Qui utilise encore des dark patterns en 2022 ?

Qui utilise encore des dark patterns en 2022 ?

Qui utilise encore des dark patterns en 2022 ? 961 511 Wedo studios

Pas mal de gens apparemment.

Newsletters intempestives, publicités non-sollicitées, abonnements abusifs à des services payants : malgré l’avènement du design éthique et du care, les features spécifiquement conçues pour piéger les utilisateur·rice·s, les dark patterns, sont malheureusement encore très courantes.

Leur objectif ? Provoquer des actions involontaires chez les utilisateur·rice·s, mais qui servent les intérêts de l’organisation qui a conçu le service.

On a voulu récapituler les dark patterns les plus courantes, et les manières de les repérer.

Les exemples les plus courants

1. La fausse urgence

Particulièrement plébiscitée par les services de locations de courte durée, cette pratique consiste à presser les utilisateur·trice·s pour que la réservation soit faite le plus vite possible.

Booking

La menace sous-jacente est que l’offre ne sera plus valable ou le bien ne sera plus disponible. Airbnb a abandonné les notifications anxiogènes (“x personnes sont en train de regarder cette annonce en même temps que vous”) au profit d’une notification plus subtile sur la rareté de certains biens, mais à l’objectif similaire.

Airbnb

D’autres sites d’achat en ligne utilisent cette technique pour convertir un panier en achat, à l’aide d’un compte à rebours par exemple.

Just Fab

Enfin, la fausse urgence peut-être suggérée par l’affichage d’offres limitées dans le temps, avec une date d’expiration vague ou non précisée. Ainsi les utilisateur·rice·s ont peur de manquer une bonne affaire.

2. Bait and switch

Cette pratique implique d’inciter les utilisateur·rice·s à une action qui n’aura pas l’effet escompté, comme confirmer plutôt qu’annuler, acheter plutôt qu’adhérer au panier.

L’idée est d’utiliser le conditionnement visuel entraîné par l’utilisation d’interfaces.

Ainsi, certains codes familiers vont correspondre, dans l’imaginaire collectif, à certaines actions : un bouton situé en bas à droite, une notification en rouge, un bouton mis en exergue par un fond foncé, etc.

Cette pratique se retrouve particulièrement dans les jeux mobiles. Par exemple, Candy Crush conditionne les joueur·se·s à presser le bouton central pour jouer. S’il y a défaite, ils ou elles continuent d’appuyer sur ce même bouton pour rejouer, grâce à quelques crédits gratuits.

Candy Crush

Quand les joueur·euse·s n’ont plus de crédits, il faut en acheter. À ce stade, le nom du bouton a simplement changé de “rejouer” à “acheter”. Le réflexe de taper sur le bouton emmène les utilisateur·trice·s directement sur l’e-shop du jeu.

Candy Crush

3. Confirmshaming

Cette pratique est particulièrement utilisée en UX writing. Elle donne une connotation négative aux actions des utilisateur·rice·s qui ne sont pas dans les intérêts du service (comme se désinscrire ou abandonner son panier sans achat).

Amazon donne par exemple le choix aux utilisateur·rice·s de rejoindre Amazon Prime tout au long du parcours.

Au lieu d’un simple choix entre “oui” ou “non”, les consommateur·rice·s se retrouvent face à un choix de mots comme : “Non, je ne souhaite pas l’option de livraison en un jour” qui implique que l’utilisateur·rice·s fait un mauvais choix.

Amazon, (No, I don’t want the one-day delivery)

4. Des conditions obscures

Depuis l’année dernière, de nombreux sites comme Marmiton, 750g ou Allociné ont rendu leur accès payant aux utilisateur·trice·s qui refusent les cookies publicitaires (ceux qui récoltent vos données de navigation pour vous envoyer des publicités ciblées).

Allociné

S’il n’y a rien de répréhensible à vouloir faire payer un service, ces sites ne sont pas toujours des plus transparents sur cet aspect pourtant crucial du parcours utilisateur.

Par exemple, sur Marmiton, on donne d’abord le choix d’accepter ou de refuser les cookies avant d’informer qu’un refus équivaut à choisir l’option payante. Et le prix n’est annoncé que dans un troisième temps, alors que l’utilisateur·trice est déjà engagé loin dans le parcours.

Marmiton

Utiliser les sciences cognitives à bon escient

Promouvoir un produit sans tomber dans les dark patterns c’est possible. En fait, concevoir des interfaces efficaces et user-friendly, c’est le meilleur moyen de convaincre les utilisateur·rice·s de les adopter.

Ce qu’exploitent les dark patterns

Les dark patterns jouent sur certaines vulnérabilités. On en a listé quelques unes ici.

  • La culpabilité : instiller, notamment par un choix de mot étudié, le doute, la honte, ou simplement une image négative de soi à l’utilisateur·rice.
  • Le manque de motivation : concevoir des parcours d’abandon ou de réclamation tellement complexes que l’utilisateur y renonce par épuisement.
  • Limpulsivité : laisser penser à l’utilisateur·rice qu’il ou elle va perdre quelque chose (un service, un produit, une bonne affaire, une opportunité) en prenant son temps.

  • Lanxiété (qui peut résulter de toutes les autres) : inquiéter l’utilisateur·rice (par des notifications alarmantes de son logiciel anti-virus sur l’état de protection de son ordinateur par exemple).

Concevoir des interfaces efficaces et user-friendly

Ces principes peuvent être utilisés pour encourager un engagement positif chez les utilisateur·trice·s. Il faut à la fois leur donner la motivation d’utiliser le service et la capacité de le faire.

La motivation, ça peut venir de plein de choses : l’attractivité esthétique d’un service ou produit, ou tout simplement les bénéfices qu’il apporte aux utilisateur·rice·s.

Une communication claire, compréhensible et honnête fait la différence. Certaines applications de fitness jalonnent par exemple leurs parcours de challenges à la difficulté croissante. Les défis relevés sont récompensés par des badges, mais il n’y a pas de notifications intempestives ou culpabilisatrices si l’utilisateur·rice se rend moins sur l’application ou ne réussit pas un défi.

Ainsi, au lieu de compter sur les peurs des utilisateur·rice·es, l’UX éthique les engage par des parcours accessibles, familiers, rapides. Il s’agit de faire gagner du temps, de faciliter la vie, de réduire la charge cognitive des personnes.

L’UX est une discipline jeune, mais les dark patterns utilisent les mêmes mécanismes que des pratiques historiques du secteur de la publicité et du marketing. Si celles-ci sont encore largement plébiscitées, y compris par de grandes marques, une véritable tendance éthique émerge (le care design notamment).

Le rôle des designers est ainsi crucial dans les choix de conception vers des interfaces transparentes et sans piège. Aligner les intérêts des organisations avec ceux des utilisateur·rice·s est encore le meilleur moyen de les engager et de les fidéliser.