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UX designer, personne ne comprend mon métier

UX designer, personne ne comprend mon métier 8001 3999 Wedo studios

Et voilà, encore un dîner de famille où, comme d’habitude, on va me demander ce que je fais dans la vie. Je vais être forcé de répondre, et, comme toujours, mon audience va devoir essayer de comprendre ce que je leur raconte.

Eh oui, je suis UX designer !

Designer UX : expliquer ce qu’on fait vs expliquer en quoi c’est du design

par César Beuve-Méry, UX designer chez Wedo studios.

L’empathie, c’est normalement la première compétence des designers, donc j’essaie de me mettre à leur place.  C’est vrai qu’il est difficile de comprendre ce que fait exactement un designer. 

Et franchement, même pour moi parfois c’est confus. En discutant avec d’autres designers, je vois bien que je ne suis pas le seul. Loin de là.

L’ère du numérique a énormément diversifié et étendu le domaine du design, dont les champs d’application sont de plus en plus répandus.

Il existe des designers de produits, d’espace, des designers graphiques, des webdesigners, des motion designers, des designers UX, des designers UI (et leurs descendants hybrides : les designers UX/UI), des designers d’interactions, de service, etc.

Surtout que maintenant, quand on parle de produit, on entend aussi bien des objets physiques que des objets numériques. Comme être designer UX au sein de la feature team d’une équipe produit.  

Cependant, la plupart des gens ne parlent pas de “produits numériques” ou de “produits digitaux”.

“Ce qui crée de la confusion c’est le mot ‘designer’, c’est un mot qui est compris par la majorité des gens comme étant en rapport avec les objets et l’esthétisme.”

Mon père, 57 ans

Iceberg dont la partie émergée symbolise les métiers "connus" du design et la partie immergée représente les métiers du design moins connus.

L’apparition du mot “design” dans un nombre croissant d’appellations (design thinking, design fiction, design de politiques publiques, narrative design, design produit, word design) n’aide pas à s’y retrouver.

Même en tant que designer, il est difficile d’expliquer toutes ces nuances.

D’après mon père, “ce qui crée de la confusion c’est le mot designer, c’est un mot qui est compris par la majorité des gens comme étant en rapport avec les objets et l’esthétisme.”

Particulièrement pour les générations qui nous précèdent, le mot “design” est associé à seulement une partie des pratiques et des métiers. Elles pensent design de voiture, d’objets, d’intérieur ou à la limite design de mode.

Au-delà du nom qui désigne la discipline, le mot “design” est aussi entré dans le langage commun en tant qu’adjectif décrivant une esthétique.

On parle de lampe “design”, de meuble “design”, de décoration “design”, au même titre que d’autres pléonasmes descriptifs comme la fameuse “maison d’architecte” et autres “chaussures/sacs de créateur·rice » (ou “de designer” d’ailleurs).

« Design (anglicisme), adjectif invariable : D’un modernisme fonctionnel sur le plan esthétique. »

Larousse

Designer, ça n’existe pas.

La vérité c’est que plus personne n’est “designer” tout court.

C’est un diminutif pour une ou plusieurs spécialisations, voire des niveaux de spécialisation. Par exemple, certain·e·s designers graphiques sont strictement des typographes (conçoivent seulement des typographies) ou strictement des logotypers (créateur·rice·s de logos). Rien n’empêche d’être les deux, ni d’être également designer industriel ou d’espace.

Il y a d’ailleurs beaucoup d’exemples célèbres :

    • Roger Tallon est designer industriel, d’espace mais aussi graphique
    • Charlotte Perriand est architecte, designer d’espace et designer industrielle
    • Kenya Hara est designer graphique, d’objets, d’expériences…

Mais être designer ne veut pas dire qu’on sait tout faire. Par exemple, être motion designer ne signifie pas qu’on est compétent pour faire de la scénographie. Et dire qu’on est « designer » tout court ne suffit pas à illustrer tout ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas.

Mouton à cinq pattes

“On m’a déjà contacté pour des travaux de rénovations d’intérieur lorsque j’étais en freelance.”

Milla, designer graphique

Je pense que beaucoup de designers s’en sortent grâce à des exemples. Décrire concrètement un projet, un client ou un livrable sans jargon, ça permet aux interlocuteur·rice·s de mieux situer ce qu’on fait.

Dialogue: un UX designer tente d'expliquer son métier. Avec du jargon, la personne en face ne comprend pas. Avec un exemple concret, elle comprend.

L’UX : “En quoi c’est du design ?”

Déjà c’est quoi l’UX ?

De l’anglais User Experience, l’Expérience Utilisateur c’est l’expérience vécue par les utilisateurs-rices d’une interface numérique, d’un appareil, d’un service ou même d’un lieu.

En fait, l’UX c’est évaluer, créer, construire en tenant compte des perceptions, de la satisfaction, de la confiance ou encore de la frustration ressentie lors de l’utilisation d’un produit numérique ou physique.

Du coup en UX, on n’est pas tou·te·s designers !

“Pour moi, le designer a forcément un élément de création, je ne comprenais pas où cela se situait dans ton métier.”

Ma grand-mère, 83 ans.

Les différents métiers du design

Je vous ai perdu·e ? En fait c’est facile :

L’UX designer

L’objectif de l’UX designer est de comprendre les besoins des utilisateurs·rices afin de concevoir une plateforme ou un service ergonomique, intuitif et rapide.

Sa mission est de créer ou d’imaginer des parcours utilisateurs·rices. Que ce soit pour une application, un site web, un service (comme l’achat de billets de train en gare) ou un logiciel.

L’UI designer

L’UI designer est spécialiste des interfaces, de leur aspect, de leur ergonomie. Il·elle choisit les typographies, les couleurs, les éléments graphiques et/ou textuels pour rendre la navigation compréhensible et visuellement attractive.

L’UX writer

En complément de l’UX designer et de l’UI designer, l’UX writer crée le contenu textuel d’une interface numérique. Il·elle prend en compte l’expérience et le bien-être des utilisateurs·rices pour concevoir des textes qui facilitent leur parcours et leur compréhension de l’interface.

L’UX researcher

À travers différentes méthodes (observation, entretiens, tests, etc.) l’UX researcher s’occupe d’analyser, de comprendre des utilisateurs·rices cibles. Les informations recueillies permettront, par la suite, de concevoir des produits digitaux ou physiques adaptés aux habitudes, aux besoins ou encore aux contraintes des personnes visées.

Le Sprint master

Le Design Sprint est un processus de généralement 5 jours durant lequel une équipe pluridisciplinaire va explorer, prototyper et tester des idées de projets.

Le Sprint master est donc la personne chargée d’animer ce « séminaire ». Elle s’occupe de préparer les sessions, de regrouper l’équipe, d’identifier les défis à relever ou les projets sur lesquels travailler. Le sprint master a un rôle de préparateur, de médiateur, de facilitateur.

Le product owner

Le product owner est un genre de chef de projets numériques (sites, applications, logiciels). Son travail est de faire le lien entre l’entreprise (objectifs commerciaux, temps et budgets impartis) et les utilisateurs (habitudes, besoins, contraintes…).

Le consultant UX

Le consultant UX fait un peu de tout. Il-elle se sert des méthodologies de l’UX research pour détecter les limites d’une interface digitale donnée. Il·elle rencontre les équipes commerciales et étudie leurs objectifs et leurs contraintes.

Enfin, il·elle fait en sorte d’améliorer l’expérience des utilisateurs·rices notamment en formant le personnel et/ou en proposant des changements en termes d’UX design.

Et le designer de service dans tout ça ?

La nuance avec l’UX designer semble dépendre selon les profils, les agences et les pays. En France, on rattache beaucoup l’UX design au numérique.

C’est vrai que le service design s’est démocratisé au moment de l’avènement du numérique et de l’explosion des services numériques. Mais dans les pays anglo-saxons, le design de service est préexistant au numérique, il ne concerne pas spécifiquement des interfaces.

Chez Wedo studios, on a fait le test en interne

On a demandé à notre équipe de placer les métiers du design sur un plan, de déplacer des post-its en fonction du domaine auquel les compétences appartiennent, de faire des flèches…

Et bien personne n’est tombé complètement d’accord. En fait, il est très difficile de faire rentrer les métiers de l’UX et du design dans des catégories fermées.

En fonction de l’entreprise mais aussi des produits, on peut se retrouver à effectuer des tâches normalement destinées à d’autres métiers.

Par exemple, un UX designer peut très bien faire de l’UX research avant de proposer la maquette d’un produit. Tout comme un UI designer peut également s’occuper du contenu textuel de l’interface sur laquelle il travaille.

Finalement, ce que tou·te·s les designers ont en commun, outre des compétences techniques, c’est une intention véhiculée par une pratique et traduite dans leurs livrables.

Dans leurs logos, leurs espaces, leurs objets, leurs posters ou leurs vidéos, dans les expériences qu’ils et elles créent, les designers ne décorent pas, ne sculptent pas, ne dessinent pas. Ils et elles font un peu tout ça. Mais surtout, les designers donnent une orientation, un dessein, une vision.

Accessibilité

Accessibilité 2560 1338 Wedo studios

Si l’UX vise à analyser l’ensemble des perceptions des usagers d’un produit ou d’un service et que l’UX Design a pour objectif de concevoir des expériences optimales, alors son accessibilité fait intrinsèquement partie de sa réussite.

La méthode ne change pas, seulement le périmètre d’empathie.

Que vous soyez une banque, un réseau social ou un acteur du e-commerce, l’accessibilité, c’est la prise en compte des contraintes et besoins des personnes en situation de handicap.

En design, ça se traduit par l’intégration systématique de ces contraintes dans le cadrage et les briefs, en tant que composante structurelle.

Que le produit ou le service concerné parle aux utilisateur·trice·s. Tou·te·s les utilisateur·trices.

Que ces personnes puissent y accéder, interagir avec, l’utiliser, en être satisfaites. Donc l’accessibilité, c’est juste de la bonne UX !


L’accessibilité, c’est juste de la bonne UX

Dans la loi française, le handicap est la limitation ou incapacité d’une personne à évoluer dans l’environnement social en raison de contraintes spécifiques. 

