.

Après seulement un an de coopération, les émissions de CO2 liées à la production du catalogue ont diminué de 2% et la consommation d’énergie globale de 8%. Le papier utilisé est certifié FSC 100%.

Heineken : la bière circulaire

La branche néerlandaise de la marque de bière a pour objectif de devenir complètement circulaire d’ici 2030. En 2018, elle fait donc appel à Tom Bosschaert et son équipe pour identifier les impacts négatifs de la production des bières Heineken et ainsi créer une feuille de route vers une circularité complète. 

Depuis cette collaboration, de nombreux changements ont été intégrés dans la chaîne de production d’Heineken Netherlands qui depuis 2020 tourne à 100% à l’énergie verte

Parmi ces changements, on peut notamment citer : 

  • La réduction des émissions de CO2 des brasseries,
  • L’utilisation de l’énergie éolienne et solaire pour alimenter les brasseries, 
  • La production de biogaz avec les eaux usées et les déchets issus de la production,
  • La livraison des pubs néerlandais par des véhicules électriques.

Camion de livraison Heineken électrique à Amsterdam.

Design systémique, environnement et justice sociale

La finalité du design systémique est de créer un design à impact positif dans la durée. S’il permet aux entreprises de parfaire leur image, de s’adapter aux exigences des nouvelles générations ou encore d’appréhender les réglementations du marché, le design systémique s’adapte encore mieux aux projets à finalité sociale et aux services publics.

Le traitement des eaux usées aux Pays-Bas, un modèle pour la France ?

En 2012, l’agence de Tom Bosschaert entame un projet qui explore le système de traitement des eaux usées aux Pays-Bas et son rôle dans la distribution d’eau potable ou encore l’utilisation des énergies renouvelables. L’objectif de ce projet était de travailler sur une vision à l’horizon 2030 sur la place des stations d’épuration dans 4 branches essentielles de la société : l’environnement bâti, l’agriculture, l’industrie et les terrains naturels.

Selon leurs recherches, les stations d’épuration ont le potentiel d’avoir un réel impact positif sur la société notamment grâce à la transformation de la chaleur émise en énergie renouvelable pour alimenter les villes, la production de biogaz ou de fertilisants naturels pour les terrains agricoles.

En France aussi la question de l’eau inquiète de plus en plus. Le gouvernement a d’ailleurs annoncé en avril 2023, la mise en oeuvre de son “plan eau”, qui prévoit entre autres d’intégrer la réutilisation des eaux usées. En effet, en France, seulement 1% des eaux usées sont réutilisées (contre 8% en Italie, 14% en Espagne et 85% en Israël) en raison d’une réglementation stricte mais aussi d’un manque d’équipements dans les stations d’épuration. 

Pourtant, comme l’a démontré Tom Bosschaert dans son projet, la réutilisation des eaux usées pourrait faire la différence en termes de durabilité ou de sobriété énergétique (irrigation de certaines terres agricoles, nettoyage des espaces publiques, arrosage des espaces verts, etc.)

Rénovation des écoles à Marseille pour toutes et tous

En 2021, la ville de Marseille lance un grand plan de rénovation de 470 écoles dans le but de “rétablir l’équité territoriale et garantir l’égalité des chances pour toutes les Marseillaises et tous les Marseillais”. En quoi ce projet s’apparente à du design systémique ? 

  • Le plan de rénovation a été réalisé en aval d’une discussion avec tous les acteurs concernés par le projet (les parents, les élèves, les enseignants, le personnel des écoles, etc) afin d’appréhender leurs questionnements et leurs besoins ;
  • Le projet tient compte de différents facteurs non-humains tels que le respect du bâti existant, l’évolution de la ville et de l’environnement alentour, les moyens de transport, etc. ;
  • Il inclut plusieurs initiatives en faveur de l’environnement : la végétalisation des cours de récréation, l’installation de panneaux photovoltaïques, des constructions bioclimatiques, ou encore l’utilisation de matériaux recyclés ou biosourcés ;
  • Le plan de rénovation des écoles de Marseille s’intègre également dans une volonté de justice sociale puisque l’objectif est de garantir à tou·te·s l’accès à des bâtiments et des équipements durables, fonctionnels et de bonne qualité.

Vers une systématisation du design systémique ?

L’approche est relativement récente, peu exploitée en France, malgré les avantages qu’elle présente pour les organisations

Le design systémique représente une solution évolutive et régulièrement actualisée pour s’assurer de concevoir des produits et des services qui s’adaptent aux systèmes complexes qui nous entourent. 

De la cartographie des acteurs et actants, à la roue du Futur, la boîte à outils du design systémique est fournie, et se prête  à une  typologie de projets variée (taille, budgets alloués, délais, acteurs mobilisables, politiques publiques), pour comprendre un écosystème parfois complexe.

Ce temps de recherche permis par la démarche systémique et sanctuarisé en début de projet, permet d’éviter la fin prématurée d’un service, les écueils d’une législation de plus en plus contraignante en matière environnementale, et une prise de conscience nécessaire quant à l’impact des activités humaines sur l’urgence climatique.

5 outils pour débuter le design systémique

5 outils pour débuter le design systémique 2883 1533 Wedo studios


5 outils pour débuter le design systémique

Des outils à s’approprier pour voir au-delà de l’utilisateur

Nous vous proposons un focus sur 5 outils de design systémique, recommandés par Sylvie Daumal pour débuter. Il ont été conçus par différents designers, pionniers ou héritiers de la pensée systémique, pour appréhender la complexité d’un système et y répondre de manière actionnable. 

Selon Donatella Meadows, un système complexe est, par définition, non prévisible, notamment parce qu’il est  constitué de nombreux éléments en interaction dynamique. 

C’est le cas du  corps humain, du climat, d’une ville ou d’une entreprise par exemple.

Isolé, chaque élément constitutif de l’interaction ne permet pas de comprendre le comportement global du système. C’est l’une des caractéristiques d’un système : c’est un réseau qui vit par les interactions et interrelations entre ses acteurs, provoquant parfois un effet papillon et des changements importants.

Dans ce système existe toutefois des points de levier, encore faut-il pouvoir les identifier, puis les faire agir. D’où la nécessité d’adopter une réflexion structurée, non linéaire ni cartésienne, pour appréhender un système. C’est ce que propose la riche boîte à outils systémique.

1. La carte des actants

Gabarit issu de Systemic Design Toolkit. Outil à retrouver en page 129 in : 59 outils de design systémique pour une conception centrée sur la planète.

Quoi 

L’actants map en anglais, est inspirée de l’ouvrage de Bruno Latour, Changer de société, refaire de la sociologie. Elle permet de cartographier, c’est-à-dire de comprendre et représenter les relations entre les acteurs d’un système social.

Good to know

Les actants sont différents des acteurs ; il s’agit d’une personne ou d’une chose “qui agit dans un système ou qui est affecté par lui”. Les actants sont identifiés à partir de la carte des acteurs préalablement établie. Ils se distinguent par l’importance de leur rôle et de la manière dont leur action modifie l’action d’un autre actant.

Comment 

Cet exercice se fait en atelier réunissant l’équipe de designers. L’objectif ? Identifier les interactions directes entre les actants, humains et non humains ainsi que les impacts qui en découlent sur chacun. L’étape finale consiste à nommer la valeur d’échange.

Exemple d’une carte des actants complétée. Source : uxdesign.cc

2. La Roue du futur

Issu de Miro. Outil à retrouver en page 227 in : 59 outils de design systémique pour une conception centrée sur la planète.

Quoi

La Futures wheel, est une méthode inventée en 1971 par Jerome Glenn alors qu’il était étudiant. Elle permet de représenter de manière graphique “les conséquences futures directes et indirectes d’un événement ou d’un changement”.  L’objectif ? mesurer tous les impacts et conséquences d’une conception, au 1er, 2eme et 3eme niveau, pour s’en prémunir et éviter que les solutions d’aujourd’hui soient les problèmes de demain.

Pour la plateforme Airbnb par exemple, certaines conséquences du service seraient :

  • Au premier niveau : moins de logements disponibles à la vente ou à la location longue durée ;
  • Au deuxième niveau : augmentation des prix des loyers car moins d’offre ;
  • Au troisième niveau : augmentation des inégalités et de la précarité liée au logement.

Good to know

La roue du futur ne permet pas de développer un modèle de simulation, mais d’envisager les impacts d’une action et les conséquences d’une conception, sur 3 niveaux. Cet outil donne lieu selon Glenn, à un “brainstorming structuré”.

Comment 

Le gabarit s’utilise en atelier en 4 temps : présentation du contexte, ajout dans le modèle, répétition de l’opération pour chaque idée, discussion. A partir d’un événement ou d’un état de fait, 3 niveaux de conséquences sont alors observés.

3. Le tarot de la technologie

Exemples de cartes. Outil à retrouver en page 253 in : 59 outils de design systémique pour une conception centrée sur la planète.

Quoi 

12 cartes créées par ArtefactGroup, pour aider les designers à réfléchir à l’impact de la technologie.

Good to know

Les cartes représentent différents acteurs, accompagnés de questions provocantes pour susciter réflexion et décentrement du reegard.

