Antipersonas, l’appréhension du risque

Antipersonas, l’appréhension du risque 2883 1533 Wedo studios


Antipersonas, l’appréhension du risque

Comme son nom l’indique, l’antipersona s’oppose au persona, c’est-à-dire à l’utilisateur.rice modèle d’un produit ou d’un service. Quel intérêt alors ? Connaître son “ennemi” est toujours riche d’enseignements, notamment pour préserver son utilisateur-cible en identifiant les points faibles de l’expérience qui lui est proposée. 

La démarche de création d’antipersonas s’inscrit globalement dans le cadre d’une stratégie de Risk Management, afin de prévenir les usages abusifs qui pourraient avoir des conséquences négatives à long terme pour l’organisation.

Pour ce faire, évaluer les pires scénarios de comportements d’un.e utilisateur.rice indésirable, passe par la définition d’un ou plusieurs antipersonas.

Voir au delà de l’utilisateur·rice cible

Selon N/N Group, l’antipersona est une représentation d’un groupe d’utilisateur·rice·s qui pourrait abuser d’un produit ou d’un service de manière à avoir un impact négatif sur les utilisateur·rice·s cibles et l’entreprise. Si l’utilisation d’un produit ou d’un service peut engendrer des risques physiques ou émotionnels, il est souhaitable d’anticiper ces préjudices en définissant un antipersona pour chacun de ces risques. C’est notamment le cas pour les produits qui sont ou pourraient être utilisés par des enfants.

Cette méthode peut ainsi être employée ponctuellement pour affiner l’analyse des risques majeurs liés à un secteur donné ou dans le cas de produits ou services particuliers, pouvant présenter une menace à l’utilisation.

L’antipersona permet alors aux chercheurs, aux designers et aux organisations d’anticiper et de trouver des solutions aux risques identifiés. Typiquement, un fabricant de coffre-forts a tout intérêt à définir l’antipersona d’un utilisateur indésirable : le voleur.

Exemples de risques pouvant nécessiter la création d’antipersona : 

Prévenir une mauvaise utilisation ou une utilisation abusive

L’utilisation détournée d’un produit ou service à d’autres fins que celles imaginées lors de la conception, est un cas de figure qui peut être devancé grâce à l’antipersona.

L’antipersona pour s’adapter aux transformations de son environnement : l’exemple de Vélib

En 2007, la Mairie de Paris lance son service de vélos en libre service dans l’objectif d’inciter les Parisien.ne.s à délaisser leurs véhicules et pour désengorger les transports en commun. 15 ans après, un autre utilisateur a fait son apparition dans la capitale : le coursier à vélo. 

Cette utilisation intensive des Vélib comme outil professionnel au profit des entreprises de livraison, n’avait pas été anticipée. Conséquences pour l’utilisateur-cible :  l’indisponibilité des vélos, et pour l’organisation, une usure accélérée qui demande un remplacement fréquent. 

L’augmentation des tarifs et l’interdiction d’utilisation des Vélib à des fins de livraison en 2020 n’a pas suffi à corriger cet usage. La création d’un antipersona aurait permis d’imaginer une offre de service dédiée à cet utilisateur particulier et par extension aux entreprises qui en sont les employeurs. Cela aurait également pu ouvrir des pistes de réflexion quant à la gestion de la disponibilité pour l’utilisateur initial.

L’antipersona avant de lancer ou de faire évoluer une offre de service : l’exemple de Twitter

A l’automne 2022, Elon Musk, tout juste propriétaire de Twitter, décide de généraliser l’obtention du “Twitter Blue”, moyennant un abonnement mensuel de 8$. Cette coche bleue initialement réservée aux comptes certifiés, a rapidement été détournée par des internautes se faisant passer pour des entreprises. 

Les messages fallacieux de faux comptes Twitter se sont multipliés, entraînant la désactivation de cette option, quelques semaines après son lancement. L’antipersona est ici tout trouvé : les Twittos créateurs ou diffuseurs de désinformation, qui se sont emparés de cette nouvelle fonctionnalité.

Exclure les utilisateur·rice·s non cibles

L’antipersona peut aussi permettre d’identifier des utilisateur·trice·s qui pourraient penser que le produit ou le service proposé est adapté à leur besoins, alors que ce n’est pas le cas. 

La problématique UX s’étend alors à celle du marketing et de la communication : savoir identifier ces utilisateur·rice·s afin de pouvoir leur expliquer que la solution n’est pas faite pour eux. Cela permet de limiter les problématiques de conversion client, les expériences client négatives et les sollicitations inutiles du service client. Pour une marque ou une organisation, c’est l’occasion de redéfinir son branding.

Définir les antipersonas

Créer  un antipersona débute par une identification des menaces liées à l’utilisation du produit, service ou de la solution proposés. Si la plupart des catégories ci-dessous se retrouvent dans tous les personas,  ce qui distingue l’antipersona, c’est l’attention portée aux conséquences de ses actions. Rappel des informations que doit comprendre l’antipersona : 

  1. Un nom et un visage
  2. Ses objectifs
  3. Ses motivations
  4. Ses actions 
  5. Ses outils
  6. Ses besoins
  7. Les conséquences de ses actions

Plusieurs questions peuvent être posées pour guider ce travail  : 

  • Quels sont les objectifs et les motivations de l’antipersona ?
  • Quels sont les outils qui pourraient lui permettre d’atteindre cet objectif et quelles en seraient les conséquences ?
  • Quelles sont les protections manquantes qui pourraient permettre à l’antipersona d’atteindre ses objectifs ?

Un choix méthodologique à évaluer

Il est à noter que la création d’antipersonas requiert temps et ressources, les avantages de cette démarche doivent être évalués et primer sur les ressources investies. 

Au-delà des enjeux de sécurité, la méthode des antipersonas pourrait-elle être envisagée par une organisation pour s’interroger sur les actions que pourrait mettre en place un utilisateur pour lui nuire ?