Troubles cognitifs, problèmes de vue, douleurs articulaires et musculaires, essoufflement, anxiété, problèmes cardiaques, dépression, acouphènes, fatigue…

La pandémie a apporté une visibilité sur un certain nombre d’états invalidants qui ne sont pas tous reconnus à l’heure actuelle comme des handicaps, notamment selon les pays.

De plus, la distanciation forcée des confinements a mis en exergue l’enjeu spécifique de l’accessibilité numérique pour faire ses courses, garder le contact, bénéficier de ses soins, etc.

On identifie 4 grandes catégories de handicaps dans cet article, mais cette liste n’est pas exhaustive.

Notre parti-pris est de ne pas dissocier accessibilité physique et numérique pour garder une approche holistique du design accessible.

Les différentes formes de handicap

Pictogrammes représentant différents types de handicaps

1. Handicaps liés à la vue

Il existe de nombreux types de déficiences visuelles : cécité, malvoyance, daltonisme… Leurs besoins peuvent être très variés selon les situations.

Par exemple, une personne aveugle de naissance et une personne devenue aveugle au cours de sa vie ne rencontrent pas toujours les mêmes difficultés.

Elles n’ont pas non plus les mêmes attentes en matière d’assistance (apprentissage du lecteur d’écran, attentes concernant le niveau de détails).

2. Handicaps liés à l’ouïe

Comme pour les malvoyants, il existe de nombreux types et de nombreuses intensités de surdité totale ou partielle.

Les personnes sourdes n’utilisent pas toujours la langue des signes française (LSF) alors que d’autres l’utilisent exclusivement.

Ainsi le français parlé et écrit peut être perçu comme une langue étrangère et sous-titrer des contenus n’est pas toujours suffisant pour être accessible.

3. Handicaps moteurs

Les handicaps moteurs peuvent empêcher ou limiter les déplacements.

C’est aussi un véritable enjeu d’accessibilité numérique car certaines personnes ne peuvent pas utiliser leurs mains ou sont dans l’incapacité de faire des mouvements assez précis pour utiliser une souris (paralysie, tremblements).

D’ailleurs, la prochaine version du référentiel WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) inclura un critère sur les tailles de boutons et d’éléments graphiques.

Les utilisateur·rice·s concerné·e·s ont à leur disposition des alternatives pour naviguer, comme le clavier, la commande vocale et, plus rarement, la commande visuelle.

4. Handicaps mentaux et cognitifs (dont troubles de l’attention)

Le symbole international du handicap est une personne en fauteuil roulant : on associe (et réduit !) souvent le handicap à des difficultés physiques.

Les handicaps cognitifs et mentaux (autisme, troubles DYS) peuvent être moins visibles mais avoir un impact considérable sur l’expérience utilisateur.

Ainsi des enseignes comme Les magasins U ont fait le test d’un horaire consacré aux personnes autistes, avec moins de bruit et moins de lumière. Une loi visant à démocratiser ce principe a été votée cette année.

La SNCF propose également une option “police dyslexie” dans son panneau « accessibilité. »

Site de la SNCF

Tou·te·s concerné·e·s
Les maladies chroniques invalidantes et le vieillissement

Épilepsie, diabète, sclérose en plaques… De nombreuses maladies peuvent avoir des symptômes invalidants, partiels ou totaux, et variables.

De plus, le vieillissement des populations entraîne des handicaps liés à l’âge, et l’accessibilité devient un enjeu direct sur le quotidien d’un nombre grandissant de personnes.

Enfin, en recherche UX, la prise en compte de la diversité des personnes et de leurs besoins spécifiques mène à une expérience améliorée pour tou·te·s : Solve for one, extend to many.

D’ailleurs, le développement de nombreuses technologies d’assistance a mené à diverses inventions utilisées aujourd’hui par tou·te·s pour leur grande utilisabilité.

Qu’est-ce qu’une technologie d’assistance ?

Une technologie d’assistance est une aide technique qui permet d’accompagner une personne en situation de handicap afin de maintenir ou améliorer son autonomie.

Quelques exemples de technologies d’assistance utilisées par tou·te·s

Le clavier

Pierre François Victor Foucault mécanisera le décapoint manuel de son ami Louis Braille. Son invention, le raphigraphe, permettra d’imprimer en relief toutes les lettres, chiffres et ponctuations.

Le raphigraphe

Le raphigraphe

Les caractères étaient ainsi lisibles à la fois de façon tactile et visuelle, devenant un canal de communication entre utilisateur·rice·s et non-utilisateur·rice·s du braille.

Le téléphone

Si la mère et la femme d’Alexander Graham Bell n’avaient pas été malentendantes, ce dernier n’aurait pas mené les recherches sur la fabrication d’appareils auditifs et vocaux. Des recherches qui le mèneront a déposé le premier brevet du téléphone en 1876.

Les SMS

Le Short Message Service, une fonctionnalité d’abord introduite par Nokia dans ses téléphones en 1994, était d’abord un moyen de rendre les téléphones portables accessibles aux personnes malentendantes.

Les livres audios

Depuis le Books for the Adult Blind Project de 1931, un programme de la bibliothèque du Congrès Américain pour rendre accessibles ses livres aux citoyens aveugles, les livres audios sont devenus des objets sonores écoutés par tou·te·s et partout, indépendamment de leurs facultés visuelles.

Les commandes vocales en général

VoiceOver, la première fonction d’aide vocale sur un smartphone, apparaissait seulement en 2009. Son objectif était de fournir aux aveugles et malvoyants une description vocale des informations affichées à l’écran.

Depuis, Siri et les autres assistants vocaux sont largement utilisés par commodité par des personnes qui ne sont pas en situation de handicap.

La recherche utilisateur vers davantage d’accessibilité donne donc lieu à des inventions qui bénéficient à tou·te·s.

Selon Whitney Quesenbery, co-autrice de A web for everyone, utilisabilité et accessibilité sont même indissociables: “Usability and accessibility are twins separated at birth.”

Le rôle essentiel du design accessible

La situation de handicap, d’un point de vue social, n’est pas liée au handicap lui-même, mais plutôt à un environnement qui en crée les conditions et limite les possibilités des personnes concernées. 

Dans le cas des outils numériques, certain·e·s utilisateur·rice·s n’ont pas nécessairement besoin de technologies d’assistance mais ne peuvent pas utiliser les outils de navigation proposés. Par exemple, les utilisateur·rice·s qui ne peuvent pas utiliser de souris ou de trackpad doivent naviguer uniquement au clavier.

Le design, en modelant des environnements, des objets et des interfaces, peut créer, accentuer ou au contraire éviter une difficulté liée au handicap. En accessibilité numérique, on développe notamment des technologies d’assistance. 

5 technologies d’assistance numérique actuelles

Pictogrammes représentant les différentes techniques d'assistance numérique

1. Les lecteurs d’écran

Comme leurs noms l’indiquent, ils lisent le contenu de l’écran. Ce sont des logiciels qui interprètent le contenu de l’interface et le convertissent vocalement. Ils fournissent généralement d’autres fonctions, comme des raccourcis clavier.

Les lecteurs d’écran étaient au début relativement mécaniques mais deviennent de plus en plus naturels à écouter. Ils restent cependant essentiellement développés en anglais.

Moins courants, car contrairement aux idées reçues, le braille n’est pas maîtrisé par tou·te·s les malvoyant·e·s.

Un terminal mécanique affiche une ligne de caractères braille (souvent 40 à 80) en élevant et en baissant dynamiquement des picots (des points). 

2. Les afficheurs braille

Les assistants braille, qui ont la capacité de petits ordinateurs, sont équipés d’afficheurs braille. Ces terminaux peuvent être utilisés pour prendre des notes, faire des calculs, ou s’interfacer avec d’autres outils comme les kiosques publics d’information.

3. Les navigateurs vocaux

Similaires aux lecteurs d’écrans, ils n’interprètent que les contenus web. Les navigateurs vocaux sont généralement développés en tant qu’alternatives à des navigateurs web pour des téléphones mobiles, pas nécessairement pour des personnes en situation de handicap.

4. Les headstick

Créés pour les personnes qui ne peuvent pas utiliser leurs mains, les headsticks permettent de naviguer via des mouvements de la tête.

5. L’eye tracking

Lorsque les mouvements de tête sont impossibles, l’eye-tracking est utilisée comme une commande visuelle.

Le cadre réglementaire

RGAA et WCAG : les référentiels d’accessibilité

En France, le Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité définit les critères d’accessibilité. Il s’agit d’une retranscription du référentiel international (WCAG – Web Content Accessibility Guidelines).

Ces deux référentiels se présentent sous la forme d’une méthode d’application et regroupent des critères selon 3 niveaux : A, AA (double A) et AAA (triple A). Les critères A et AA sont obligatoires.

Quelles cibles et quelles attentes ?

L’ Article 47 de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées déterminent les différents types d’organisations et d’entreprises concernées par les obligations liées à l’accessibilité.

1. Les personnes morales de droit public,

2. Les personnes de droit privé délégataire d’une mission de service public (gestion de l’eau, des transports…),

3. Les personnes morales de droit privé constituées spécifiquement pour satisfaire les besoins d’intérêt général autres que financier ou commercial (office de tourisme, culturel, social…),

4. Les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un certain seuil (250 millions d’euros).

Il est désormais obligatoire pour ces entreprises et organisations d’afficher clairement leur niveau d’accessibilité, ainsi qu’un plan futur de développement autour de cette question.

Si, à l’heure actuelle, la réglementation prévoit uniquement de sanctionner le non-affichage du niveau d’accessibilité, on peut supposer (et espérer) que la non-couverture de l’ensemble des critères A et AA devienne sanctionnable dans un futur proche.

Atomic research : notre retour d’expérience

Atomic research : notre retour d’expérience 2290 1397 Wedo studios

Ces temps-ci, chez Wedo studios, on s’est intéressé à l’atomic research, le système de gestion des connaissances de la recherche UX théorisé par Tomer Sharon et Daniel Pidcock.

En gros, l’atomic research, c’est une approche de la recherche qui redéfinit les unités de base de la connaissance UX en “atomes” (les “nuggets”). L’idée est de déstructurer le matériau brut récolté lors d’une recherche (étude, test utilisateur, questionnaire) afin d’avoir à la fois une vision d’ensemble et une vision granulaire des données.