Exemples : 

  • Le traître : qu’est-ce qui pourrait amener les gens à perdre confiance dans votre produit ?
  • Le smash hit : que se passe t-il lorsque votre produit atteint 100M d’utilisateurs ?

Comment

A utiliser lors d’un brainstorming ou pendant des réunions, pour des réflexions sur le scaling up ou l’usage d’un dispositif. Il s’agit de mettre en évidence le potentiel négatif (mésusages, utilisation abusive) et positif (favoriser l’inclusion et la justice sociale) de la technologie.

4. L’analyse des couches causales (ACC ou modèle de l’iceberg)

Gabarit issu de Systemic Design Toolkit. Outil à retrouver en page 140 in : 59 outils de design systémique pour une conception centrée sur la planète.

Quoi 

L’outil a été mis au point par Sohail Inayatullah, universitaire australien et chercheur en futurologie. Il permet, à partir de phénomènes observables, d’identifier différents niveaux de causes des problèmes, puis les éléments structurels et enfin, la métaphore (croyances).

Good to know

L’ACC détaille 4 niveaux de problèmes, du sommet à la partie immergée de l’iceberg : la litanie, les causes, la structure, la métaphore.

Comment 

Ce gabarit permet d’identifier les questions auxquelles va répondre la recherche terrain, pour identifier les causes sous-jacentes propres à un système. Il est utilisé en 2 temps : comme “outil diagnostic d’un état existant”, puis comme support de scénarios à venir.

5. L’arbre d’influence

Gabarit issu de Systemic Design Toolkit. Outil à retrouver en page 181 in : 59 outils de design systémique pour une conception centrée sur la planète.

Quoi 

L’outil a été élaboré par Hasan Özbekhan et Alexander Christakis, à partir des 49 problèmes critiques identifiés par Hasan Özbekhan. Il permet de schématiser l’influence des problèmes dans les systèmes complexes. C’est une aide dans le choix de solutions pertinentes, grâce à l’identification structurée des problèmes.

Good to know

Les problèmes identifiés pendant la recherche sont présentés de manière liée entre eux. Il s’agit de dégager une généalogie des problèmes : quels sont les problèmes “originels” et quelles en sont les conséquences ?

Comment 

Cet outil s’utilise en atelier, parfois sur une demi-journée. Les designers, présents en tant que facilitateurs, réunissent les parties prenantes. Ces dernières sont ensuite réparties en sous-groupes, soit par domaine d’expertise, soit par représentativité des différents acteurs du système (pour favoriser la variété). Les problèmes les plus saillants sont identifiés (10 ou 15 max), et ensuite travaillés par comparaison et par paire (choix au hasard).

Retrouvez les gabarits en ligne dans le Systemic Designer Toolkit, téléchargeable gratuitement.

ResearchOps

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La ResearchOps au secours
de l’UX research

Si vous nous suivez assidûment, vous savez déjà tout le bien qu’on pense du DesignOps. Nous vous proposons ce mois-ci d’explorer l’une des facettes de cette démarche : la ResearchOps.

À l’image du DesignOps ou du DevOps, la ResearchOps (ReOps) fait référence à l’opérationnalisation des équipes d’UX Research. Le but ? Soulager les chercheur·euse·s dans l’aspect opérationnel de leur travail, notamment en leur faisant gagner du temps dans la collecte et le traitement des données de recherche.

Twitch, HelloFresh, Adobe ou encore Airbnb l’ont déjà adopté et n’en disent que du bien. Qu’est-ce que la ResearchOps ? Comment améliore-t-elle le travail des UX researchers ? Quels outils et quelles étapes pour la mettre en place ? 

Nous avons fait nos petites recherches : on vous dit tout pour rester opérationnels.

Reminder : qu’est-ce que l’UX Research ?

L’UX Research (ou recherche utilisateur) est une discipline de l’UX design qui vise à analyser les besoins et les usages des utilisateur·rice·s grâce à différentes méthodes :  observation, entretiens ou encore tests.

Chez Wedo, nous pensons même qu’il n’existe pas de bon design sans UX Research. En effet, à l’aide des sciences cognitives et des sciences humaines, les UX researchers sont capables d’analyser et surtout de comprendre le comportement des utilisateur·rice·s finaux afin de leur proposer un produit ou un service adapté. 

Outre la garantie d’une meilleure expérience utilisateur, l’UX Research permet notamment de réduire le temps et les coûts de production, de détecter et corriger dès le début les frictions éventuelles ou encore de fidéliser les utilisateur·rice·s.

Focus sur 

le ROI de l’UX Research

  • Dès 2000, le N/N Group démontrait que interroger seulement 5 utilisateur·rice·s peut mettre en exergue 85% des problèmes d’usabilité ;
  • Selon PWC, aux États-Unis, 32% des client·e·s n’hésitent pas à abandonner une entreprise après seulement une mauvaise expérience ;
  • Selon des études de Susan Weinschenk, psychologue comportementaliste, corriger un bug après développement coûterait 100 fois plus cher que de le faire à l’étape du design ;
  • Toujours selon Susan Weinschenk, les développeur·euse·s passent 50% de leur travail à corriger des bugs ;
  • Le taux de conversion d’un site avec une “excellente expérience utilisateur” peut-être 4 fois plus élevé qu’un site dont l’UX fait défaut, selon une étude de Forrester ;
  • Selon le rapport State of User Research 2022, 14% des chercheur·euse·s rémunèrent leurs participant·e·s avec des offres sur les produits ou services de l’entreprise concernée par l’étude, l’occasion d’acquérir une nouvelle clientèle ;
  • D’après Forbes, chaque dollar investi dans l’UX Research rapporte en moyenne 100 dollars ;

Introduction à la ResearchOps

Au cours de leurs recherches, les UX researchers sont amenés à récolter et à analyser des centaines (parfois des milliers) de données à la fois qualitatives et quantitatives. La ResearchOps a alors pour but de les soutenir dans cette démarche grâce à la mise en place de différents actions : 

  • standardiser les méthodes de recherche et des documents supports : scripts, templates, formulaires de consentement, etc. ; 
  • recruter et gérer les participant·e·s de recherche ;
  • s’assurer que l’éthique de la recherche est respectée de manière individuelle par les chercheur·e·s ;
  • sensibiliser les partenaires des équipes UX Research, ainsi que l’exécutif sur l’importance et la pertinence des travaux de recherche ;
  • gérer et classifier les résultats des recherches afin de les rendre accessibles à tou·te·s ;
  • communiquer sur les résultats et les réussites de l’UX Research et veiller à ce que son impact global soit connu de tou·te·s.

Tout comme le DesignOps, la ResearchOps est donc avant tout une démarche centrée sur l’humain qui cherche à améliorer l’expérience collaborateur des UX Researchers.

Les piliers de la ResearchOps

Selon N/N Group, la ResearchOps s’articule autour de 6 points qui interagissent entre eux : le panel, l’administratif, les connaissances, les outils, les compétences et la promotion ou sensibilisation.

Shéma Les 6 piliers de la ResearchOps - Wedo Studios

1. La gestion des participant·e·s : un processus rigoureux

La gestion du panel de recherche est un élément essentiel de la ResearchOps : il s’agit de créer un processus efficace, durable et éthique pour recruter, interroger, rémunérer ou encore communiquer avec les participant·e·s. 

Cela passe notamment par : 

  • la création d’une base de données de participants potentiels ;
  • la recherche et la prise de contact avec les participants ou la sélection de plateformes de recrutement externe ;
  • la sélection et la validation des participants ;
  • la mise en place d’un système de rémunération des participants, selon leur expertise, le temps consacré à l’étude, etc.

2. L’administratif : naviguer entre les réglementations internationales

Ici, il s’agit de la gestion du consentement et de la confidentialité des participant·e·s selon la réglementation en vigueur dans le pays et le secteur dans lequel s’effectue l’étude.

Cette étape passe alors par : 

  • la recherche et la compréhension des réglementations liées à la collecte de données, comme la RGPD en France ;
  • la création de modèles de formulaires de consentement et/ou de confidentialité, rapidement accessibles et adaptables à divers types d’étude ;
  • la préservation et la destruction des données ou des artefacts des études comme les scripts d’entretien, les enregistrements audio, etc.

3. L’organisation des connaissances

Lorsque les données de recherche s’accumulent, il devient rapidement nécessaire de créer un système de gestion et de classification de toutes ces connaissances. Cela permet de les partager plus facilement pour notamment éviter de répéter des études mais également pour former les équipes.

Cela se traduit par : 

  • la conception de modèles standardisés pour la collecte de données ;
  • la création d’une base de données avec les résultats de recherche accessible par l’ensemble de l’équipe ;
  • la mise en place de points réguliers afin que les membres de l’équipe partagent leurs insights et s’informent de l’avancement du protocole de recherche ;
  • la coordination avec d’autres départements tels que le marketing, le développement ou encore la communication pour avoir le plus d’informations.

4. Trouver les bons outils

Toutes les étapes mentionnées ci-dessus suggèrent la sélection de logiciels et de plateformes adéquats. Un audit des différents outils de recherche est nécessaire pour créer une certaine homogénéité au sein de l’équipe et pour optimiser le partage et la collaboration.

