Quand l’expérience utilisateur prend des chemins inattendus

Quand l’expérience utilisateur prend des chemins inattendus

Quand l’expérience utilisateur prend des chemins inattendus 1920 1022 Wedo studios

7 usages détournés de produits et services

Si l’objectif des équipes UX est de soigner au maximum l’expérience utilisateur, il arrive qu’un produit ou service aboutisse à des usages inattendus, qui peuvent aller jusqu’à prendre le contrepied des usages anticipés. Souvent, ces usages inattendus ont même amené les designers à s’interroger et à revoir les besoins des utilisateur·rice·s du produit ou du service pour le faire évoluer.

Ces usages marginaux, et la manière dont ils sont assimilés par les équipes de conception, sont au cœur des question de recherche ouvertes par la sociologie de la technique (Akrich, Calon, Latour) et se referment sur le constat de la créativité des utilisateur·rice·s face aux produits et services qui leur sont proposés.

On a donc cherché des exemples de ces cas où les usagers ont créé leur propre expérience utilisateur. 

“Workarounds are the soul of innovation… Where the answers lie.”
Donald Norman

1. Twitter : la naissance des threads

À ses débuts, le réseau social était populaire pour ses tweets limités à seulement 140 caractères. La pratique du thread est issue d’une pratique spontanée des utilisateur·rice·s qui ont rapidement commencé à découper des textes longs en plusieurs posts numérotés. En 2017, Twitter a d’ailleurs doublé le nombre de caractères autorisés, passant de 140 à 280. Mais cette mise à jour n’a pas pour autant stoppé la culture des threads qui font désormais partie intégrante des fonctionnalités de la plateforme.

2. TikTok : des vidéos plus longues

Au début, TikTok c’était 15 secondes, pas plus. 15 secondes pour danser, chanter (en playback), faire rire, etc. Mais les usages de la plateforme ont vite évolué et, à l’image des threads de Twitter, les utilisateur·rice·s ont commencé à poster des TikToks en plusieurs parties.

Pour répondre à ces nouveaux usages, le réseau social chinois a augmenté la durée de ses vidéos, de 15 à 60 secondes, jusqu’à atteindre les 3 minutes en 2021. Aujourd’hui, TikTok envisage d’allonger ses vidéos à 10 minutes et serait déjà en train de tester la fonctionnalité auprès de certain·e·s utilisateur·rice·s.

3. Deliveroo : une plateforme d’achat et de communication

Initialement, Deliveroo est un service de livraison. L’interface proposait donc, côté client·e·s, des choix de plats, et côté restaurant, les demandes clients. Afin de communiquer d’autres informations aux client·e·s, les restaurants ont commencé à utiliser les espaces dédiés aux plats pour faire des annonces (nouveau plat, promotion du mois, etc.). Depuis, l’interface a intégré des espaces dédiés à ces pratiques de communication et de marketing.

4. Youtube : le bouton dislike

La fonctionnalité “je n’aime pas cette vidéo” a récemment connu du changement sur Youtube. En effet, si le bouton est toujours disponible, les utilisateur·rice·s n’ont plus accès au nombre de personnes ayant cliqué dessus. La mise à jour a vivement été critiquée par les utilisateur·rice·s de la plateforme qui considèrent que le nombre de dislikes sur une vidéo était un indicateur de qualité et de pertinence.

Pour faire face à ce changement, certains utilisateur·rice·s se servent des commentaires pour partager leur mécontentement et demandent aujourd’hui aux personnes qui n’ont pas apprécié le contenu d’aimer ce commentaire.

5. Vélib’ et services de livraison : la monopolisation d’un service

Vélib’, le service de vélos partagés de la Mairie de Paris, a augmenté ses tarifs, notamment pour empêcher les utilisations intensives des vélos électriques. La cible ? Les livreurs des entreprises de coursiers et de nourriture à emporter, qui utilisent ce moyen de transport pour travailler. 

En effet, d’une part, cet usage détourné des Vélib’ réduit la disponibilité des vélos pour d’autres déplacements et d’autres usagers et, d’autre part, accélère l’usure des véhicules, qui ne sont pas conçus pour des usages intensifs.

6. S’envoyer des messages à soi-même plutôt que de prendre des notes

Certaines messageries, comme Slack, permettent de s’envoyer des messages à soi-même. Pour beaucoup d’utilisateur·rice·s, il s’agit d’un moyen pratique et rapide de stocker des informations, des listes, et des liens à retenir, plutôt que de passer par un logiciel de prise de note ou d’utiliser la fonctionnalité “marque-page” de son navigateur. Cela permet aussi de centraliser les usages au sein d’un seul service. Les utilisateur·rice·s de Discord créent ainsi des groupes d’un·e seul·e membre (elles·eux-mêmes) pour ce même usage.

7. Les plateformes de locations saisonnières et les crises du logement

Les plateformes de location entre particuliers ont souvent été pointées du doigt pour leur contribution à  la crise du logement dans les grandes villes. À l’origine, ces plateformes étaient destinées aux propriétaires qui souhaitaient arrondir leurs fins de mois en louant leur logement pendant leur absence. Aujourd’hui, le service se  professionnalise de plus en plus et la majorité des logements proposés sont réservés exclusivement à la location touristique.

Ainsi, à Paris, Barcelone ou encore New York, de nombreux propriétaires privilégient la location saisonnière à la location longue durée, encourageant l’augmentation des loyers, la gentrification et la touristification de certains quartiers.

 

Ces exemples témoignent de l’importance de bien rechercher et analyser les habitudes des utilisateur·rice·s d’un produit ou d’un service, mais aussi la prise en compte de toutes les parties prenantes pouvant être affectées par le design en question. Ils rappellent également qu’il est essentiel,  pour les designers, d’être capables de se remettre en question, de revenir sur un design et de l’améliorer en fonction de l’évolution des besoins et des usages des utilisateur·rice·s.