L’atomic research est relativement nouvelle : il y a peu de recul sur le sujet et les retours d’expérience sont rares. Si vous n’êtes pas encore familier avec cette méthode, je vous recommande notre article dédié avant de poursuivre votre lecture de ce retour d’expérience.


20 000 lieues sous les nuggets
Notre retour d’expérience sur l’atomic research

par Timothée Mourier, UX researcher chez Wedo studios

Tests utilisateurs d’une plateforme, étude exploratoire sur les typologies de collaborateurs en magasin : en tant qu’UX researcher chez Wedo studios, j’ai expérimenté l’atomic research sur plusieurs projets.

Et si je ne nie pas “l’infinie puissance” préconisée par Daniel Pidcock, je trouve qu’elle est à nuancer. En tout cas, elle est conditionnelle, car avec l’atomic research, on peut facilement s’y perdre. Il y a beaucoup de données, une multitude de paramètres à prendre en compte, et une tolérance zéro pour le mauvais étiquetage.

Du coup, j’ai voulu partager mon retour d’expérience, et je suis très preneur des vôtres !

D’abord, ma check-list : les projets auxquels j’ai participé m’ont permis de repérer 4 grands points de vigilance qui m’évitent de m’enliser et de perdre du temps.

1. L’atomic research, ça peut être un tableau excel
Le format

Quand j’ai commencé, j’ai regardé les solutions comme Airtable, Dovetail ou Glean.ly pour classer mes nuggets. En fait, il n’est pas nécessaire de se former à un nouvel outil : tout logiciel de catégorisation des données suffit, comme Excel ou Notion.

Par contre, je pense sincèrement que le développement de formats visuels de repository va considérablement démocratiser l’atomic research en améliorant le confort de navigation de ces bases de données très denses.

Le repository peut rapidement prendre la forme d’un tableau tentaculaire. Personnellement, je suis habitué à des outils visuels comme Miro. A côté, une infinie série de lignes difficilement lisibles et navigables, ça m’a un peu découragé.

Pour m’en sortir, j’ai mis en place un système d’échelles. L’idée est d’avoir à la fois la possibilité d’une vision d’ensemble (plutôt macro) et d’un zoom sur les détails (plutôt micro). Dans un tableau, cela se traduit par exemple par des codes couleurs ou des catégories larges (étiquettes de sections et de sous-sections) ordonnables en un clique de classement.

Aujourd’hui je serais curieux de tester un format plus visuel de repository, avec une navigation plus intuitive pour déduire les insights puis les recommandations. En tout cas, le choix de l’outil est crucial. Et il peut varier en fonction de la nature de l’organisation et des projets.

Aperçu d'un repository : un tableau ou les colonnes permettent de classer les étiquettes de chaque donnée

Le repository est la base de données globales
1 ligne = 1 nugget

2. “Welcome to my repository
L’onboarding

Autre enjeu de taille : l’onboarding. Une recherche UX se fait rarement seul·e : il y a les client·e·s, les collaborateur·rice·s, les intervenant·e·s divers·e·s qui sont susceptibles de participer au projet, et pas forcément depuis le début.

Or, pour une personne extérieure ou nouvelle venue dans la recherche, le repository ne parle pas forcément de lui-même. Un résumé de quelques slides sera beaucoup plus explicite. Et un support d’explication de la nomenclature devient indispensable.

Sinon, s’approprier les informations rapidement est impossible, alors que la rapidité est parfois essentielle pour un onboarding. Pour l’heure, il me paraît donc impossible de se reposer uniquement sur le repository pour donner une overview claire de la recherche et du fonctionnement du projet concerné.

3. Do you speak atomic?
La nomenclature

En atomic research, les choix de nomenclature peuvent devenir un vrai casse-tête. En tant qu’UX researcher, je ne peux pas forcément anticiper toutes les grandes catégories qui serviront à classer mes nuggets.

Tout simplement parce que ceux-ci naissent de l’accumulation des données, et souvent au fur et à mesure du cheminement de ma recherche : on ne peut pas classer avant d’avoir classé.

La nomenclature ne doit pas être enfermante. Elle doit prévoir que ces grands axes vont se dégager sans m’obliger à ré-étiqueter tous les nuggets depuis le début.

La deuxième difficulté réside tout simplement dans le respect de la nomenclature. Sans une conformité totale de celle-ci, je suis obligé de procéder à une vérification constante de la justesse des tags de catégorisation. C’est une tâche sans fin, et qui devient impossible passé un certain nombre de participant·e·s.

Lorsque c’est possible, je recommande d’utiliser des codes visuels qui se passent de l’exactitude des appellations. Ça ne garantit pas l’exactitude, mais ça compartimente un peu. Cela permet aussi de limiter les difficultés liées aux différentes langues lors de projets internationaux.

De toute manière, l’atomic research ne peut être envisagée que dans un cadre très rigoureux. Mis en place dans ces conditions, l’atomic research est un véritable atout pour naviguer dans une large base de données.

4. Gérer les électrons libres
Le hors-sujet

C’est un peu le syndrome du “mais si jamais j’en avais besoin plus tard ?” : prendre les décisions de tri des nuggets “hors-sujet” (ne présentant pas du tout d’intérêt, ou pas un intérêt prononcé pour la recherche en cours) peut être ardu.

Pour moi, la raison d’être de l’atomic research c’est avant tout de permettre de naviguer de très grandes bases de données. Me débarrasser de certaines données récoltées, même hors-sujet, paraît contre-intuitif : comment savoir quels nuggets seront intéressants dans le futur, ou en vue des prochaines sessions ? Comment les catégoriser ? Comment les ré-exploiter ?

Personnellement, je pense surtout qu’on apprend à répondre à ces questions avec la pratique. Cela nécessite un travail minutieux de relecture des nuggets, étude après étude, surtout si les thèmes de recherche sont différents.

Si ce travail est fastidieux, je pense qu’il peut faire de l’atomic research un outil puissant pour des sessions de tests utilisateurs sur un même produit, une homepage ou un tunnel d’achat par exemple.

Dans le doute, on peut aussi choisir d’avoir une catégorie “hors-sujet” un peu large avec des tags très descriptifs.

Une fois ce cadre assuré, l’atomic research amène une réelle flexibilité dans l’analyse, notamment dans l’approche des détails. Si l’aventure vous tente, voici une liste de 7 questions à vous poser avant de vous lancer.

7 questions à se poser avant de se lancer dans l’atomic research

1. Faut-il intégrer les données passées dans le repository ?

Ou bien est-il davantage pertinent de démarrer de zéro ? Il est essentiel de s’interroger sur la pertinence des connaissances déjà produites et accessibles, ainsi que sur ce qu’implique  leur intégration dans la base de données.

Si les ajouter est trop chronophage, la démarche est contre-productive en plus d’être laborieuse.

schéma montrant des données anciennes en vrac et des données classées dans un repository

Cela reste un point de vigilance une fois l’atomic research implémentée : il ne s’agit pas de rendre le repository illisible par une profusion indigeste de données dépassées. Déterminer l’obsolescence de ces données peut cependant aussi s’avérer complexe.

2. Un repository est-il nécessaire au sein d’une petite structure ?

L’optimisation des process de production et d’archivage des connaissances, ainsi que leur accessibilité par tous les collaborateur·rice·s sont des éléments-clés d’une organisation, quelle que soit sa taille. Cela est particulièrement vrai pour les organismes de recherche.

schéma montrant la différence du volume des recherches entre une grande et une petite structure

Cependant, les plus petites structures, qui effectuent par conséquent moins de recherche, ne rencontrent pas forcément les quatre problèmes évoqués plus haut (éparpillement, oubli, perte de temps, opacité).

Le gain apporté par l’atomic research n’est dans ce cas pas suffisant pour en justifier sa mise en place. Celle-ci peut au contraire s’avérer trop chronophage et énergivore pour être positive.

L’atomic research semble donc être plus adaptée à des organisations de grande envergure, ou traitant des volumes de données conséquents.

3. Quels projets sont adaptés à l’atomic research ?

Projets itératifs, études ethnographiques, études ponctuelles, questionnaires, entretiens, tests utilisateurs… Tous les projets de recherche donnent lieu à de la production de connaissances. Cependant, l’organiser dans un système d’atomic research n’est pas toujours nécessaire.

La temporalité des projets et leurs natures déterminent la pertinence de la mise en place d’un repository.

Deux impératifs de calendrier différents

Il est toujours important de s’interroger sur les bénéfices de l’atomic research dans le contexte de son organisation, mais aussi de son projet, plutôt que de l’implémenter à tout prix.

4. Quelle nomenclature pour mon système ?

La catégorisation des éléments (nuggets, insights, etc.) est absolument cruciale. Il ne s’agit pas d’une question secondaire : ceux-ci doivent être taggés d’une façon appropriée pour être exploitables.

les étiquettes des données

La mise en place de l’atomic research signifie donc une nomenclature commune, compréhensible par tout le monde, apprise et respectée de manière collective. Le choix des appellations est extrêmement important. Il faut également désigner une ou plusieurs personnes référentes pour être garantes de cette harmonisation.

Si la catégorisation commune ne peut être envisagée par manque de temps ou parce que faire respecter la nomenclature est trop compliqué, il vaut mieux ne pas envisager de repository. Le risque serait en effet de former un amas impraticable d’informations certes nombreuses mais inexploitables pour ses usagers.

5. Quelle catégorisation sur le long terme ?

La pertinence des nuggets varie selon leur âge. Des feedbacks sur une ancienne version d’application sont par exemple obsolètes.

pertinence des données selon le temps qui passe

Il est important d’anticiper cet aspect et de mettre en place une méthodologie qui permettent de les trier selon ce critère.

6. Comment distinguer le hors-sujet du hors-cadre ?

Les nuggets hors sujet sont aussi collectés dans le repository. Ils agrémentent la base de données mais peuvent aussi l’encombrer s’ils s’avèrent inutiles. Par exemple, certaines réponses qualitatives très personnelles de participant·e·s dans des situations uniques n’auront pas forcément de valeur pour l’entreprise pour la compréhension globale des usagers ciblés.

hors sujet

7. Comment donner accès au client ?

Il y a plusieurs manières de procéder et pas de règles établies. L’objectif principal est de gagner de la valeur en collectant ces données.

partager ses données avec les clients

Si nous avons plusieurs études sur différents produits d’un même client, il faut s’interroger sur le périmètre des informations partageables avec lui, et si ce périmètre se limite à ce client. Il s’agit de s’inscrire dans une réflexion générale sur l’exploitation des données, tout en considérant les aspects légaux et éthiques du problème.