Afin de  faciliter l’organisation du travail, les outils sélectionnés doivent bien sûr respecter la réglementation sur la protection des données, être maîtrisés par l’ensemble de l’équipe et les codes et autorisations d’accès facilement doivent être récupérables.

Parmi les outils les plus intéressants testés par notre équipe, nous  pouvons citer : 

  • Concordnow, pour la gestion de formulaires et de signatures en ligne ;
  • la méthode de l’atomic research, pour la gestion des connaissances de  recherche grâce aux logiciels comme Airtable, Notion ou encore Dovetail ;
  • UserZoom, pour réaliser des entretiens ou pour effectuer des recherches quantitatives ;
  • les outils tels que Google Analytics ou ContentSquare, pour analyser et enregistrer le comportement des utilisateurs sur une interface ; 
  • Miro ou encore Figjam, pour la collecte et le partage de données.

5. Développer les compétences en recherche

Selon le rapport State of User Research 2022, 35% des UX researchers interrogés se sont formés à l’UX research sur le tas et 77% sont issus d’autres domaines. Ainsi, il semble essentiel de permettre aux UX researchers de développer leur expertise mais surtout de former de nouveaux talents.

Il s’agit notamment de  : 

  • l’accès à des formations professionnelles pour les UX researchers souhaitant approfondir leurs connaissances ou acquérir de nouvelles compétences ;
  • la création d’une base de données des anciens projets et surtout des méthodologies employées ;
  • la mise en place de réunions ou de formations pour exposer les équipes non-UX researchers à la recherche.

6. Sensibiliser à l’UX Research : la légitimation

L’UX Research étant une discipline relativement récente (selon le rapport State of User Research 2022, seulement 25% des UX researchers interrogés avaient plus de 10 ans d’expérience), il est primordial de démontrer sa valeur au reste de l’organisation, en particulier à l’exécutif. 

Comme développé précédemment, les différents aspects de la ResearchOps s’influencent entre eux, à travers un mouvement cyclique. Ainsi, la promotion de l’UX Research est fondamentale pour garantir la continuité, et plus concrètement, le financement des autres aspects.

Cette promotion passe par : 

  • la rédaction de projets étendards pour faciliter l’appropriation et permettant de traduire les résultats et l’impact de l’UX research sur les performances de l’entreprise ;
  • la mise en place de réunions ou même de rencontres informelles pour partager des success stories ou des idées au reste de l’organisation. Chez Wedo, par exemple, nous organisons un goûter d’équipe tous les mois pour discuter des projets et des méthodologies les plus intéressants.
Formation UX Research - Wedo Studios

Wedo Studios propose de former vos équipes à l’UX Research

La ResearchOps ou comment valoriser l’épanouissement des chercheur·euse·s

Au cours de leurs missions, les UX researchers sont ainsi  amenés à gérer différents types de tâches qui ne relèvent pas forcément de la recherche. Entre la gestion des participant·e·s et toutes les formalités administratives que cela implique, l’organisation des nombreuses données récoltées ou encore la nécessité de légitimer leur discipline auprès des directions, les UX researchers peuvent vite être débordés.

L’objectif du ResearchOps est alors de faciliter et d’opérationnaliser ces différents aspects de l’UX Research : grâce à des process standardisés, la sélection d’outils simples et accessibles mais surtout, l’accompagnement des équipes dans leur formation et leur évolution.

Ainsi, le ResearchOps est avant tout une démarche qui vise à améliorer l’expérience collaborateur des UX researchers. Comme souligné dans notre article sur le sujet : des collaborateur·rice·s épanoui·e·s, valorisé·e·s, moins débordé·s et moins stressé·e·s fourniront un meilleur travail et seront plus aptes à faire preuve de créativité pour améliorer leurs résultats.

Dans le cas des UX researchers, c’est la garantie d’une expérience utilisateur optimale et par conséquent d’un impact positif  pour l’entreprise.

Research Ops : le cas Airbnb en 7 points

Research Ops : le cas Airbnb en 7 points 2883 1533 Wedo studios


Research Ops : le cas Airbnb en 7 points

En janvier s’est tenu un événement réunissant 4 anciens responsables ResearchOps du géant de la location entre particuliers : Wyatt Hayman,  Joey Encarnacion, Eva Frieden et Tim Toy.

Lors de cet événement, le quatuor à l’origine de la mise en place du ResearchOps (ou ReOps) chez Airbnb, a couvert différents sujets que nous vous résumons ici : des solutions apportées aux points de friction pour les UX researchers en passant par le scaling up de la recherche et son impact. 

Retour sur le cas Airbnb, et on vous dit ce qu’on en pense en conclusion !

Once upon a time, in 2008

À ses débuts en 2008, Airbnb compte une équipe de 40 UX researchers, soutenue par une seule personne chargée des opérations de recherche. Un ratio de 1:40 qui a conduit à ce constat sans appel : il faut réorganiser la recherche en mettant en place une équipe dédiée à l’opérationnalisation des études, notamment pour faire face à la croissance rapide de l’entreprise et permettre de produire de la recherche de qualité dans de bonnes conditions. 

Tim Toy – ex Research Operations Manager – évoque notamment la dispersion des responsabilités et le flou organisationnel que cela engendrait pour l’équipe d’UX researchers : “Nous voulions nous assurer que chaque personne soit facilement identifiable, par son rôle attribué et les responsabilités qui en découlent”. Ainsi est née la ReOps de la plateforme.

1. Par quoi commencer ? Les pain points !

La tâche peut sembler colossale, par quoi commencer ? Joey Encarnacion – ex Program Manager, Experience Research Operations – a choisi de débuter en s’intéressant aux tâches perçues comme étant les plus rébarbatives par les UX researchers, ces fameux pain points récurrents dans leur expérience collaborateur

Il a identifié différents points, induits par un travail de recherche majoritairement effectué sur le terrain : 

  • partir à la découverte de nouveaux endroits ; 
  • transporter du matériel et des équipements lourds ; 
  • ne pas avoir ce matériel à disposition lorsque nécessaire, sans savoir à qui s’adresser pour y remédier ;
  • passer beaucoup de temps à discuter avec des inconnus ; 
  • la pression d’avoir les images et supports nécessaires en fin d’atelier ;
  • prendre des notes pour pouvoir ensuite les restituer aux parties prenantes.

Conclusion numéro 1 : alléger le poids de la logistique matérielle qui, bien qu’incontournable, peut s’avérer pesante et chronophage. Un gain de temps qui a permis aux UX researchers de se concentrer sur leur travail de recherche.

Eva Frieden – ex UX Research Operations – ajoute qu’une question guidait constamment sa démarche ReOps : « Si j’étais UX researcher, qu’est-ce que je préférerais ne pas faire ? ». Elle a ainsi déterminé les processus qui pouvaient être fluidifiés par le ReOps pour accompagner les chercheurs : apporter une aide pour la construction des plans de recherche, recruter les participants ou gérer le paiement des indemnités.

2. La nécessaire réorganisation des équipes

En un an, l’équipe a mis en place le projet en plusieurs étapes : recrutement d’UX researchers supplémentaires en cohérence avec la croissance de l’entreprise, attribution de rôles définis et gestion de panels à l’échelle internationale. 

Des responsables de pôles ont été désignés pour encadrer et organiser les points stratégiques suivants dans toute les démarches de recherche : 

  • recrutement des participants ;
  • gestion du matériel de recherche et mise en place de kits de terrain ;
  • gestion de panels à l’échelle nationale (US) puis internationale ;
  • production des études. 

C’est ainsi qu’une équipe de 70 personnes a fait collectivement ses premiers pas dans la ResearchOps.

« Le ResearchOps oeuvre en coulisses et optimise ce que font les chercheurs pour les aider à gérer la masse de travail […]”. — Eva Frieden.

3. Créer une synergie

Pour accroître la transparence et la communication entre les équipes, une réunion hebdomadaire a été instaurée chaque lundi, afin d’amener les UX researchers des différents pôles  à échanger de manière régulière.

La ReOps a ainsi permis de créer une synergie par des discussions communes et des réflexions collectives sur des sujets variés s’intéressant à la recherche. Une démarche qui a contribué à désiloter les différentes équipes de chercheurs, à effectuer un suivi régulier sur les sujets essentiels et à accompagner les équipes dans leurs échanges avec leurs parties prenantes.

4. Passer le cap de l’international

Si Airbnb promet à ses clients des expériences locales partout dans le monde, atteindre des participants internationaux pour ses études était difficile, notamment à cause de la barrière de la langue et des législations propres à chaque pays. 

En 2015, Wyatt Hayman – ex responsable de programme dans l’équipe de recherche – a initié une itération à partir du panel américain, afin de créer le panel de la communauté internationale d’Airbnb et permettre des recherches qualitatives, multilingues et globales. 

Il a mis en place un système de traduction qui permet aux chercheurs de poser des questions à des marchés qui étaient peu exploités et de pouvoir comprendre les retours. Airbnb pouvait ainsi proposer des expériences différenciantes à ses utilisateurs, tout en restant alignée avec les valeurs qui la portent : faire “Vivre une expérience locale” et  créer une “Appartenance globale”, la fameuse communauté Airbnb.

