Introduction au DesignOps

Introduction au DesignOps 2883 1533 Wedo studios


Introduction au DesignOps

DesignOps, le terme était sur (presque) toutes les lèvres, lors de la Conférence Qui Tue le Game, l’évènement design qui s’est tenu en ligne en novembre dernier, axé sur les évolutions tous azimuts du secteur et de ses métiers.

En 2015 déjà, Adobe l’affirmait : les entreprises qui encouragent la créativité et investissent dans leur expérience client à travers le design, multiplient leur part de marché par 1,5. Cette même année, la Direction Générale des Entreprises, publie Quand le design crée de la valeur pour les entreprises, ouvrage dédié à l’impact du Design.

McKinsey confirme le constat dans son Business value of design en 2018 : les organisations faisant du design une priorité auraient doublé leur chiffre d’affaires par rapport à leurs concurrents. 

De fait, les équipes de design s’accroissent et les designers occupent des postes de plus en plus stratégiques au sein des entreprises. La question de l’organisation et de l’opérationnalisation des équipes de design apparaît alors comme  primordiale. C’est là qu’intervient le DesignOps, afin de permettre une articulation fluide et efficiente des process entre les différents designers, mais aussi entre les équipes design et le reste de la structure.

Une démarche adoptée par de nombreuses entreprises telles que Slack, Visa, Pinterest, Mailchimp ou encore Orange et Thales. 

On vous en développe les grandes lignes en compagnie de Nicolas Chatelain, Design System Designer, membre de l’équipe DesignOps au sein d’Orange, et auteur d’un mémoire sur le sujet.

En quoi consiste le DesignOps ?

Inspiré du DevOps, le DesignOps (ou Design Operations) est avant tout une démarche centrée sur l’humain, un état d’esprit dont l’objectif est d’encourager la créativité, la productivité, la communication ou encore la collaboration au sein des équipes de design.

Notons que le terme “design” fait référence à une multitude de pratiques et d’expertises (UX design, UI design, UX research, UX writing, design de produits, design haptique, design conversationnel), souvent amenées à travailler ensemble. 

Si ces différentes branches du design ont toutes le même objectif – créer la meilleure expérience utilisateur et client possible – elles n’utilisent pas forcément les mêmes process. Le DesignOps permet alors d’opérationnaliser, de systématiser ces collaborations à l’aide de différents outils et méthodes.

Le DesignOps sert également à encourager et organiser la coopération entre les équipes de design et les autres secteurs de l’entreprise (développeur·euse·s, opérationnel, marketing, communication). 

Nous avons demandé à Nicolas Chatelain comment il compléterait ces définitions et il y ajoute une dimension essentielle : la légitimation du design auprès des décideurs. Ce, grâce aux preuves de l’impact positif du design, issues du DesignOps, nous y revenons plus bas.

Le DesignOps défini par les designers

Nicolas Chatelain s’appuie notamment sur ses échanges avec Peter Boersma, ex DesignOps Manager chez Miro, pour nous proposer une définition globale et actualisée du DesignOps : 

  • « L’action de soutenir les designers en lien avec les stakeholders, afin de créer les “meilleures circonstances” pour permettre de produire du “bon design”. » Concrètement, il s’agit de créer une structure opérationnelle autour de la force design ou du lead designer par exemple. 
  • Il souligne cependant que certains considèrent que le DesignOps relève de tout ce qui n’est pas le design, à savoir l’organisation, l’opérationnel, le processing, permettant ainsi aux designers de se concentrer sur leur travail de conception, et de gagner du temps au profit de la production et du delivery.
  • Nicolas Chatelain précise enfin les finalités de DesignOps, rappelant que le travail des designers n’est pas artistique et qu’il s’inscrit dans un contexte précis accompagné d’une promesse de revenus, de rentabilité et d’efficience qui participe à légitimer le design.

En conclusion, il résume :  “Le DesignOps ce sont toutes les actions qui sont menées pour créer et soutenir un écosystème design, un écosystème de conception, afin de mettre le design à l’échelle de l’entreprise. Cela permet de la faire gagner en vélocité, en efficacité et surtout en impact dans tous les travaux où le design est mis à contribution.

UX et DesignOps

Toujours selon Nicolas Chatelain, le lead designer accomplissait déjà naturellement, des tâches “Ops” aux débuts de l’UX, née de l’ergonomie dans les années 60 : afin de créer un cadre, du lien entre les designers, et d’apporter de la cohérence dans leur travail. De fait l’UX est bien présente dans le DesignOps, et les principaux utilisateurs en sont les designers au sein d’une même structure.

D’un point de vue User Centric, le gain de temps généré par un DesignOps efficace, se fait au profit de la R&D, de l’innovation, du temps passé avec l’utilisateur potentiel, et permet de renforcer les liens entre les designers de l’organisation. Autant d’éléments qui profitent non seulement à l’expérience utilisateur, mais aussi à celle du collaborateur.

En effet le DesignOps, permet par un travail collaboratif, un dialogue constant entre designers, mais aussi avec le reste de la structure. Une façon de mettre le collectif au service de la création de process, à travers l’atomic research par exemple.

Comment s’organise le DesignOps ?

Notons au préalable que Kate Kaplan, insights Architect au sein du N/N Group, appelle à éviter le mimétisme en matière de DesignOps :  il s’agit d’un cadre qui bien que standardisé, ne peut se copier d’une structure à une autre, chaque DesignOps étant unique et propre à chaque organisation selon son environnement interne.

Selon N/N Group, l’organisation d’un DesignOps est fondée sur 3 piliers : la collaboration des équipes, les processus de travail et  les résultats.

3 principes du Design Ops

Ainsi le DesignOps est en réalité fortement lié à l’optimisation de l’expérience collaborateur des équipes de design. Il s’agit de mettre en place des outils et des processus qui permettent aux designers de créer, de concevoir dans de meilleures conditions.