Alors, l’atomic research est-elle vraiment “infiniment puissante” ?

Pour moi, l’atomic research ne peut être envisagée que sous des conditions spécifiques : le contexte compte énormément dans son succès. Elle ne révèle sa puissance que dans ce cadre, qui peut être très compliqué à mettre en place et à maintenir.

Je pense qu’un repository est vraiment réussi lorsque :

  • son onboarding est rapide et intuitif
  • son format permet une navigation confortable
  • sa nomenclature est facilement assimilable
  • sa structure est évolutive

Je pense qu’une fois la méthode maîtrisée, l’atomic research est un outil incomparable pour mettre en exergue des liens inédits entre des données UX et en tirer de nouveaux insights. Je continue de l’étudier et je vous donne rendez-vous dans quelques mois pour un second REX sur le sujet, le temps d’expérimenter davantage.

Atomic research

Atomic research 4890 2603 Wedo studios


L’infiniment puissante atomic research

A new way to organise UX knowledge
in an
infinitely powerful manner.
Daniel Pidcock

Parfois aussi nommée atomic UX research, l’atomic research tire son nom de l’atomic design théorisé par Brad Frost. Il s’agit cependant de deux notions très différentes. L’atomic research est un système de gestion des connaissances de la recherche UX, alors que l’atomic design, est une méthodologie de conception d’interface.

D’abord théorisée par Tomer Sharon (anciennement Head of User Research & Metrics chez Goldman Sachs, WeWork et Google Search) et Daniel Pidcock, (le fondateur du logiciel de mise en forme de repository Glean.ly) l’atomic research est une approche qui redéfinit les unités de base de la connaissance UX en “atomes” (aussi appelés “nuggets”) taggés. Plus simplement, l’idée est de déstructurer le matériau brut récolté à l’occasion d’une recherche utilisateur afin d’avoir une vision d’ensemble et granulaire avant analyse.

La nature des tags varie. Ils correspondent à des catégories et sous catégories distinctes, des niveaux d’organisation différents. Ils peuvent être des données de classement (date, source, localisation, priorité), de mesure (amplitude, fréquence), des appréciations qualitatives (comme une émotion ressentie par un·e interviewé·e) ou encore des indications démographiques (âge, classe socio-professionnelle). Ils permettent en tout cas de classer et d’ordonner les items par similarité afin de les traiter et de les analyser.

L’atomic research décompose ainsi le matériau issu de la  recherche en 4 éléments distincts, dont le nugget (c’est-à-dire la donnée brute), auquel s’ajoutent les contextes de recherche, les insights et les recommandations.

Les 4 piliers de l’atomic research

1. Le contexte de recherche

Les contextes de recherche sont les manières dont les données sont récoltées : entretiens, questionnaires, outils de metrics. Leur multiplication enrichit la recherche.

Exemple : Lors d’une mission d’amélioration d’une application, on organise des tests avec des utilisateur·rice·s. Ces tests sont un contexte de recherche.

2. La donnée brute

En UX, on parle des nuggets au sens premier de pépites, d’items, de petites unités d’informations très précieuses. Un nugget n’est pas forcément textuel. Il peut être une observation autant qu’avoir un format chiffré (une statistique par exemple). Par contre, la donnée doit être unique pour rester atomic, elle ne contient qu’une information.

Exemple : Lors d’un test organisé avec un utilisateur sur une application, celui-ci ne trouve pas la barre de recherche. Le verbatim ou l’extrait correspondant de cet entretien (vidéo, enregistrement audio ou encore compte-rendu écrit) qui stipule que “l’utilisateur ne trouve pas la barre de recherche” est la donnée brute, le nugget. Une statistique récoltée par un outil de mesure (comme “50% des utilisateur·rice·s ne trouvent pas la barre de recherche”) est également un nugget.

3. Insights

Un insight est une hypothèse appuyée par un ou plusieurs nuggets. Ils peuvent être positifs, négatifs ou neutres. Ils n’aboutissent pas nécessairement sur une recommandation.

Exemple : Les utilisateur·rices ont dû effectuer les tests en ligne. Cela leur a déplu car leur environnement était un bureau partagé et qu’il y a eu beaucoup d’interruptions. L’insight est que “le bureau partagé n’est pas propice” et s’appuie sur des nuggets tels que “50% des utilisateur·rice·s ont été interrompu·e·s au moins une fois.” Cet insight ne servira pas forcément de base à une recommandation sur l’amélioration de l’application concernée. L’information demeure cependant intéressante pour l’organisation de tests futurs.

En revanche, “la barre de recherche est trop peu visible” est un insight dont on pourra tirer une recommandation en lien avec la mission, soit l’amélioration de l’application.

Un nugget rangé dans son repository, classé par tags
1 donnée brute = 1 nugget

4. Recommandations

Les recommandations sont des solutions proposées pour répondre à des insights. Un insight peut d’ailleurs engendrer plusieurs recommandations.

Exemple : Dans notre situation de mission d’amélioration d’une application, plusieurs recommandations pourraient être tirées de l’insight “la barre de recherche est trop peu visible” comme “mettre la barre de recherche au-dessus de la ligne de flottaison” ou encore “augmenter le contraste de la barre de recherche.” 

À quels besoins l’atomic research répond-t-elle ?

L’atomic research est un archivage évolutif, vivant et dynamique. Les connaissances n’y sont pas rangées pour prendre la poussière mais bel et bien pour être retrouvées, partagées et exploitées. La base de données grandit ainsi au fur et à mesure des études, elle croît avec l’organisation.

L’atomic research résout essentiellement 4 problèmes rencontrés par les organisations qui font de la recherche.

1. L’éparpillement

Textes, enregistrements, tableurs, extraits… L’absence d’un code commun de classement, ainsi que la diversité des outils et des bases de données utilisés engendre un éparpillement dans lequel il est difficile (et décourageant !) de naviguer.

De plus, pour des raisons opérationnelles, les chercheur·se·s font aussi parfois leur propre tri dans leurs découvertes, afin que leurs rapports soient par exemple plus ciblés ou plus succincts. L’atomic research propose un système commun de navigation de l’ensemble des données de l’organisation.

2. L’oubli

Les connaissances acquises à travers les années tendent à partir avec leurs référent·e·s. Elles sont rarement documentées et classées pour pouvoir être retrouvées par quelqu’un d’autre. Pourtant, certains de ces apprentissages peuvent rester pertinents plus tard. Par exemple, ils peuvent être utilisés à des fins comparatives dans le temps. Ou encore pour illustrer une redondance dans les feedbacks issus de tests. Les évolutions de projets itératifs sont ainsi documentées.

Certaines données, si elles n’ont pas d’usage opérationnel au moment de la mission au sein de laquelle elles ont été trouvées, seront perdues. Ces informations “hors-sujet” sur le coup peuvent pourtant s’avérer utiles dans d’autres projets. L’atomic research, en collectant l’ensemble des informations, empêche l’oubli définitif de ces données.

3. La perte de temps

Dans les grandes organisations notamment, plusieurs pôles de production de connaissances peuvent exister sans être reliés. Les connaissances acquises ne sont pas forcément partagées entre tout le monde, ni organisées d’une manière qui les rendent accessibles et consultables par n’importe quel membre de l’organisation.

Des doublons peuvent voir le jour simplement parce qu’un pôle n’est pas au courant qu’un autre a déjà effectué cette recherche. L’atomic research prévient ce risque.

4. L’opacité

L’atomic research est avant tout un outil collaboratif. Elle se positionne en système de gestion des connaissances mais entraîne aussi une réflexion sur les processus de l’organisation en montrant une volonté de partage d’infos commun et relativement continu.

En proposant un thesaurus commun (repository) enrichi des découvertes de tou·te·s, l’atomic research offre une perspective de collectes de données plus ambitieuses sur un même sujet, car plus grandes et davantage entrecroisées. Elle est ainsi susceptible de produire des insights inédits.

Aperçu d'un repository : un tableau ou les colonnes permettent de classer les étiquettes de chaque donnée

Le repository est la base de données globales
1 ligne = 1 nugget

Atomic design

Atomic design 2941 1081 Wedo studios


5 étapes pour concevoir une interface

Qu’est-ce que l’atomic design ?

La méthodologie design system de Brad Frost

L’atomic design est une méthodologie de conception d’interfaces théorisée par Brad Frost dans son livre éponyme. Son idée est d’adresser la multiplication des écrans et contextes d’usage par la construction de design systems organisés qui rendent les interfaces plus cohérentes.

Inspirée de l’étude de la matière, l’atomic design se découpe en 5 niveaux hiérarchisés, où chaque interface est un univers composé par des atomes, des molécules, des organismes, des templates et des pages.

Les 5 étapes de l’atomic design

1. Les atomes d’une interface sont ses plus petits éléments de construction, comme un bouton, un champ de recherche ou encore une balise d’indication.

2. Comme en chimie, une molécule est un groupement d’atomes qui forment un ensemble. Par exemple, les atomes cités plus hauts (bouton, champ de recherche, balise) s’agrègent pour former un formulaire de recherche.

3. Une section complexe d’une page  est un organisme formé de plusieurs molécules. Ici cette section de haut de page est composée, entre autres, d’un formulaire (molécule elle-même composée des atomes « bouton », « champ de recherche” et “balise”) mais aussi d’un logo-bouton et d’un menu complexe (où chaque élément est également une molécule). Les organismes font prendre forme aux sections de page et ébauchent la structure, la composition finale de l’interface.

4. L’analogie chimique s’arrête aux templates. Composés de plusieurs sections (ou organismes), ce sont des structures sans contenu (texte, image) qui remplacent les wireframes.

5. Enfin, les pages sont des variations de templates augmentées de contenus représentatifs de l’interface finale. Cette étape permet aux commanditaires  de se projeter sur une représentation complète et tangible. Les designers peuvent également mesurer l’efficacité de leur produit et repérer les points d’amélioration. C’est aussi le moment de tester des variantes de mise en page (comme l’effet d’un titre d’une ligne par rapport à un titre long par exemple, ou encore l’aspect d’un panier e-commerce d’un item par rapport à un panier rempli de 15 items).