5. Faire face au scaling-up

Croître de manière rapide et durable a impliqué d’augmenter le nombre de ReOps en proportion du nombre croissant de chercheurs. Tim Toy insiste sur ce point, définir ce que signifie la notion de scaling up pour l’entreprise est alors essentiel, s’agit-il de : 

  • plus de recherche ? 
  • une recherche réalisée dans des délais plus courts ? 
  • plus de participants impliqués dans différents pays ?
  • augmenter le nombre de recruteurs ? 
  • construire un repository ? 

La réponse dépend de la structure et des objectifs qu’elle aura défini en amont. C’est au responsable de l’équipe ReOps de veiller à ce que cela soit compris par tous. 

6. La ReOps, une vraie valeur ajoutée sur le plan juridique

Au sein d’Airbnb, un petit groupe de chercheurs intéressés par les questions juridiques et les différentes réglementations internationales a été mis en place. Ce pôle du ReOps a pour objectif de répondre aux nombreuses évolutions réglementaires, comme le RGPD, qui peuvent s’avérer déroutantes pour les équipes et les UX researchers. 

Il en a découlé la création d’une Compliance Alliance (charte de conformité adaptée aux différents marchés internationaux d’Airbnb). Cela permet de garantir une recherche éthique et conforme, ce qui est en général, un point d’inquiétude pour les chercheurs  car il implique notamment le respect de l’anonymat des participants et de la confidentialité des données récoltées pendant la recherche. C’est une charge de travail importante, qui se trouve soulagée par cette initiative du ReOps, mais qui permet aussi d’éviter procès et amendes, en cas de non-respect de ces éléments essentiels. 

Un bon point pour la ReOps, qui peut justifier de son impact positif sur les enjeux stratégiques de l’entreprise, au-delà de l’organisationnel et de la logistique.

7. De l’importance de monitorer et de communiquer

Obtenir les ressources et les effectifs nécessaires à une recherche de qualité, requiert de justifier ces demandes auprès des décideurs. Cela passe par des metrics et KPIs qui donnent de la visibilité sur l’impact de la recherche. C’est l’une des fonctions du ReOps. 

Du côté d’Airbnb, un tableau de bord permettant d’évaluer et quantifier l’impact du ReOps dans le temps, a été mis en place : 

  • il comprend différents metrics : nombre d’études, de participants, de pays, par exemple ;
  • cela permet d’avoir des leviers pour défendre la démarche ReOps auprès de l’exécutif ;
  • avoir des KPIs concrets permet aussi d’échanger avec les UX researchers sur ce qui doit être amélioré et anticiper les actions à mener.

ll s’agit donc à la fois de promouvoir l’efficacité de la recherche, mais aussi de légitimer l’existence d’une ReOps au sein de la structure en apportant des preuves chiffrées. Initier une démarche ReOps, implique d’identifier les attentes et de définir les objectifs dès le début. Il peut alors être judicieux de mettre en place des ateliers, permettant à chacun de comprendre le rôle de la ReOps.

Pour vous familiariser avec la ResearchOps, découvrez la démarche et ses principes ici.

Pourquoi adopter la ReOps ?

Selon Tim Toy, Eva Frieden, Wyatt Hayman et Joey Encarnacion, aujourd’hui respectivement en charge de la ReOps chez Adobe, HelloFresh, Faire et Twitch, voici les principaux bénéfices de la ReOps :

  • améliorer la rétention des UX researchers, favorisée par des processus fluides qui améliore leur expérience collaborateur ;
  • soulager les chercheurs des tâches pesantes, c’est réduire leur stress et favoriser leur épanouissement ;
  • améliorer, par extension la qualité de la recherche menée, en faisant de la “bonne” recherche ;
  • éviter les poursuites en justice pour non-respect des législations, de la protection des données ou de la confidentialité, un point sensible pour tout UX researcher et sa structure.

Do you Ops ?

Si le bilan ReOps d’Airbnb semble largement positif, nous nous questionnons plus généralement  sur la communication avec les autres départements de l’entreprise qui interviendraient hors du périmètre Ops : par exemple, est-ce que désiloter la recherche et ses équipes par de la ReOps a aussi facilité la communication avec les équipes du DesignOps ?

La mise en place d’une telle démarche semble assez tributaire de la maturité de la structure et des moyens qui y sont alloués. Le scaling up fulgurant d’Airbnb a certes accéléré la mise en place d’une ReOps, mais les  entreprises sont-elles prêtes à adopter la démarche sans y être contraintes ?

Enfin, nous rejoignons Joey Encarnacion, sur ce point de vigilance : la ReOps doit veiller à ne pas véhiculer un discours prônant une “démocratisation” de la recherche. C’est-à-dire l’idée que la recherche, grâce à des processus fluidifiés, en deviendrait accessible à des non chercheurs, à savoir des non experts de la Recherche Utilisateur. 

Rétention utilisateur : la puissance de la récompense

Rétention utilisateur : la puissance de la récompense 2883 1533 Wedo studios


Rétention utilisateur : la puissance de la récompense

Attirer les utilisateurs, les retenir en leur proposant une expérience d’usage fluide, attractive et qui répond à leurs besoins, permettant ainsi de les fidéliser, tel est l’enjeu auquel doit faire face tout UX designer.

Au-delà des objectifs purement marketing, la rétention est une conséquence directe d’une expérience utilisateur·rice réussie. Il s’agit à la fois de répondre aux besoins de l’utilisateur, de venir à bout des pain points, et de le récompenser en s’appuyant sur ses biais cognitifs. Pour retenir l’utilisateur·rice (et surtout son attention), éviter les distractions est la clé. Une véritable économie de l’attention a émergé avec les réseaux sociaux et la production toujours croissante de contenus numériques et d’applications.

Un art dans lequel TikTok est passé maître, la plateforme a indiqué en 2022 que 35% de ses utilisateurs passent moins de temps à regarder la télévision ou du contenu vidéo depuis qu’ils utilisent l’application. Tik Tok ajoute même : “Nos utilisateurs sont connectés de manière unique à l’expérience TikTok, avec 46 % d’interactions avec du contenu sur TikTok sans distractions ni multi-écrans.”

Une boucle addictive définie par Nir Eyal et son Hook model en 2013. Restez avec nous pour la suite, votre curiosité sera récompensée !

Rétention  et cognition

Peut-on parler de rétention sans évoquer brièvement la mémoire ? La rétention s’appuie sur différents biais cognitifs de l’utilisateur·rice, mais aussi sur sa mémorisation et sa remémoration de ses expériences passées, dont celle,  initiale, de l’onboarding.

Dans la démarche de rétention utilisateur·rice, deux acceptions du terme se rencontrent alors : 

  • Du côté des designers, il s’agit de penser éléments de conception, des algorithmes ou des parcours visant à  “retenir” (maintenir) l’utilisateur·rice sur le produit, mais aussi à l’y faire revenir.
  • Du côté de l’utilisateur·rice, il s’agit de cognition : “retenir” (mémorisation et mémoire à court terme) les étapes-clé de son parcours et les différentes fonctionnalités, afin d’assimiler l’usage du produit, lors de la phase d’onboarding (découverte et prise en main d’un nouveau produit, service, fonctionnalité par l’utilisateur·rice). La cognition est le processus par lequel un organisme acquiert la conscience des évènements et objets de son environnement. A l’issue de cette phase de découverte, l’usage du produit doit à court terme, mener à la satisfaction de l’utilisateur·rice.

Hooked : la rétention par Nir Eyal

En 2013, l’auteur et conférencier Nir Eyal publie Hooked: How to Build Habit-Forming Products, un ouvrage où il décrit les techniques utilisées dans les domaines du jeu vidéo et de la publicité pour créer des habitudes d’usage addictives chez l’utilisateur·rice. Le Hook Model est né !

“Accrocher” l’utilisateur·rice, pour le fidéliser, c’est là toute la finalité du Hook Model. 

Si le modèle est utilisé par les réseaux sociaux et les dark patterns, il n’en reste pas moins intéressant à analyser. 

L’auteur souligne que contrairement à la publicité, la rétention et l’engagement utilisateur ne peuvent s’acheter, ils doivent donc être intégrés dès la conception du produit. Les récompenses jouent alors un rôle majeur dans la rétention. Nir Eyal identifie 4 étapes qui balisent le Hooked Model : 

Illustration hook model - Wedo Studios

Hook model de Nir Eyal in : Hooked: How to Build Habit-Forming Products

1. Trigger :

Le déclencheur est selon Eyal un évènement qui encourage quelqu’un à agir. Cela peut-être un déclencheur externe provenant de l’environnement, comme une sonnerie, un “ding”, une alerte quelconque incitant à l’action. Le déclencheur interne relèverait lui, du désir d’échapper à son état émotionnel (état inconfortable), nous retrouvons là les biais cognitifs de l’utilisateur·rice.