Who’s in charge ?

La, le ou ou les responsables de la mise en place et du suivi du DesignOps varient selon les organisations. Nicolas Chatelain nous en donne quelques exemples : 

  • Un.e design lead ;
  • Un.e manager disposant d’une sensibilité ou d’un background design ;
  • Tous les designers à tour de rôle, comme cela est le cas au sein de Renault Digital, dans une démarche pleinement collaborative où chaque designer peut contribuer à faire évoluer le DesignOps ;
  • Des profils dédiés par compétences, comme du community building ;
  • Un.e designer de l’équipe Design Systems ;
  • Un.e référent.e DesignOps, qui, au-delà de l’accompagnement des problématiques design, oriente également les demandes auprès des bons interlocuteurs des différentes équipes. Un rôle de mise en relation qui peut s’avérer essentiel et qui nécessite une compréhension globale des différents enjeux.

La maturité en matière de DesignOps progresse dans les entreprises françaises, Nicolas Chatelain souligne que les offres de postes dédiées au DesignOps, commencent à se faire de plus en plus présentes, notamment dans les environnements dynamiques et ouverts aux nouveautés que constituent les startups et les scale-ups.

Les outils du DesignOps

Le DesignOps fait alors appel à une multitude d’outils liés au processus même de design mais également à l’organisation du travail et des équipes, au partage de données et de connaissances et même au recrutement, en voici une liste non exhaustive :

  • Les outils de travail collaboratif (Miro, Figma, FigJam, InVision, suites Microsoft 360 ou Google) ;
  • Les répertoires de benchmarks et de moodboards ;
  • Les outils de communication et de gestion de projets (Asana, Trello, Monday, Slack, Teams), permettant de centraliser les échanges entre toutes les parties (designers, stakeholders).
  • Les Outils dits “seconds cerveaux” comme Notion, application collaborative, permettant de regrouper les projets pour les rendre accessibles à toutes les équipes, capitalisant ainsi sur ce qui a été fait au cours d’un projet, et créer une legacy design.
  • Les outils de conception visuelle et de production de wireframes, prototypes, etc (Figma, suite Adobe, InVision, Balsamiq, MarvelApp, Procreate).

Happy Designers et légitimation du design

Le DesignOps s’avère être une démarche essentielle pour légitimer le design au sein d’une organisation et au-delà. Son articulation permet en effet aux designers de se faire entendre auprès du COMEX et des décideurs dont dépendent les budgets design.

Les metrics et différents KPI issus du DesignOps sont autant de leviers à présenter au niveau le plus stratégique de l’entreprise pour justifier l’impact et l’importance du design. Une façon de dépasser la polarité créativité vs standardisation, en apportant de la tangibilité et du pragmatisme aux process design, à l’échelle de l’organisation.

Le travail collaboratif et participatif induit par le DesignOps, favorise le sentiment d’appartenance des designers à leur organisation, ainsi que leur épanouissement en tant que collaborateurs. Une démarche Work Together à préserver en 2023, face à la crise économique et au Business First. Vigilance, donc.

Attention cependant, Forrester appelle pour 2023, à ne pas négliger les investissements au profit de l’innovation, de l’EX, de la CX, et par extension, du design ?

Petit lexique du DesignOps

DevOps :

Le DevOps, est le “père” de tous les “Ops” qui lui ont succédé. C’est l’association des mots développement (web) et opérations. Son but est de favoriser la communication et la collaboration entre développeur·euse·s web et les équipes informatiques notamment. 

ResearchOps :

À l’image de Design Ops et du Dev Ops, le Research Ops fait référence à l’opérationnalisation du département de recherche utilisateur. Il sert à soulager les chercheur·euse·s dans l’aspect opérationnel de leur travail tout ou encore à leur faire gagner du temps dans la collecte et le traitement des données de recherche.

Design System :

Un design system est un référentiel évolutif commun aux designers et aux développeur·euse·s pour construire de nouveaux produits ou services numériques. C’est un ensemble formé de quatre éléments : un stock de composants, leur mode d’emploi, les fondements de ces choix et les conditions d’auto-évolution.

Design sprint :

Le design sprint est une méthodologie d’idéation accélérée misant sur la pluridisciplinarité des participants et la contrainte du temps. Généralement mené sur 5 cinq jours, il vise à explorer un maximum d’idées, ne retenir que les meilleures, les prototyper puis les tester.

Atomic Design :

L’atomic design est une méthodologie de conception d’interfaces théorisée par Brad Frost dans son livre éponyme. Son idée est d’adresser la multiplication des écrans et contextes d’usage par la construction de design systems organisés qui rendent les interfaces plus cohérentes.

Atomic Research :

L’atomic research est une approche qui redéfinit les unités de base de la connaissance UX en “atomes” (aussi appelés “nuggets”) taggés. Plus simplement, l’idée est de déstructurer le matériau brut récolté à l’occasion d’une recherche utilisateur afin d’avoir une vision d’ensemble et granulaire avant analyse.

Community Building :

Dans le contexte du Design Ops, il s’agit de créer une communauté en interne, de designers, en construisant un sentiment d’appartenance, une dynamique d’échange de connaissances, et des moments de discussions et de partage comme des random lunchs (inscription des collaborateurs au hasard, à un repas partagé). L’onboarding, en fait partie, à travers les livrets de communication, l’accompagnement et l’orientation du  nouvel arrivant vers les bonnes personnes au sein de la structure. Tous les évènements et initiatives visant à créer la cohésion et l’épanouissement en interne.

Merci à Nicolas Chatelain, Design System Designer passionné opérant au sein de l’équipe DesignOps d’Orange, pour la richesse de nos échanges.