Biais cognitifs

Biais cognitifs 1921 1081 Wedo studios


(Re)connaître et déjouer les pièges des biais cognitifs en recherche UX

Lorsqu’on mène une recherche utilisateur, il est important d’adopter une posture objective et neutre.

Cependant, enquêteur·rice et enquêté·e ont toutes et tous leur vécu propre, leur histoire, leur situation familiale, sociale, culturelle, géographique, etc.

Les quatre grands “problèmes” auxquels nous sommes confrontés, Buster Benson, 2016

Ces critères sont autant d’éléments qui influencent nos usages, et il existe de très nombreux biais.

Et ceux-ci sont susceptibles d’orienter les questions et les réponses lors d’un travail de recherche, particulièrement lors de la collecte de données qualitatives, comme lors d’un entretien semi-directif ou d’un test utilisateur.

Éviter les biais est donc un enjeu majeur pour la qualité d’un travail de recherche.

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

Un biais cognitif est un mécanisme de pensée qui altère notre perception d’une information par rapport à la réalité, et donc sa restitution fidèle. Pour gagner du temps et de l’énergie, le cerveau se base sur son vécu plutôt que sur une analyse objective.

Théorie du Système 1 / Système 2

Dans son bestseller de Thinking, Fast and Slow (2011), le célèbre psychologue Daniel Kahneman (lauréat du prix Nobel d’économie en 2002) identifie deux systèmes de pensée.

Le système 1 concerne les décisions du quotidien. Celles-ci sont machinales, automatiques, intuitives. Elles nécessitent donc aussi peu de temps, et permettent un gain d’énergie et d’attention consacrées à réfléchir.

Nous sommes plus influençables au cœur du système 1 et produisons des pensées plus facilement biaisées.

Le système 2 concerne les décisions complexes. Il s’agit d’un processus de réflexion plus contrôlé et plus analytique, qui sollicite davantage la raison. Le système 2 est donc aussi plus chronophage et énergivore.

Le système 2 nécessite davantage d’espace mental pour identifier, filtrer et dépasser les automatismes et instincts premiers.

“Quand tout se passe bien, c’est-à-dire la plupart du temps, le système 2 adopte les suggestions du système 1 avec peu ou pas de modifications. On croit généralement nos sensations et on agit en fonction de nos désirs, et ce n’est – d’habitude – pas un problème” dit Kahneman.

Ainsi nous passons la plupart de notre temps à emprunter le système 1, soit le moins rationnel, celui qui demande tout simplement moins d’efforts : c’est le choix naturel du cerveau.


(Re)connaître les biais cognitifs
en entretien ou en test utilisateur

Il existe de très nombreux types de biais, qui relèvent d’aspects cognitifs, affectifs, méthodologiques, sociaux ou culturels.

4 biais courants de l’enquêteur·rice

1. Le biais méthodologique est le fait de recueillir des informations de manière incomplète, par exemple via le non-respect du protocole, une mauvaise formulation des questions qui engendre des résultats erronés.

2. Le biais affectif consiste à être influencé·e par son humeur dans la conduite de l’entretien. Il est possible que le jour de l’entretien vous ne soyez pas en pleine capacité de vos émotions. Il est important de pouvoir le reconnaître afin de passer la main à un collègue ou reporter l’entretien.

3. Le biais de similarité c’est par exemple l’instinct de considérer plus favorablement des personnes qui nous ressemblent, par identification culturelle, sociale ou économique. L’objectif n’est pas de provoquer ce biais de similarité mais de le réduire au maximum.

Certain·e·s anthropologues, lorsqu’ils ou elles réalisent des observations sur le terrain, préconisent par exemple d’éviter de revêtir une tenue traditionnelle mais de choisir un vêtement sobre et neutre.

4. L’effet de confirmation nous pousse à privilégier des informations qui confirment nos hypothèses et à faire abstraction du reste. Il est très courant et naturel pour tout commanditaire qui cherche à consolider ses orientations.

Afin de s’en prémunir, il est conseillé d’adopter une attitude neutre et de bannir les questions fermées telles que “Si ce produit sortait sur le marché, l’achèteriez-vous ?”.

4 biais courants pour l’enquêté·e

1. L’effet de désirabilité sociale, c’est l’envie de se montrer sous son meilleur jour. Lors d’un entretien, l’interviewé a naturellement tendance à enjoliver ou à écarter certains faits ou émotions afin de faire bonne impression. Pour l’éviter, il est important de demander à l’interviewé de préciser certains faits, de creuser des épisodes escamotés et d’éviter les “effets boîtes noires” dans les récits individuels.

2. L’effet de soumission au groupe une modulation des réponses d’un·e interviewé·e en fonction de celles formulées par les autres membres du groupe, même si celles-ci ne lui conviennent pas. C’est pour cette raison que, chez Wedo studios, nous évitons de réaliser des entretiens de groupe ou focus group, et que nous privilégions des entretiens individuels.

3. Le biais affectif / de similarité est le même que pour l’enquêteur·rice.


Quelques conseils pour éviter les biais

Prendre connaissance de ses propres biais avant de réaliser un entretien utilisateur : son âge, sa situation socio-culturelle, ses liens personnels potentiels avec le sujet de recherche.

Multiplier les points de vue et former des équipes pluridisciplinaires pour apporter du contraste dans les opinions et de l’ouverture.

Objectiver la situation : au cours de l’entretien (et non dans le protocole), on peut chercher à faire des relevés quantitatifs (échelles de satisfaction, fréquence, temps d’utilisation etc…).

Par exemple, l’enquêté·e peut dire : “Globalement je trouve que le service est inefficace.” En lui demandant un exemple spécifique et contextualisé (comme : “Pourriez-vous me raconter comment cela s’est passé la dernière fois que vous avez utilisé le service ?”), l’enquêteur·rice lui fait préciser concrètement sa perception.

Dans un autre contexte, l’enquêté·e peut déclarer : “Je vais souvent chez le médecin.” Ici l’enquêteur·rice peut lui demander de préciser la fréquence (“combien de fois ?”) et la temporalité (“depuis quand ?”). Cela nourrit la réponse d’éléments objectifs.

Pratiquer des exercices d’écoute adaptative : prise de recul, curiosité, nuance, souplesse, opinion personnelle… Il est pourtant beaucoup plus confortable d’être la personne qui parle. D’abord parce que cela nous met en situation de contrôle. Ensuite parce que si nous émettons environ 225 mots par minute, nous sommes capables d’en écouter plus du double.

Écouter est donc un exercice à la fois facile et difficile. Facile car le cerveau en est parfaitement capable et difficile car cela laisse une disponibilité, un espace mental vacant qu’on a naturellement tendance à vouloir combler.

Apprendre à écouter

L’écoute est pourtant au cœur d’un exercice comme celui de l’entretien. On distingue trois types d’écoute :

  • évaluative : où l’on juge les propos tenus.
  • interprétative : où l’on donne un sens aux propos entendus en fonction de ses propres représentations.
  • transformative : avec la volonté de changer de point de vue et de considérer celui des autres.

L’écoute transformative, un indispensable de l’enquêteur·rice

En UX, c’est l’écoute transformative qui doit être privilégiée par les enquêteur·rice·s afin d’en apprendre le plus possible sur les enquêté·e·s.

Selon Bourdieu : « L’entretien peut être considéré comme une forme d’exercice spirituel, visant à obtenir, par l’oubli de soi, une véritable conversion du regard que nous portons sur les autres dans les circonstances ordinaires de la vie » (1993). Cette notion de “conversion du regard” se retrouve dans l’approche de l’écoute transformative.

Pour l’atteindre, un·e interlocuteur·rice doit adopter une posture non directive non seulement par rapport au contenu des échanges mais aussi vis-à-vis du processus complet, ainsi qu’une écoute emphatique. Il s’agit d’une reconnaissance mutuelle et d’un échange.

L’objectif de cet exercice n’est pas de trouver la bonne réponse, ni d’opérer une projection de soi sur autrui (c’est-à-dire de prêter à la personne en face, potentiellement très éloignée de soi socialement, la même posture, identité, ou le même mode de pensée que soi).

Il s’agit au contraire d’offrir des conditions de communication affranchies de tout jugement ou d’attente à l’utilisateur qui l’autorisent à exprimer des malaises, des besoins ou des demandes.

Le principe fondateur de l’écoute transformative est le contraste et la rencontre des points de vues, des expériences et des savoirs. C’est la recherche d’une multitude de réponses qui se mêlent et interagissent. Elle cherche ainsi à mobiliser la richesse de l’intelligence collective et ses perspectives d’innovation.

Entretien semi-directif

Entretien semi-directif 1920 1081 Wedo studios

Antisèche : tout pour réaliser
un bon entretien semi-directif

Qu’est-ce que l’entretien semi-directif ?

L’entretien semi-directif est une méthode de recherche utilisateur qui consiste à interroger des utilisateur·rice·s, usagers, client·e·s ou collaborateur·rice·s, afin de consolider des hypothèses terrain, d’approfondir la connaissance des besoins et de revenir sur la genèse de l’ensemble du parcours utilisateur.

Il est mené dans un environnement calme et maîtrisé, de manière souple et naturelle, en suivant une liste indicative de questions définies à l’avance sur un guide d’entretien.

En laissant la personne libre de s’exprimer et de développer ses propres arguments, l’entretien semi-directif permet de découvrir de manière approfondie tout ce qui pourrait influencer l’utilisateur·ice d’un produit ou d’un service.

Cette méthodologie  s’utilise en complément de la recherche terrain. Chez Wedo studios, nous le considérons comme un élément incontournable de toute étude exploratoire.

Principaux bénéfices de l’entretien semi-directif

L’entretien semi-directif révèle les cadres de représentation et schémas de pensée profondément ancrés dans l’esprit des personnes interrogées. Il permet de hiérarchiser les besoins, de détecter les stratégies de contournement et de révéler les signaux faibles de l’expérience utilisateur.

Avant l’entretien

Rédiger le guide d’entretien

Le guide d’entretien est un document rédigé qui recense les grandes thématiques à aborder pendant l’entretien,  des questions générales, des questions plus précises ainsi que des relances pour approfondir davantage si besoin. Ce document doit être soigneusement préparé.