2. Action :

C’est un comportement guidé par l’anticipation d’une récompense. Ex : l’ouverture de l’application, le défilement de flux, le monitoring sur le tableau de bord, ou encore, la lecture d’une vidéo. Plus l’action est simple, plus l’utilisateur est susceptible de l’accomplir.

3. Reward :

La récompense en français, il s’agit de l’étape où l’utilisateur·rice obtient ce pour quoi il·elle utilise le produit/service/app, engendrant sa satisfaction. Très utilisée dans les applications de jeux, sous forme de points, ou de bonus à collecter (quête), la récompense peut prendre différentes formes, parfois empruntées aux codes de la gamification. Elle peut se matérialiser aussi à travers l’UX writing ou un coach virtuel, figuratif ou non, qui accompagne l’utilisateur·rice dans son parcours.

4. Investment :

L’utilisateur (s’)investit dans le produit, par un abonnement, un feedback, ou la collaboration comme par exemple sur l’application de navigation Waze, qui incite chaque utilisateur à signaler des évènements sur son trajet, rendant ainsi le produit meilleur la prochaine fois qu’il va l’utiliser.

Focus sur 

les récompenses

Ce modèle vous parait simple ? Nir Eyal y ajoute un ingrédient selon lui fondamental : la variabilité, explicitée dans les années 1950 par le psychologue BF Skinner dans son calendrier variable de récompenses. 

Ce constat s’appuie sur ce que Eyal appelle une “bizarrerie cognitive” : l’addiction à la récompense est plus forte lorsque cette dernière est intermittente, ou variable. Les utilisateurs, assoiffés de prévisibilité se trouvent confrontés à une variabilité qui les incite à la concentration, afin de ne pas manquer une potentielle récompense.

Cet état de concentration, voire de transe selon Eyal, est perçu par les cerveaux humains comme amusant, car il induit un état de recherche sans fin (le désir) boostant notre dopamine, ce neurotransmetteur communément appelé l’hormone du bonheur. C’est le principe de la progression graduée théorisée par Skinner. Une fois dans cet état, l’utilisateur·rice est moins susceptible d’accorder son attention à des distractions extérieures et optimise sa capacité d’apprentissage (nécessaire dans l’onboarding).

3 types de récompenses :

  • Les récompenses de la tribu : en tant que descendants de chasseurs-cueilleurs, notre cerveau est toujours en quête de récompenses qui nous font nous sentir acceptés, intégrés, importants, attirants, boostant un sentiment d’appartenance à la tribu. La validation sociale potentiellement générée (variable donc) à chaque tweet, publication ou interaction sur les RS, explique le succès des plateformes.
  • Les récompenses de la chasse : cette récompense joue sur notre besoin individuel d’acquérir des biens matériels de toutes sortes (nourriture, peaux, et mammouths en leur temps). La chasse aux produits (trésors) est un paramètre intégré dans les plateformes comme Vinted, Pinterest, Ebay, Etsy, les avis Google… c’est la chasse aux bonnes affaires et aux informations.
  • Les récompense de soi : elle nourrit notre satisfaction personnelle et s’appuie sur l’attrait pour de nouvelles stimulations sensorielles (comme les néons à Las Vegas). Cette récompense s’appuie aussi sur notre besoin de contrôler, de relever des défis, c’est pour cela que de nombreuses applications en tout genre promettent des résultats à l’issue d’un programme sur plusieurs semaines. Tout du long de cette durée interviennent calendriers, listes de tâches, validation d’étapes, exercices à heures fixes choisies par l’utilisateur, c’est tout un design du monitoring dans le temps qui est proposé à l’utilisateur, pour le retenir dans la durée.

Quelques exemples de déclencheurs UX (triggers)

  • Nécessité et besoin :  il s’agit d’un déclencheur de base, un argumentaire de vente simple : “voici ce dont vous avez besoin (produit, service,application) et voici comment l’acheter”. On retrouve ici la fameuse “promesse” qui est à la base du marketing : le bénéfice matériel que le vendeur propose à l’utilisateur à l’achat, puis à  l’usage de son produit.
  • Réciprocité (l’utilisateur reçoit quelque chose d’utile gratuitement) : assistance, consultation, essai routier, version de démonstration, histoire, manuel, recette, jeu, webinaire, vidéo, etc.
  • Storytelling et UX writing : le texte est un puissant déclencheur qui engage et encourage l’action.
  • Divertissement : l’un des déclencheurs les plus efficaces qui peut s’appuyer sur la gamification ou la ludification.
  • Les déclencheurs d’interface utilisateur, à travers le mouvement : l’animation, la gamification ou la vidéo, mais aussi tout élément dynamique : lignes, taches et formes de couleur, rythme, mise à l’échelle, progression, couleurs, luminosité, contraste, saturation.
  • Les sons :  alertes sonores ou mélodies.
  • La nouveauté : un nouvelle information, produit ou fonctionnalité, un produit attrayant conserve toujours un certain degré de nouveauté, de suspense et de variabilité).
  • La preuve sociale : la qualité d’un produit ou d’un service, attestée sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels, documents et certificats, appel à l’autorité, avis d’utilisateurs, preuves photo et vidéo.
  • Rareté :  elle peut jouer sur le FOMO (Fear of Missing Out), et se matérialise par exemple dans des promotions, offres, récompenses à durée déterminée.
Screenshot récompense Duolingo - Rétention - Wedo Studios

Exemple de récompense par la gamification sur Duolingo, l’application d’apprentissage des langues. Les gemmes à collecter sur la version mobile permettent d’acheter différentes options.

La puissance de la personnalisation pour fidéliser l’utilisateur

Nombreuses sont les applications requérant de la data fournie par l’utilisateur avec la promesse d’une hyper personnalisation du produit et du service. La finalité ? proposer une offre sur mesure qui se rapprocherait au plus près des besoins de l’utilisateur. L’onboarding est généralement le moment privilégié pour cette collecte d’informations.

Construire un parcours de personnalisation fluide, élégant et facile à répondre, stimule la rétention. Il est alors important de communiquer sur le fonctionnement de la collecte de données et ses bénéfices, afin d’inciter les utilisateur·rice·s à renseigner leurs informations.

Screenshot personnalisation Balance - Rétention - Wedo studios
Screenshot personnalisation Flo- Rétention - Wedo studios

Parcours de personnalisation des applications Balance (méditation) et Flo  (suivi menstruel et de grossesse entre autres).

Le temps, pilier de la rétention

Autre point fort de la personnalisation : le suivi des progrès au fil du temps est un puissant outil de rétention qui aide les utilisateurs à créer des rituels à travers des habitudes, des récurrences et des rappels. L’utilisation de Calendar design matérialise le temps et la durée, permettant ainsi aux utilisateur·rice·s d’anticiper leurs efforts à venir pour atteindre leurs objectifs. Notons également une UX  writing encourageante afin que l’application soit considérée comme un accompagnement positif au jour le jour.

Exemple de Calendar design sur l’application de méditation Balance

Comment mesurer la rétention ?

Mesurer la rétention revient à évaluer la capacité des utilisateur•ice•s à revenir sur un produit, et à réutiliser dans la durée des services fournis. L’enjeu se situe donc autant du côté des nouveaux à attirer, que des des utilisateurs fidèles à préserver. Pour la mesure de la rétention, différents metrics peuvent être utilisés : 

  • Déterminer une période de mesure, puis effectuer le calcul suivant : ((Nbre total de clients à la fin de la période – Nbre total de nouveaux clients à la fin de la période) / Nbre total de clients au début de la période) x 100
  • Le nombre de nouveaux utilisateur·rice·s intégrés sur une période donnée.
  • Le pourcentage de visiteurs réguliers.
  • La rétention  totale : c’est le pourcentage d’utilisateurs revenant chaque jour dans un intervalle donné, que ce soit une semaine, un mois ou même un an, en fonction du type d’application.
  • La rétention classique : le nombre d’utilisateurs récurrents un jour spécifique après le premier jour. Si le jour spécifique tombe le 10e jour après l’installation et que l’utilisateur revient le jour 10, considérez-le comme des utilisateurs réguliers, qu’il ait utilisé l’application entre l’installation et le jour 9.
  • Le taux de désabonnement : plus il est faible plus les utilisateur·rice·s.

Le choix de ces variables dépend de l’entreprise et de ce qui est évalué : un support ou produit en particulier, de la définition d’un utilisateur régulier (quotidien ou non par exemple), des déclencheurs choisis et de la fréquence de leur utilisation. 

Pour être pertinent, le pourcentage de rétention devra être comparé bien entendu aux périodes précédentes, mais aussi au taux moyen dans le secteur ou l’industrie concernés. Selon Mixpanel, pour les produits du secteur des médias ou de la finance, un taux de rétention supérieur à 25% sur huit semaines est un objectif raisonnable. Un taux supérieur à 35% est à viser pour les industries SaaS et de commerce électronique.

La rétention pour créer des habitudes positives ?

Si Nir Eyal, explicite la puissance du système de récompenses pour créer de la rétention, il note que les entreprises technologiques, en créant de nouvelles habitudes d’usage se doivent de concevoir des produits alignés sur les intérêts de leurs utilisateur·ice·s. Mieux comprendre ce qui les poussent à agir, permettrait de nous aider collectivement à mieux contrôler nos comportements induits par la technologie.