Les relances

Les relances doivent se faire en fonction de ce que l’enquêté·e nous dit de son expérience : on peut demander des exemples, des explications, jouer le jeu de la naïveté, lui demander de reformuler.

Il ne faut pas hésiter à demander à l’enquêté·e de recontextualiser ses anecdotes en fonction des événements racontés pour toujours réinscrire le discours dans la chronologie.

L’importance des tournures

4 formulations à éviter

1. Les questions qui induisent la réponse : “Êtes-vous d’accord avec le fait que… ?” Ce type de question biaise la réponse de l’enquêté·e.

2. Les questions doubles : “Êtes-vous marié·e ? Avez-vous des enfants ?” Les questions doubles dispersent l’enquêté·e qui doit en prime faire un effort pour prendre en compte les deux questions. Il vaut mieux poser les questions l’une après l’autre, ou choisir une question ouverte plus générale (“Pouvez-vous indiquer votre situation familiale ?”).

3. Des questions par la négative : Ne pensez-vous pas que… ?

4. Des questions fermées (Pensez-vous que… ?)

4 bonnes pratiques

1. Privilégier le “comment” au “pourquoi” (qui implique une justification pour le·a participant·e) et les tournures telles que “En quoi”, “Pour quelles raisons”, etc.

2. Utiliser des questions générales comme : “Que vous évoque… ?”, “Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand je vous parle de… ?”, “Comment vous y prenez-vous pour… ?”

3. Demander davantage de détails : “Auriez-vous un exemple ?”

4. Poser des questions sur les émotions de l’interviewé·e : “Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?”

La fluidité de la relance, dans la continuité de l’échange et du discours de l’interviewé·e, compte énormément dans le succès de l’exercice.

Se mettre en condition

Un entretien semi-directif est un exercice énergivore qui exige une grande concentration.

Pour être le plus assuré·e possible, il faut arriver bien préparé·e : avoir en tête le profil de l’enquêté·e et être dans une condition morale et physique qui permette la concentration.

Il faut démarrer d’emblée de façon professionnelle.

Il est aussi recommandé de regarder la personne dans les yeux dès le début pour instaurer une relation de confiance et lui montrer l’attention et le sérieux qui lui sont portés.

Ne pas oublier l’enregistrement

L’anticipation de la phase d’étude des témoignages recueillis nous permet non seulement de gagner du temps mais aussi d’être exhaustif·ve·s dans notre analyse. Les enregistrer est nécessaire pour mener une recherche rigoureuse et revenir sur les données.

Il faut donc s’assurer en amont :

  • de prévoir un dispositif d’enregistrement fonctionnel.
  • d’avoir l’accord de l’interviewé·e.

Pendant l’entretien

Constituer un binôme complémentaire

L’équipe de personnes qui interviewent doit être répartie en amont et composée :

  • d’un·e modérateur·rice pour conduire l’entretien.
  • d’un·e observateur·rice pour prendre des notes, pour enregistrer, être attentif à l’attitude non-verbale de l’interviewé·e.

Il est important de ne pas déséquilibrer l’échange en étant davantage (trois, quatre, voire plus) de personnes face au participant ou à la participante. En effet, un groupe plus large d’interlocuteur·rice·s pourrait lui donner l’impression intimidante d’être confronté·e à un jury.

Il est d’ailleurs préférable que l’observateur·rice qui prend des notes adopte une posture de retrait. Ainsi le modérateur ou la modératrice établit un contact privilégié avec l’interviewé·e.

Déroulé de l’introduction

Mettre en place une relation adéquate avec l’interviewé·e

L’attitude de la personne qui mène l’entretien doit mettre l’utilisateur·rice suffisamment à l’aise pour qu’il ou elle s’exprime avec aisance et franchise. Il est donc primordial d’adopter une attitude basée sur l’empathie et l’acceptation, ainsi que de se montrer peu directif.

Pour s’assurer un maximum de réponses franches et donc pertinentes pour la recherche, il ne faut pas hésiter à utiliser des formules telles que : “Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses” ou encore “Nous ne sommes pas les concepteurs de ce service/produit, n’hésitez pas à être critique.”

Il s’agit de se positionner entre proximité et distance, un degré délicat d’ouverture encourageante pour l’utilisateur·rice et de réserve professionnelle. Enfin, il est primordial de connaître ses biais cognitifs pour rester objectif·ve.

Se présenter

L’entretien semi-directif est une rencontre, il est donc essentiel de commencer par se présenter. Indiquer qui l’on est et sa fonction montre du respect envers  l’interviewé·e et le ou la rassure.

Il ne faut pas oublier de parler de la structure à laquelle on appartient (agence, entreprise, institution), la structure pour laquelle on mène cette étude, et surtout décrire le projet en termes compréhensibles pour l’interlocuteur·rice.

Rappeler les règles

Les consignes permettent de cadrer la relation et le déroulement de l’entretien, ainsi que le rapport avec l’interviewé·e. Il faut donc informer l’interviewé·e de ses droits (anonymat, liberté de parole). Cela montre aussi que l’exercice est sérieux et encadré.

Pour cette partie, il est recommandé de rester formel·le et de dérouler le règlement de façon protocolaire.

Dérouler l’entretien

La trame du guide d’entretien n’a pas besoin d’être chronologiquement suivie. Il se peut que dans le fil de la discussion, l’enquêté·e passe d’un sujet à l’autre sans respecter l’ordre prévu. Il faut s’adapter et revenir sur les questions non posées plus tard. Le plus important est de le laisser discuter librement.

Il est par ailleurs conseillé d’alterner des phases de questions avec des phases de stimulation mémorielle : avec des photos ou vidéos du site susceptibles de faire réagir votre enquêté·e sur des éléments précis du terrain par exemple

Pendant l’entretien, il est utile de prendre des notes sous la forme de verbatims.

Gérer le silence

Un silence est dit “vide” lorsque l’interviewé·e a le sentiment qu’il/elle n’a plus rien à dire, et est dans l’attente que le modérateur intervienne. Il appartient donc à ce dernier de le/la relancer afin d’éviter qu’il/elle perde le fil de sa pensée.

Le silence “plein” est au contraire une pause de réflexion nécessaire à une réponse enrichie. Quand l’interlocuteur·rice se tait, son cerveau continue de penser à la question, parfois revient sur une question importante, un point oublié, une réponse difficile. Il ou elle compose sa réponse pour la livrer ensuite. La personne peut avoir envie d’approfondir des choses auxquelles on ne pensait pas.

Enfin, on parle du silence tendu, au cours duquel l’interviewé·e éprouve des difficultés à mettre en mots ce qu’il/elle ressent. Cela peut être empreint d’une inquiétude due à un souvenir douloureux, une pensée redoutée. Il appartient donc aux modérateur·rice·s de tendre une perche pour faciliter le processus de mise en mots.

Lorsque l’on mène un entretien, on doit être capable de distinguer ces trois types de silence afin d’y répondre au mieux.

Conclure en soignant la fin de l’entretien

Malgré la fatigue, il faut absolument rester sur un mode professionnel et empathique jusqu’au bout.

L’enquêté·e accorde son temps, parfois des confidences : il ne faut donc pas terminer de façon trop abrupte. Si l’interviewé·e va dans ce sens, il faut accepter (dans la limite du professionnalisme et des règles de confidentialité) les questions personnelles, les imprévus, ou encore un moment convivial.

On peut lui proposer de poser une question à son tour. Quand c’est possible, on peut détailler l’étude et son utilité.

Bien remercier l’enquêté·e est très important pour l’assurer de la qualité de son témoignage, en lui indiquant par exemple que ses réponses sont précieuses.

Clubhouse

Clubhouse 4890 2603 Wedo studios

Au cas où vous viviez sur une autre planète, Clubhouse c’est un “réseau social slash de networking”, 100% vocal, sous forme d’app mobile, à l’origine uniquement disponible sur iOS (la version Android vient de sortir et les enjeux étaient au rendez-vous). Le principe est de converser (à l’oral) avec des utilisateurs sur une thématique préalablement définie. On aura un indice là-dessus en lisant le nom donné à la room.

Dans la bonne room au bon moment

Ces salles virtuelles peuvent regrouper jusqu’à 5000 utilisateurs, et peuvent être publiques (ouvertes à tous), semi-privées (dédiées à son réseau, ses followers) ou privées (sur invitation uniquement).

Créée il y a un peu plus d’un an (mars 2020), et valorisée aujourd’hui à plus de 4 milliards de dollars, la licorne a séduit Elon Musk et Xavier Niel qui ont rapidement saisi l’occasion de s’afficher dessus.

Mais pourquoi attire-t-elle ?

L’app mise sur une logique d’exclusivité, intégrée à différents niveaux de l’expérience utilisateur. Cette stratégie de l’exclusivité n’est pas inédite et a déjà porté ses fruits, en digital, comme en retail ou en événementiel.

Pendant de nombreux mois, on ne pouvait rejoindre Clubhouse que sur invitation. On devait forcément connaître un membre pour s’y faire inviter. (Même si à l’heure où nous écrivons ces lignes, Clubhouse a confirmé que tout le monde pourrait s’y inscrire à partir de cet été, qu’on ait un iPhone ou non.)

Deuxième effet en chaîne, ce caractère exclusif, unique, nous incite à tester l’application sitôt que l’on reçoit l’invitation. FOMO oblige, on ne veut pas rater le coche, déjà content d’y avoir été invité. À la différence d’un réseau social ouvert, sur lequel on aura tendance à traîner (ou pas) pour s’y inscrire, Clubhouse crée ce désir d’appartenance qui nous fait cliquer.

Mais là, premier hic : quand on ouvre l’app pour la première fois, on ne sait pas vraiment où donner de la tête. L’onboarding est sommaire voire inexistant, et la homepage de l’app n’est pas des plus explicites. Au départ dénué de followings et de followers (nous reviendrons plus loin sur ce que cela implique), la page d’accueil propose des noms de salle dans tous les alphabets.

On se surprend alors à cliquer sur l’un d’eux, pour atterrir ni une ni deux dans une room : on entend alors un utilisateur, voire deux ou trois, mais on se demande en fait si on ne sera pas mis sur le devant de la scène par erreur. Pris de panique, on quitte l’échange précipitamment.

Ce manque de clarté dès les premiers instants d’utilisation est un écueil non négligeable quand on sait à quel point ils sont déterminants pour un utilisateur.

Sur Clubhouse, il n’y a que du direct. Rien n’est enregistré, et ce n’est d’ailleurs pas autorisé. L’app détecte même si un utilisateur fait une capture vidéo. Cette caractéristique alimente également ce sentiment d’exclusivité. Rien ne se reproduira, tout est unique. Il faut donc être dans la bonne room au bon moment. Qui peut prétendre se trouver dans la même pièce qu’Elon Musk à part un utilisateur de Clubhouse ?

Entre austérité et chaleur : une UI ambivalente

L’icône de l’application est peu commune. C’est une photo en noir et blanc d’un (potentiel) utilisateur. Ici, pas de logo, ni de couleur néon ou pastel. En plus d’avoir changé trois fois en un an, le visuel choisi n’a rien à voir avec l’objet de l’app.

Elle se fond dans le paysage d’un écran d’iPhone, comme une invitation à la discrétion, ou un privilège d’initié qui saura la reconnaître parmi d’autres. Cette stratégie est en marge des applications naissantes qui cherchent justement à se distinguer, à être vues parmi les concurrents. Sauf que quand tout le monde cherche à être unique, plus personne ne l’est. Une fois de plus, Clubhouse prend le parti de la singularité.

Autre ambiguïté remarquable, la charte graphique plutôt chaleureuse de l’application : des nuances de blanc, gris clair et beige, des typographies noires, des composants tout en rondeur et des call-to-action vert (un vrai vert “vert”). Les emojis occupent également une place très importante à tous niveaux : thématiques, nom des rooms, utilisateurs.

On pourrait se demander ce qui a conduit à faire ce choix, quand on sait que les sujets de prédilection de Clubhouse peuvent paraître austères et inspirent la hiérarchie et le sérieux : la tech, l’innovation, ou les cryptomonnaies, en tout cas à ses débuts. On aurait eu tendance à penser plutôt à du noir et du bleu pour ce type de sujet.

Un utilisateur à chaque place, mais pas forcément une place pour chaque utilisateur

Cette ambivalence se traduit également dans l’expérience utilisateur et les fonctionnalités de base de Clubhouse : on peut se faire inviter dans une room par un contact, mais il faudra lever la main pour prendre la parole.

On peut entrer et sortir librement des rooms publiques (il suffit de taper sur Leave quietly, aujourd’hui devenu simplement ✌️ Leave), à la différence des applications classiques comme Messenger, WhatsApp ou de nombreuses autres applications sur lesquelles on sait quand un utilisateur est connecté (pastille verte) et quand le destinataire a lu notre message (ou en tout cas vu).

Sur Clubhouse, on se déplace de room en room en toute discrétion, pour vivre des moments uniques. Mais une nouvelle fois, on pourrait trouver ici de l’ambivalence entre le désir de faire partie de la communauté, sans pour autant en être acteur. Tout le monde peut animer une room, certes, mais tout le monde ne se bousculera pas forcément au portillon pour y participer. Nous l’avons dit plus haut, il faut être dans la bonne room au bon moment.

Mais encore faut-il la trouver cette room. Car nous en parlions, les recommandations de la home dépendent des contacts que l’on décidera de suivre. Les utilisateurs les moins regardants auront d’autant plus de chances de se voir proposer du contenu qui ne les intéresse pas.

Et l’expérience a montré que cela pouvait s’avérer déterminant pour la suite de l’UX. Cela représente un autre écueil de l’application, qui, comme nous l’expliquions plus haut, n’accompagne pas suffisamment ses utilisateurs dans les premiers pas.

Une licorne en voie de devenir chimère ?

L’audio a trouvé sa place dans nos pratiques. Des podcasts, aux assistants vocaux, en passant par les nouvelles applications 100% vocales, les utilisateurs semblent peu à peu se détourner des écrans.

Clubhouse, ayant su révéler une tendance maintenant reprise par les géants du digital déjà établis (Spaces de Twitter, Reddit Talk de Reddit, Live audio rooms de Facebook, acquisition du leader des lives sportifs Locker Room par Spotify), semble néanmoins confrontée à des enjeux importants de compréhension et de simplification de son produit si elle ne veut pas se brûler les ailes en plein vol.

4 méthodes de recherche UX

4 méthodes de recherche UX 1921 1236 Wedo studios

Bien choisir ses méthodes de recherche utilisateur

4 méthodes de recherche utilisateur

Dans le cadre d’une recherche utilisateur, différentes méthodes d’observation et de recueil des usages permettent de détecter les besoins, perceptions, motivations, difficultés et logiques d’actions des utilisateur·rice·s d’un produit ou service.

Issues d’une riche tradition de recherche ethnographique, ces méthodes diffèrent par leurs objectifs de recherche, le type d’information collectée et le degré d’interaction avec les utilisateur·rice·s. Certaines sont utilisées directement dans le contexte d’usage  du produit ou service, d’autres dans un environnement contrôlé.

Les 4 principales méthodes utilisées par Wedo Studios

1. Le shadowing

Cette méthode consiste à « marcher dans l’ombre » des utilisateur·rice·s afin d’observer en temps réel leurs comportements, leurs usages et leurs perceptions avec le produit ou service sans interférer avec eux.

Le shadowing

Souvent utilisée dans une phase exploratoire, au démarrage de l’enquête terrain, cette méthodologie d’observation in-situ permet de faire émerger des hypothèses sur les typologies d’utilisateur·ice·s en présence, leurs parcours au sein d’un espace donné ainsi que les irritants auxquels ils pourraient faire face.

Quand l’utiliser ?

Lorsque le flux d’utilisateur·rice·s est important et qu’il est possible de “se fondre” dans la masse (aéroport, gare, hôpital, lieu de vente, etc).

Quels bénéfices ?

Le shadowing permet d’observer des comportements spontanés et non objectivés. Les données recueillies sont précieuses car il n’y a aucune parole rapportée de la part de l’utilisateur·rice (ce qui permet de déjouer de nombreux biais tels que celui de désirabilité sociale).

 À partir de cette observation in-situ, l’UX researcher peut d’ores et déjà émettre des hypothèses sur l’expérience utilisateur qui seront infirmées ou confirmées lors d’entretiens. Ces premières données de terrain lui permettront d’affiner son protocole d’enquête ainsi que son guide d’entretien.

Quelques tips

Se fondre dans le décor pour ne pas éveiller la curiosité des utilisateur·ice·s (éviter les appareils photos imposants ou tenues inappropriées en fonction du contexte).

Consolider son observation avec des relevés quantitatifs : comptage des  utilisateur·ice·s à des points stratégiques, chronométrage des parcours (temps de lecture d’un panneau, temps moyen pour se rendre d’un point A à un point B).

2. Les entretiens de terrain

Réalisés, comme leur nom l’indique, directement sur le terrain, ils permettent de recueillir « à chaud » les besoins, émotions et attentes des utilisateur·rice·s vis-à-vis d’un produit ou service tout en observant le contexte qui y est associé (langage corporel, attitude, environnement).

Les entretiens de terrain

Souvent réalisés en complément du shadowing, les entretiens de terrain, ou “entretiens flash”, permettent d’approfondir les points relevés lors de la phase d’observation et de recueillir des verbatims sur des points stratégiques de l’expérience client (signalétique, borne, file d’attente).

Quand l’utiliser ?

Lorsque le flux d’utilisateur·ice·s est constant (pas nécessairement élevé mais suffisant pour réaliser plusieurs entretiens à la suite).

Quels bénéfices ?

L’entretien de terrain permet d’interroger un volume d’utilisateur·ice·s important afin de consolider les points observés en amont (en complément du shadowing par exemple). Habituellement, nous essayons d’interroger une dizaine de personnes par heure et par UX researcher, avec des entretiens qui durent en moyenne 5 à 15 minutes.

Cet exercice permet également de recruter des utilisateur·ice·s cibles directement sur le terrain en vue d’une phase d’entretiens semi-directifs ou d’un test utilisateur. L’UX researcher a la possibilité d’expliquer l’étude (de manière plus efficace qu’un mail ou un questionnaire type screener par exemple) et de se rendre compte si l’utilisateur·rice correspond à un des profils recherchés.

Quelques tips

Porter un badge avec son prénom et le nom de l’entreprise commanditaire, afin de ne pas provoquer la défiance des utilisateur·rice·s.

Préparer des questions en amont de l’entretien en privilégiant des formulations ouvertes et non-directives.

3. Le parcours commenté

Cette méthodologie vise à accompagner un·e utilisateur·ice dans son parcours d’usage d’un produit ou d’un service, en lui demandant de commenter toutes les actions qu’il ou elle réalise.

Le parcours commenté

L’objectif est d’identifier avec précision l’ensemble des logiques d’actions, perceptions et points de contacts (outils et devices, signalétique, interactions humaines) liées à son parcours.

Quels bénéfices ?

Le parcours commenté permet de combiner plusieurs regards : l’observation du non-verbal, tout d’abord, dans un environnement donné (aisance liée au numérique, usage des outils, postures) et le recueil des perceptions de l’utilisateur·rice vis-à-vis de son parcours (rituels individuels, charge cognitive, niveau de stress, perception du service).

Quand l’utiliser ?

Lorsque le flux d’utilisateur·rice·s est très faible ou dans le cadre d’une analyse de l’expérience collaborateur (technicien·ne sur site, agent·e d’accueil). C’est également utile lorsque l’on cherche à analyser un process métier étendu sur plusieurs heures ou tout au long d’une journée.

Quelques tips

Jouer l’ingénu·e à chaque parcours commenté (même si c’est le dixième que vous réalisez !) : rester constamment curieux·se des réponses des utilisateur·ice·s, sans émettre de jugement, de comparaison ou sauter directement aux conclusions. Il est conseillé de réaliser une dizaine de parcours commentés afin de pouvoir croiser les informations et formaliser un diagnostic de l’existant.

4. L’entretien semi-directif

Pièce maîtresse de l’étude utilisateur, l’entretien semi-directif permet de consolider des hypothèses terrain, d’approfondir des besoins utilisateurs et de revenir sur la genèse et l’ensemble du parcours.