Un vœu pieu ? La question reste en suspens lorsque l’on s’intéresse aux réseaux sociaux, et au plus influent d’entre eux TikTok, qui semble inspiré du Hook Model :  l’algorithme procède à une analyse poussée des habitudes de visionnage de l’utilisateur•rice afin de lui proposer en alternance (variabilité donc), des vidéos qui collent à ses goûts, mais aussi des vidéos différentes (récompense) qui produisent un effet de surprise, incitant au scrolling sans fin (quête). Une utilisation addictive signalée par les psychologues, notamment en ce qui concerne les utilisateur·rice·s les plus jeunes.

Comment faire du bon design conversationnel ?

Comment faire du bon design conversationnel ? 2883 1533 Wedo studios


Comment faire du bon design conversationnel ?

Le monde de l’IA conversationnelle est en effervescence : vous n’avez sans doute pas échappé à l’avènement de ChatGPT, ce modèle de langage capable de converser, de rédiger des mémoires, d’écrire des paroles de chansons… inquiétant ?

On vous rassure, ce n’est pas encore demain que l’IA nous asservira tous. On déconstruit quelques idées reçues et on vous explique comment le design conversationnel dépasse l’idée de la conversation humain-machine, avec Maaike Coppens, experte passionnée du sujet, conférencière et auteure du riche ouvrage Design conversationnel – Chatbots, phonebots, assistants vocaux…  

Le design conversationnel ne se résume pas à ces outils appuyés, entre autres, sur l’IA. La discipline se fonde avant tout sur l’architecture de la conversation et des messages, c’est ici qu’interviennent alors les designers en conception de produits conversationnels. Ces experts travaillent en étroite collaboration avec l’entreprise pour concevoir des réponses aux questions de leurs utilisateur·rice·s, tout en portant les messages de la structure auprès de ses publics.

Rejoignez notre conversation !

Converser, oui, mais comment ?

Nous avons demandé à Maaike Coppens comment elle définirait le design conversationnel de manière accessible. Selon elle, deux questions en apparence simples guident la démarche, à l’image des conversations que l’on peut avoir dans la vie de tous les jours avec ses pairs : de quoi va t-on parler et comment ? 

Plus précisément, il s’agit de la conception de conversations fluides et naturelles entre humain et machine. Le designer conversationnel va réfléchir en amont aux sujets à aborder, mais aussi à la manière de le faire. En tant qu’organisation cela revient à se demander : de quoi veut-on parler avec nos utilisateur·rice·s et de quelle façon voulons-nous en parler ?

Ce domaine du design est multidisciplinaire et va articuler différentes méthodes issues de l’UX design, de la linguistique, de la psychologie, du motion et du graphic design, afin d’analyser, modeler puis fluidifier les conversations entre l’humain et la machine.

Dans un deuxième temps intervient une phase d’analyse, pour comprendre comment s’est déroulée la conversation après l’implémentation et améliorer encore la fluidité des échanges.

Faire du “bon” design conversationnel

Maaike Coppens identifie trois grandes phases en plusieurs étapes, qui structurent le travail du designer : 

  • L’analyse de conversation en utilisant par exemple l’immersion pour une analyse de conversation en temps réel avec des agents humains.
  • La conception de la conversation à proprement parler en employant différentes méthodologies pour : 
    • interviewer avec les décisionnaires de l’organisation et les utilisateur·rice·s afin de déterminer les sujets à aborder ;
    • construire l’architecture de conversation (modèles et types de conversations, arcs narratif et conversationnel) ;
    • définir l’identité et la personnalité du bot : figuratif ou non, sous forme de logo,  genré ou non, etc. Cette étape peut passer par l’établissement d’un persona conversationnel pour aider à définir la marque conversationnelle, le tone of voice du bot en fonction du cas d’usage et des circonstances (plainte client ou démarche de vente par exemple), mais aussi ses valeurs et sa voix ;
    • l’UX writing, vient ensuite,  essentielle à la réussite d’une expérience conversationnelle selon Maaike Coppens, afin d’apporter de la cohérence à l’ensemble des messages et échanges.

Les étapes précitées participent au modelage du design d’expérience de l’utilisateur·rice·s, à travers les options de conversations qui lui sont offertes.

  • Vient enfin une phase de fluidification continue, afin d’améliorer la conversation et d’optimiser le modèle conversationnel en s’appuyant sur l’AB testing, les test d’usabilité à distance et en situation ainsi que sur l’analyse – des plateformes existantes, des parcours conversationnels standards et de ceux qui sont caduques.

Et l’UX dans tout ça ?

Elle est bien présente, car le design conversationnel reste user centric. L’UX intervient notamment en phase deux, à travers l’UX research, pour comprendre les utilisateur·rice·s finaux à l’appui  de focus groupes, d’interviews, de psycholinguistique. 

Cette étape permet d’analyser les besoins de l’utilisateur·rice, ses usages linguistiques, de comprendre son environnement (contexte) de définir son parcours sur l’interface pour concevoir son parcours conversationnel. Nous retrouvons alors le persona utilisateur.ice, que les insights issus de la phase de recherche permettront de définir, mais aussi d’aider à la rédaction des scénarios conversationnels et de l’UX writing.

Conception itératif - design conversationnel

Cycle de conception itératif (in : « Design conversationnel – Chatbots, phonebots, assistants vocaux… » )

IA, technologie et design conversationnel

Le design conversationnel a pour finalité de concevoir l’expérience conversationnelle en s’aidant notamment des possibilités – de plus en plus impressionnantes – offertes par la technologie. Nous pensons aux modèles de langages larges (LLM), dont fait partie GPT 3.5, la dernière version de ChatGPT conçue par OpenAI. On vous explique !

Le cas des chatbots 

Le fonctionnement des chatbots – interfaces conversationnelles textuelles en bon français – peut se baser : 

  • Sur des règles de conduite afin de guider l’échange de questions/réponses entre l’humain et la machine : si l’utilisateur·rice dit A, le bot répond B. Cela peut se faire via une interface visuelle, comme une page web ou une application. Ces choix de conception s’effectuent en amont à l’aide d’un arbre de décision. 
  • Le traitement du langage naturel. Il s’agit d’un modèle où, sur la base de datasets (jeux de données), et potentiellement du machine learning, la machine va classifier ce qui est dit par l’utilisateur·rice·s – puis chercher à formuler une réponse. Cette réponse peut être préétablie et écrite par le designer conversationnel (UX writing), provenir d’une base de données ou bien encore, dans le cadre de modèles de langages larges (LLM) être générée par l’IA même. Dans ce cas, on parlera de génération du langage naturel.
Agents conversationnels

Différents agents conversationnels : ChatGPT, Siri, Alexa, Ouibot, LamDA

Le cas de ChatGPT

ChatGPT sait converser sur une large gamme de sujets généraux. Cela s’appelle le Large Model Language (LLM). Cela grâce à un machine learning (apprentissage de connaissances antérieures) nourri par une immense base de données. Ce corpus dithyrambique se base sur la façon réelle de parler des humains, des conversations du quotidien aux rapports officiels. La finalité en est de pouvoir entretenir des conversations avec les utilisateur·rice·s sur des sujets variés. 

ChatGPT_Diagram_FR

Le fonctionnement de ChatGPT par OpenAI grâce au machine learning (traduit par nos soins).

Les résultats sont impressionnants, mais Maaike Coppens nuance : ChatGPT sait certes générer des réponses contenant des informations explicites et factuelles, mais sans aucune notion de sens implicite, de ce qui est réel ou non. Sur la base de connaissances apprises, il ne sait pas avoir de conversation passionnées.

Coppens ajoute qu’aujourd’hui, ces modèles de langage et d’AI, n’ont pas la connaissance poussée d’un domaine spécifique ou d’une organisation par exemple, ils ne disposent pas d’expertise métier et ne peuvent donc pas prendre de décision stratégique, ils constituent cependant :

  • Une aide à la rédaction qui peut être impressionnante ;
  • Une aide à la recherche documentaire et à la génération d’idées sur un sujet ;
  • Ils sont capables de converser sur une variété assez large de sujets généraux.

Coppens précise que si ChatGPT pourrait être perçu comme un moteur de recherche, il ne dispose pas d’une hiérarchie claire, sourcée et actualisée des résultats. Un point à garder à l’esprit lorsque l’on sait que le dataset (jeu de données employé en machine learning) de ChatGPT est borné à l’année 2021  : Ce n’est pas un substitut à Google, le but d’un outil comme ChatGPT c’est la conversation, grâce à l’entraînement du modèle à converser avec l’utilisateur·rice·s sur des sujets variés. C’est pour cela que l’outil est ouvert au public afin de développer la recherche et l’état de l’art sur le sujet.

Le conversationnel pour améliorer sa CX

Les entreprises sont confrontées à l’injonction de plus en plus pressante d’être constamment joignables par leurs client.e.s et utilisateur·rice·s. L’utilisateur·rice entend en effet pouvoir faire des démarches en dehors de ses heures de travail lorsqu’il est lui-même disponible, sans se heurter à la désagréable expérience de n’arriver à joindre personne. 

Si l’IA conversationnelle est une solution plus explorée qu’auparavant par les entreprises, c’est aussi dans une démarche d’amélioration de la CX : pour qualifier des leads avant la mise en relation, diminuer le nombre d’appels à des services client parfois saturés… Ces points de friction (et de frustration !), si ils sont anticipés à l’aide du design conversationnel, permettent d’améliorer l’expérience client de façon significative en permettant à l’utilisateur·rice·s une autonomie maximum avant de solliciter un agent.

Le design conversationnel s’articule ainsi dans un projet plus global et stratégique de l’entreprise, qui est celui de sa mise en corrélation avec les attentes de l’utilisateur·rice·s (questions sans réponses, par exemple). L’objectif ? fluidifier les échanges entre une organisation et l’humain, au-delà de la conversation humain-machine.

L’IA conversationnelle, une menace pour les designers ?

Pas vraiment selon Maaike Coppens. Parfois confondus avec les copywriters (concepteurs-rédacteurs), les designers conversationnels peuvent aider à la prise de décision au-delà de la rédaction des prompts, ces questions ou réponses suscitant la réponse de l’utilisateur·rice·s et constitués d’une ou plusieurs phrases. 

L’IA conversationnelle n’est à ce jour par capable de comprendre la logique business de l’entreprise ou de définir les objectifs stratégiques de cette dernière, à travers une application conversationnelle à destination de ses clients.

Exemples de décisions stratégiques qu’un modèle de langage ne peut pas (encore) prendre : 

  • Connaître les priorités de l’organisation ;
  • Définir en amont les questions auxquelles l’utilisateur·rice·s ne trouve pas de réponses ; 
  • Définir les sujets dont on va parler et identifier en quoi ils sont importants pour les utilisateur·rice·s ;
  • Instaurer des règles de conduite pour planifier et structurer la conversation ;
  • Identifier les améliorations et actions qui vont permettre de fluidifier les échanges entre l’humain et la machine ;
  • Acquérir une connaissance métier et secteur suffisamment poussée pour définir une stratégie de réponses.

Le conversationnel en 2023, ça dit quoi ?

En 2023, en contexte crisogène, il pourrait être tentant de mettre les projets design en sommeil, ou de déprioriser les budgets au profit du business first (attention ce n’est pas ce que conseille Forrester).

Maaike Coppens rappelle que l’esprit d’innovation s’épanouit sous la contrainte et les challenges ; selon elle, 2023 sera un terrain fertile pour des cas d’utilisation, non pour remplacer l’humain, mais pour un équilibre travail vie privée plus important (on vous en parle dans nos tendances 2023).

Quant aux évolutions notables du design conversationnel cette année, Coppens entrevoit : 

  • plus de stratégie et moins d’exécution standardisée pour plus d’efficacité et de justesse en réponse aux besoins de l’utilisateur.rice ;
  • toujours plus d’avatars humains digitaux – qui parleront de plus en plus conversationnellement – une tendance qui va croître technologiquement ;
  • des frameworks de conception qui prendront de plus en plus en en compte le contexte (de l’entreprise, mais aussi socioculturel, et l’environnement de l’utilisateur·rice·s) ;
  • des initiatives de recherche utilisateur·rice plus poussées afin de gagner en fluidité conversationnelle et permettre aux utilisateur·rice·s d’accomplir ce qu’ils étaient venus faire dans la conversation ;
  • le développement d’une mise en connexion optimisée entre l’utilisateur·rice et l’organisation à travers une logique conversationnelle.

Réinventer le dialogue avec l’utilisateur·rice

Selon Coppens, le conversationnel relève de “la psychologie humaine, de la perception de quelque chose ou de quelqu’un à travers la façon dont ils nous parlent, touchant ainsi à la corde sensible de l’interaction”.

Une conclusion lucide sur cet enjeu d’image pour les organisations, qui ne peuvent aujourd’hui ignorer le nécessaire dialogue avec leurs utilisateur·rice·s, sur leurs valeurs, initiatives, services, et même sur leurs prises de positions sociétales.

Jusque-là la communication digitale a été majoritairement verticale, imposant des messages à l’utilisateur·rice. Le conversationnel (démarche, IA), n’offrirait-il pas l’opportunité d’un échange à double sens, pour réinventer le lien avec l’utilisateur·rice sur les sujets qui l’intéresse ?

Retrouvez notre historique des agents conversationnels et notre expérience avec ChatGPT, ici.

Petit Lexique du design conversationnel

Le NLP

Le NLP (Natural Language Processing) ou traitement du langage naturel est “une discipline de l’intelligence artificielle visant à permettre aux machines de reconnaître, interpréter et générer le langage naturel humain.” (in : Design conversationnel : chatbots, phonebots, assistants vocaux… – Maaike Coppens). 

Il comprend différentes sous-catégories comme la NLU (Natural Language Understanding), qui s’intéresse à l’interprétation du langage humain, ou encore le NLG (Natural Language Generation), qui se concentre sur la génération de réponses en langage naturel, humain.

L’écriture conversationnelle

L’écriture conversationnelle est une manière d’écrire du contenu qui se rapproche d’une conversation informelle.

Dans son ouvrage, Maaike Coppens donne l’exemple d’un site web qui utiliserait la formule “J’y vais !” plutôt que le platonique “En savoir plus”.

Les small-talks

Expression anglophone, le small talk pourrait se traduire en français comme la compétence sociale de pouvoir engager la conversation ou de tenir des discussions légères. Dans le cas d’assistants conversationnels, il s’agit de leur capacité à répondre à des questions triviales.

Selon Maaike Coppens, le small talk est une fonctionnalité qu’il ne faut pas ignorer et toujours prévoir des réponses adéquates. En effet, quel que soit l’objectif de l’assistant (ludique ou fonctionnel), il faut attendre de l’utilisateur·rice qu’il ou elle pose des questions de ce type – ne serait-ce que par simple curiosité.

Les prompts

Le prompt fait référence aux interactions (textuelles ou vocales) du système conversationnel avec l’utilisateur·rice. On distingue notamment les prompts informatifs (réponse à une question), les prompts de confirmation (rassurer l’utilisateur·rice) ou encore les prompts interrogatifs (questionner l’utilisateur·rice pour obtenir une information), etc 

Le persona conversationnel

Le persona conversationnel sert à définir la personnalité et les traits de caractères de l’assistant conversationnel, c’est-à-dire la manière dont il sera perçu par l’utilisateur·rice.

Selon Maaike Coppens, il est important de faire un point sur les objectifs et surtout les  valeurs de l’entreprise car ils serviront à délimiter la personnalité du persona conversationnel. “[…] tout choix autour de la représentation conversationnelle de l’organisation [doit] partager les mêmes valeurs.”

Merci à Maaike Coppens, experte en conception de produits conversationnels, conférencière et auteure de renommée internationale pour nos échanges riches d’enseignements.

From Eliza to ChatGPT : historique des chatbots

From Eliza to ChatGPT : historique des chatbots 2883 1533 Wedo studios


From Eliza to ChatGPT : historique des chatbots

Les humains rêvent depuis longtemps de créer une intelligence artificielle en mesure de converser aussi naturellement qu’un humain. Nombreux sont les films créés autour de ce fantasme qui n’en n’est plus vraiment un : J.A.R.V.I.S dans Iron Man (2008), Gerty dans Moon (2009),  le film Her (2013) dans lequel Joaquin Phoenix s’éprend d’une IA ou plus récemment Kimi, un  serveur à commande vocale (2022).

Fin 2022, la réalité semble dépasser la fiction. ChatGPT ça vous dit quelque chose ?

Depuis son lancement en novembre dernier, le modèle de langage ChatGPT-3, est sur toutes les lèvres. Usbek & Rica lui a demandé de faire des prédictions pour 2023, tandis que L’ADN nous met en garde et que le New York Times incite les écoles à travailler avec le logiciel plutôt qu’à le bannir.

Avant lui, il y avait Siri et bien avant ça, il y avait Eliza, mère de tous les chatbots. Petit voyage dans le temps pour passer en revue l’évolution des chatbots, accrochez-vous !

Qu’est-ce qu’un chatbot exactement ?

Un chatbot (ou agent conversationnel) est un logiciel qui s’appuie sur l’intelligence artificielle pour converser avec l’humain. À l’origine, les chatbots fonctionnent en s’appuyant sur une base de données de questions et de réponses qui sont déclenchées grâce à certains mots-clés énoncés par l’humain. 

Mais ils ont depuis bien évolué. Les plus récents et les plus innovants, sont dotés de systèmes d’analyse du langage naturel (ou NLG-Natural Language Processing) qui leur permettent de comprendre encore mieux le langage humain et surtout de pouvoir mieux l’imiter.

Les premiers chatbots

Dans les années 50, l’ingénieur britannique Alan Turing rédige l’article Computing Machinery and Intelligence (Informatique et Intelligence) dans lequel il introduit le test de Turing : un Imitation Game pour les intelligences artificielles.