L’entretien semi-directif

Il est mené dans un environnement  calme et maîtrisé, de manière souple et naturelle, en suivant une liste indicative de questions définies à l’avance.

En laissant la personne libre de s’exprimer et de développer ses propres arguments, il permet de découvrir de manière approfondie tout ce qui pourrait influencer l’utilisateur·ice d’un produit ou d’un service.

Quand l’utiliser ?

En complément de la recherche terrain. Nous le considérons comme un élément incontournable de toute étude exploratoire.

Quels bénéfices ?

L’entretien semi-directif révèle les cadres de représentation et schémas de pensée profondément ancrés dans l’esprit des personnes interrogées. Il permet de hiérarchiser les besoins, de détecter les stratégies de contournement et de révéler les signaux faibles de l’expérience utilisateur.

Alterner des phases de questions avec des phases de stimulation mémorielle : photos ou vidéos du site afin de faire réagir votre enquêté·e sur des éléments précis du terrain.

Chacune de ces méthodes a ses avantages et ses focus spécifiques, et elles peuvent se compléter mutuellement. La combinaison choisie variera donc en fonction des objectifs et du contexte de réalisation de la recherche utilisateur, notamment la possibilité d’interaction avec les utilisateur·rice·s. Il est donc essentiel de soigneusement préparer sa recherche utilisateur avant de se lancer sur le terrain !

Faut-il toujours “gagner un clic” ?

Faut-il toujours “gagner un clic” ? 4890 2603 Wedo studios


La règle des trois clics, une fausse

bonne idée ?

“Gagner un clic” qu’est-ce que ça veut dire ?

Cette demande client, souvent émise lors des réunions d’échange sur les maquettes d’interfaces, signifie en fait “économiser” des clics et réduire le nombre de clics d’un parcours utilisateur sur une interface.

Cette question s’ancre notamment dans la règle des trois clics, pour laquelle il y a deux cas d’application :

    1. Il faut qu’en trois clics l’utilisateur·rice puisse accéder au site.
    2. Il faut qu’en trois clics, l’utilisateur·rice puisse trouver l’information qu’il ou elle cherche.

D’où vient la règle des trois clics ?

Dans Taking your talent to the web (2001), le conférencier en webdesign Jeffret Zeldman évoque cette règle comme une réponse au désir de gratification immédiate des usagers. “S’il ou elle ne trouve pas ce qu’il ou elle cherche en trois clics, l’utilisateur·rice va aller sur le site de quelqu’un d’autre.” Cette assertion sera critiquée par Page Laubheimer (Nielsen Norman Group) qui déplore l’absence de données susceptibles de l‘étayer.

La règle des trois clics viendrait donc des années 2000, quand les pages mettaient beaucoup plus de temps à charger. Dans ce cas de figure, pouvoir accéder à une information rapidement (sans avoir à cliquer et changer de page de nombreuses fois pour atteindre l’information ou l’objectif souhaité·e) améliore considérablement l’expérience utilisateur.

La règle des trois clics est-elle une règle d’or ?

Dans son best-seller, Lou Downe fait la distinction entre les services transactionnels et les services impliquants.

Services transactionnels

Un achat en ligne est un service transactionnel. Le tunnel d’achat le plus célèbre pour sa rapidité est sans doute Amazon 1-Click. L’idée de facturation, livraison et paiement en un clic était alors révolutionnaire. Acheter en un clic réduit en effet la charge cognitive et prévient les hésitations de l’acheteur·euse : il n’y a pas de champs à remplir, pas de saturation d’informations, pas de surprise sur la durée trop longue du processus.

Pour les achats qui ne nécessitent pas une réflexion approfondie, l’expérience utilisateur est rendue plus fluide. Enfin, sur de petits écrans comme les mobiles, l’achat en un clic est à la fois plus agréable et plus pratique (la visibilité et la taille du bouton “acheter”, et des call-to-action en général, sont donc cruciales).

Mais 1-Click a aussi été largement critiqué car les données récoltées étaient un atout majeur pour le lancement concomitant d’Amazon Marketplace, leur plateforme de mise en relation d’acheteur·euse·s et de vendeur·se·s tierces.

Outre l’encouragement à l’achat compulsif, 1-Click a ainsi ouvert la porte à l’économie des données. Breveté dès 1999 par Amazon en tant que méthode commerciale protégée, le service fourni et sa fluidité justifient la récolte de données auprès des utilisateur·rice·s.

Parcours d’achat ordinaire vs. parcours 1-Click

La prise de rendez-vous médical (comme Doctolib), bien que n’étant pas de la vente en ligne, constitue également un service transactionnel :  l’objectif de l’utilisateur·rice est d’avoir rapidement et facilement son rendez-vous. Un moyen d’atteindre cet objectif est par exemple l’intégration d’indications dans la barre de recherche avant même la première action de l’usager (visuel 1 ci-dessous : “médecin, établissement, spécialité…”) et de suggestions quand l’usager commence à taper (visuel 2 : “M. Denis Boulanger”). Ces éléments guident l’utilisateur·rice et accélèrent le processus.

Visuel 1 : Extrait de parcours Doctolib
Visuel 2 : Extrait de parcours Doctolib

Services impliquants

Un service impliquant nécessite une prise de décision. Il s’agit par exemple d’une démarche administrative (CAF) ou du dépôt d’un dossier auprès d’un service public (mairie). Ces cas de figure peuvent comporter des formulaires demandant beaucoup d’informations.

Regrouper la collecte de toutes ces données sur une seule page diminue effectivement le nombre de clics. Cela n’améliore cependant pas nécessairement l’expérience de l’utilisateur·rice, qui est déjà dans une procédure à fort impact sur sa vie (allocations par exemple).

Pour lui faciliter les choses, on peut par exemple lui permettre de se concentrer sur une seule tâche à la fois, en proposant un parcours décomposé en étapes ou encore une classification par catégorie. Paradoxalement, le ressenti peut être celui d’un processus moins long parce qu’il est en étapes et engendre moins de charge cognitive.

Il y a divers moyens de décomposer un parcours pour l’utilisateur·rice, à commencer par indiquer dès le début cette découpe par un stepper, au-dessus de la ligne de flottaison. On peut aussi utiliser des pop-ins pour rester dans le parcours tout en distinguant le degré d’importance ou de conséquence d’une étape, en signalant par exemple à l’utilisateur·rice quand il ou elle valide s’engage juridiquement (déclaration sur l’honneur) ou ne pourra plus revenir en arrière (validation).

Le stepper permet à l’utilisateur·rice de se concentrer sur une seule tâche à la fois

Un exemple connu de bonnes pratiques est le parcours d’étapes courtes d’Airbnb : au lieu d’un long formulaire avec beaucoup de questions d’emblée, le parcours est découpé en une série d’écrans. Ainsi l’utilisateur·rice n’est pas dépassé·e par une tâche trop importante d’un coup. Cela réduit drastiquement le risque qu’il ou elle renonce à la tâche et quitte tout simplement le parcours.

Parcours Airbnb décomposé en écrans-étapes

La SNCF réconcilie le besoin de rapidité du processus d’achat d’un billet de train et la nécessaire décomposition d’un parcours aux critères multiples (date, horaires, profil d’usager). Le parcours d’achat est ainsi découpé en étapes qui restent modifiables jusqu’à la validation finale : on peut donc changer la date du billet sans tout recommencer, ce qui fluidifie l’expérience et évite le découragement de l’utilisateur·rice.

Navigation sans étape catégorisée vs. décomposée en tâches

Une étude quantitative de Center Centre montre qu’en faisant faire des tâches longues ou courtes à des utilisateur·rice·s, les personnes testées n’abandonnent pas la navigation après trois clics mais continuent leur parcours (qu’ils soient des échecs ou non), parfois même après 25 clics.

On peut en conclure que le nombre de clics n’assure ni la réalisation d’une tâche, ni son échec. Cette étude avait aussi pour objectif de déterminer si la satisfaction de l’utilisateur était en corrélation avec le nombre de clics : ce n’était pas le cas non plus.

6 bonnes pratiques alternatives à la “règle” des trois clics

1. Suivre scrupuleusement la règle des trois clics seulement si elle respecte d’abord les règles ergonomiques pour limiter le risque de créer des pages surchargées et polluantes visuellement pour les usagers. Si la solution choisie privilégie la règle des trois clics plutôt que les règles ergonomiques, il faut repenser la solution.

2. Soigner l’équilibre de l’arborescence fluidifie la navigation. L’organisation des informations en catégories et leur hiérarchisation ont un impact considérable sur l’expérience utilisateur et la facilité du parcours. Contentsquare remarque que la règle des trois clics peut bloquer la profondeur de navigation. Un fil d’ariane peut éviter cette difficulté.

3. Instaurer une signalétique de progression réduit le taux d’abandon. Les gens ont besoin de savoir où ils se trouvent au sein du parcours et combien de temps ils doivent encore y passer. Un stepper indiquant les différentes étapes du parcours et celles restantes évite l’abandon par lassitude et incertitude.

4. Travailler un UX writing (des indications verbales intuitives sur les interfaces) adapté et penser à l’affordance des libellés permet de véritablement guider les choix de l’utilisateur·rice. Comme le recommande Impact Plus, il faut éviter à tout prix d’être vague. Par exemple, Bank of America a retravaillé ses formulations de notifications.

5. Sélectionner des éléments à soumettre impérativement à la règle des trois clics assure l’accessibilité immédiate des informations clés. Ce sont les informations spécifiques recherchées par les utilisateurs, celles qui répondent directement à leurs questions et à leurs attentes. Si une personne cherche un site pour réaliser un devis de BTP, elle veut pouvoir accéder sans circonvolutions à une page lui proposant un bouton “faire un devis”.

6. Penser responsive pour s’adapter aux contextes et supports de navigation. IEEE et Contentsquare abordent l’importance de prendre en compte l’aspect multi-canal et multi-device des navigations, une problématique qui existait beaucoup moins à l’époque du texte de Zeldman, et qui rappelle aussi aux designers que l’accès au haut débit n’est pas universel.

La règle des trois clics n’a donc pas valeur de loi absolue en UX design : il est plus important d’être transparent avec l’utilisateur·rice, au sens large. Plus l’intention de la personne, sa compréhension du clic et le résultat de celui-ci sont alignés, plus l’expérience utilisateur est optimale.