1950’s : l’Imitation Game de l’IA

Initialement, le jeu d’imitation, également créé par Turing, comprenait trois participants : un homme, une femme et un·e interrogateur·rice, dont l’objectif était de les identifier (sachant que l’un des deux avait pour but de l’induire en erreur).

Ainsi, le test de Turing consiste à tenter de différencier un humain d’une IA (imitant un humain), dans le but d’évaluer son niveau d’intelligence. Selon la barre fixée par Turing, si plus de 30% des juges sont convaincus par le logiciel, alors le test est réussi.

En 2014, l’IA russe Eugene Goostman avait été  annoncée comme la première à passer avec succès le fameux test. Par la suite, de nombreux experts ont rejeté la nouvelle. Selon eux, le fait que Eugene simule un enfant de 13 ans aurait biaisé les résultats des juges (plus prompts à laisser passer certaines erreurs de langage).

eugene-goostman - chatbot

1960’s : Eliza

Créée dans les années 1960 par Joseph Weizenbaum, Eliza simulait un psychothérapeute rogérien (approche réflective de la thérapie).  Révolutionnaire pour l’époque, l’IA aurait réussi à berner de nombreuses personnes, persuadées qu’elles se confiaient à un être humain.

En réalité, et contrairement à ses homonymes plus récents, Eliza n’était pas dotée d’un système d’analyse du langage. Elle était simplement capable d’identifier des mots-clés et de les reformuler sous forme de questions. 

Selon Weizenbaum, Eliza ne connaissait absolument rien du monde et donc ses questions semblaient assez objectives pour donner l’illusion d’une séance de thérapie rogérienne.

Conversation avec Eliza - chatbot

Eliza ne connaît rien du monde. Ainsi, les questions liées au monde extérieur sont sans succès.

Conversation avec Eliza - chatbot

Avec des prompts plus “personnels”, la conversation devient un peu plus fluide.

1995 : A.L.I.C.E

Inventé en 1995 par Richard Wallace, A.L.I.C.E (Artificial Linguistic Computer Entity) ou ALICEbot est le premier chatbot doté d’un traitement de langage universel. ALICE s’appuie sur l’AIML (Artificial Intelligence Markup Language), un langage XML (Extensible Markup Language), également développé par Wallace.

L’AIML est aujourd’hui disponible en open source et est le langage le plus utilisé pour développer des chatbots. ALICE, de son côté, est devenu une référence des agents conversationnels. Elle a d’ailleurs inspiré le réalisateur Spike Jonze pour son film Her (2013), une histoire d’amour entre un homme et son agent conversationnel.

Conversation avec ALICE - chatbot

Contrairement à Eliza, ALICE est capable de répondre à des questions sur le monde et peut tenir une conversation plus poussée.

Si ALICE est déjà beaucoup plus évoluée que Eliza, elle est loin d’atteindre le niveau de certains  agents conversationnels actuels. 

Les chatbots des GAFAM et des autres

À partir des années 2010s, un mouvement de chatbots va émerger chez les géants de la Tech. Ils vont tous développer et commercialiser leur propre agent conversationnel, gardant sous silence les technologies utilisées.

Watson d’IBM 

Nous ne pouvons pas parler des chatbots modernes sans mentionner Watson, le supercomputer de IBM, introduit en 2010. Nommé en mémoire du fondateur, Thomas J. Watson, l’IA avait initialement été développée pour répondre aux questions du célèbre jeu américain Jeopardy! (quizz de culture générale). En 2011, Watson avait réussi à battre deux champions incontestés du jeu.

Après cette victoire, IBM avait annoncé que Watson révolutionnerait les domaines de la santé, de la finance ou encore du droit. Aujourd’hui, IBM commercialise Watson aux entreprises en tant que “portefeuille d’outils, d’applications et de solutions, conçu pour réduire les coûts et les frictions liés à l’adoption de l’IA tout en optimisant les résultats…

Siri d’Apple 

En 2011, Apple présente Siri, un assistant virtuel fonctionnant grâce à l’intelligence artificielle, disponible sur l’iPhone 4s. À l’époque, Siri comprenait déjà de nombreux prompts comme envoyer un message, connaître la météo ou encore régler une alarme. Il était aussi capable de tenir une conversation simple, même s’il fallait être assez précis dans le langage utilisé.

Chatbot Siri (2011)

Une des premières publicités pour Siri en 2011.

Alexa d’Amazon

En 2014, Amazon lance Echo, son enceinte connectée et équipée d’Alexa, une assistante virtuelle inspirée du système de conversation de Star Trek. À l’instar de Siri, Alexa est capable d’exécuter certaines tâches comme lire de la musique, faire une liste de course ou envoyer des messages. Grâce à Echo, elle peut également se connecter à des appareils domotiques et permettre à son utilisateur·rice de contrôler toute une maison avec sa voix.

L’entreprise américaine n’hésite pas à mettre en avant les avantages d’Alexa en termes d’accessibilité : en 2021 notamment, Amazon met en ligne son portail Accessibilité Alexa

En 2019, Amazon met en scène une femme aveugle dans une pub pour Alexa Echo.

Les autres géants de la Tech ne sont pas en reste : 

  • En 2012, Google lance Google Now qui deviendra Google Assistant en 2017 ;
  • En 2014, Microsoft lance Cortana, disponible sur tous les appareils équipés de Windows ;
  • En 2016, Facebook lance Messenger bot, un chatbot permettant aux entreprises notamment de répondre automatiquement à leurs client·e·s ;

En 2021, Google développe LaMDA (Language Model for Dialogue Applications), un projet d’IA dont le but est d’améliorer les échanges avec des chatbots. Début 2022, Blake Lemoine, un ingénieur Google travaillant sur LaMDA, enflamme la toile en affirmant que cette dernière est douée de conscience.

ChatGPT, le petit dernier

Qu’est-ce que ChatGPT ?

ChatGPT est un modèle de traitement de langage développé par OpenAI qui a été formé sur un grand corpus de textes, ce qui lui permet de comprendre et de générer un grand nombre de sujets différents. Il a été rendu public en 2020 et est devenu populaire en raison de sa capacité à générer du contenu de qualité similaire à celui produit par des êtres humains. Il est utilisé pour diverses applications, comme la génération de contenu pour les chatbots, les assistants virtuels, les systèmes de génération de résumés et de réponses automatiques. Il est considéré comme l’un des meilleurs modèles de traitement de langage disponibles actuellement.

cf. Ce dernier paragraphe a été généré par ChatGPT.

Pourquoi ChatGPT inquiète ?

5 jours seulement après le lancement de ChatGPT, le site d’OpenAI comptait déjà plus d’un million d’inscrit·e·s (permettant, au passage, à l’entreprise de récolter des données sur chaque utilisateur·rice).

Parce que le contenu proposé est très convaincant mais loin d’être exact, ChatGPT est présentée comme “une menteuse pathologique” par Claire Mathieu, directrice de recherche au CNRS et Jean-Gabriel Ganascia, professeur d’informatique à la Sorbonne. Dans une tribune parue au sein des Échos, les deux experts expliquent que “le problème fondamental [du logiciel] est celui du rapport à la vérité”. Ils prennent notamment l’exemple d’un élève ou d’un étudiant tricheur qui pourrait utiliser ChatGPT pour rédiger une dissertation.

Conversation avec ChatGPT - chatbot
Conversation avec ChatGPT - chatbot

Nous avons demandé à ChatGPT de nous définir l’UX design, puis de traduire sa définition en anglais.

Le logiciel présente quand même certaines limites. Il a notamment tendance à s’étaler sur un sujet si on ne lui demande pas spécifiquement de fournir une réponse courte. 

De plus, les réponses de ChatGPT s’appuient sur une base de données figée et non pas sur le web dynamique. Ainsi, à la question “Quand a eu lieu la cérémonie des Golden Globes 2023 ?” (cf. le 11 janvier dernier), ChatGPT répond “[…] Les Golden Globe Awards sont généralement organisés chaque année en janvier ou février, mais je ne peux pas vous donner la date précise de l’édition 2023, car je ne suis pas à jour.

Quel avenir pour les chatbots ?

Si vous avez suivi notre échange avec Maaike Coppens, experte en design conversationnel et conférencière, vous savez déjà que l’IA n’est pas encore prête de détrôner les experts humains de la discipline. Et ce, pour plusieurs raisons, mais nous en retiendrons principalement trois : 

Les agents conversationnels ne sont pas (encore) en mesure de prendre des décisions stratégiques, comme de déterminer le type de sujets particuliers qui intéressent l’utilisateur·rice, et la manière dont ce dernier aimerait qu’on lui en parle.

Deuxième point, pour l’heure, ces IA ne disposent pas d’une connaissance métier et secteurs suffisamment poussés d’un sujet pour en faire des experts auprès des organisations, et ce, bien qu’ils se débrouillent très bien sur les sujets généraux.

Enfin vous l’aurez compris, l’IA ne fait pas la différence en l’explicite et l’implicite, le réel et le non réel, d’où cette qualification peu flatteuse de “menteuse”. L’ouverture de ces outils au grand public va justement permettre de faire évoluer la recherche sur le sujet.

Ne vous privez donc pas, en connaissance de cause et avec un peu de recul, de tester ces outils !